Extralucid Films, jeune éditeur de films, revient, après leur intrigante première sortie qu’était Tous Les Dieux Du Ciel. Cette fois-ci il présente une vague de quatre films qu’il classe dans leur première collection nommée Extraculte. Une collection Extramonde paraitra au cours du mois d’octobre qui reviendra quant à elle sur le cinéma indépendant mondial.
La collection Extraculte a pour but de revenir sur un cinéma d’exploitation culte et qui pourtant est en passe de sombrer dans l’oubli, tant la difficulté de visionner en Haute-Définition ces long-métrages semble complexe.
Pour cette première salve, l’éditeur français propose les films suivants :
- Seizure – La Reine Du Mal d’Oliver Stone
- Starcrash – Le Choc Des Etoiles de Luigi Cozzi
- The House On Sorority Row de Mark Rosman
- Death Warmed Up de David Blythe
A travers cette sélection, Extralucid Films met en avant quatre genres clés de la culture bis avec le Slasher, le Paranormal, la Science-Fiction e le cinéma Gore.
Dans cet article, nous reviendrons sur l’édition Blu-Ray de Seizure – La Reine Du Mal réalisé par Oliver Stone.
L’article s’organisera en deux temps :
I) La critique de Seizure – La Reine Du Mal
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray
L’avis de Quentin :
I) La critique de Seizure – La Reine Du Mal
Avec Seizure, nous nous avançons dans le cinéma d’horreur à bas budget qui pullule au coeur des années 70 marquant de grandes révélations comme le Massacre à La Tronçonneuse de Tobe Hooper ou encore La Dernière Maison Sur La Gauche de Wes Craven. Au coeur de ce bastion sans merci du cinéma de genre américain, où chaque jeune réalisateur tente de sortir son épingle du jeu, un certain Oliver Stone tente sa chance à son retour du Vietnam, après avoir étudié le cinéma à l’université de New York.
Le réalisateur aujourd’hui oscarisé pour des oeuvres telles que Platoon ou encore Né Un 4 Juillet, qui a travaillé sur les coulisses et dérives des Etats-Unis, s’attaquait avec Seizure aux relations à l’intérieur du cadre familial et amical ainsi qu’à l’acide rêve américain.
Oliver Stone réunit tous ses personnages au cours d’un week-end de retrouvailles entre amis. Le point de lecture du film s’organise à travers le regard d’Edmond Blackstone, interprété par Jonathan Frid, romancier reconnu et spécialisé dans l’épouvante. Le personnage ne cesse de rêver d’une nuit de traque envers lui et ses proches. Rêve prémonitoire ou simple cauchemar récurrent, symbole d’un nouvelle oeuvre, il tente le tout pour le tout et tend ses bras à l’horreur dans l’espoir de trouver l’inspiration. Au cours d’une nuit, le rêve prend vie, la reine du mal, l’incarnation de Kali, fait intrusion avec ses sbires, un nain et un géant muet à la musculature surnaturelle, pour mettre à l’épreuve ce regroupement amical. Le rêve devient réalité ou bien la réalité devient rêve, la dissociation devient complexe, les règles de cette nuit d’épouvante sont dictées, à l’aube seul l’un d’entre eux aura la vie sauve.
Le Koh-Lanta du meurtre est lancé.
Le film prend plaisir à faire entrer le rêve dans le réel mais également le réel dans le rêve parvenant ainsi à créer une tierce interstice, réalité. La manière dont les actions s’enchaînent semble décousue, stimule la sensation de malaise, pousse les interprètes à des réactions parfois inexplicables. Oliver Stone parvient à mêler entités démoniaques et légendes de cultures différentes pour nous mener face à une relecture de Faust, l’oeuvre de Goethe, avec ce romancier sur la voie du sacrifice, prêt à tout pour la création.
L’oeuvre est difficile à saisir tant elle souhaite continuellement se dérober pour nous interroger, surprendre. En tant que spectateur, Seizure devient une oeuvre hermétique où le cinéphile se laissera pleinement ensorcelé, par cette aura mêlant légendes et divinités au coeur d’une société occidentale se préservant de toute violence derrière les petits petons de la Vierge Marie au nom de la réussite et de la bienséance, ou bien restera insensible et vivra quatre-vingt-dix éprouvantes minutes, qu’il contera à tous les repas de famille comme plus mauvaise expérience de cinéma.
Ce film rituel qui se dévoile par étape joue sur les aspects les plus perfides et égoïstes de ses interprètes. Entre argent, création et volonté de devenir célèbre, ces amis censés se soutenir les uns, les autres, vont se révéler, au fur et à mesure des défis mis en place par la reine du mal, être des individus sournois. Le sacrifice même autour de la parentalité va se jouer.
Oliver Stone montre ici les prémices de sa volonté de critiquer, contester le mode de pensée Nord-Américain. Il détruit le célèbre rêve américain en dévoilant ses coulisses. Il met savamment en scène la puissance de l’appât du gain, la volonté de réussite et la reconnaissance au détriment de la cellule familiale. Il révèle le difficile paradoxe d’être bon parent tout en ayant la gloire de manière professionnelle. Le créateur doit ici choisir, trancher entre sa créature, dans le cas présent sa carrière littéraire, ou bien sa progéniture, son fils en proie à la mort qu’il met lui même en scène.
En mêlant ses diverses strates entre rêve et réalité mais également gloire ou bon père de famille, Oliver Stone souhaite nous faire entrer de manière progressive dans les pensées du personnage principal, afin de percevoir de manière parallèle son conscient tout comme son inconscient. La maison et son terrain constituent différentes zones de la conscience de l’auteur, où chaque endroit marqué par la mort influe sur le lien à la chair. Des amis éloignés qui mourront aux extrémités de la demeure jusqu’au cercle familial au trépas suggéré dans les limbes du feu de la cheminée ou encore dans le grenier, temple de l’inconscient.
Ainsi, le cinéaste avec un montage assez particulier oscillant sur les espaces et les temporalités souhaite nous faire accéder à l’entité créatrice d’un auteur. Entrer dans la carcasse de cet homme, apercevoir ses idées, pensées et personnages terrifiants qu’ils soient réels ou imaginaires propulse le spectateur dans des atmosphères rappelant le travail d’Edgar Allan Poe ou encore Lovecraft. La terreur dans le réel ou bien le réel dans la terreur, ouvrez les yeux, la réponse est et a toujours été devant vous, peut-être même en vous.
Seizure -La Reine Du Mal est une oeuvre singulière dans le cinéma d’horreur des années 70. Derrière ses apparats de cinéma paranormal, ventant la culture de la terreur, Oliver Stone construit une architecture dont tout l’intérêt repose dans sa lecture psychanalytique.Un voyage dans les recoins les plus sombres de l’inconscient d’un auteur, révélant à la fois un réalisateur majeur mais également une réflexion acide sur le rêve américain et sa finalité auto-destructrice aux relents sacrificiels
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray
Image :
La copie Haute-Definition proposée par Extralucid Films est capable de délivrer de belles images tout comme offrir des scènes où la restauration paraît assez timide. Cette succession de qualité d’images se ressent surtout durant la première demi-heure et trouve une stabilité confortable durant les deux tiers restants.
La version proposée parvient à proposer un travail réussi sur les couleurs, réussissant à plusieurs reprises à les faire ressortir et dévoilant des matières de manière plus fine. Le niveau de détails n’est pas exponentiel mais réussi tout de même à proposer de belles réussites.
Note Image : 3/5
Son :
Extralucid Films propose deux pistes :
- Version française : La version française perd la puissance de l’oeuvre d’Oliver Stone, de par son doublage, et l’ancre à jamais dans la catégorie des films douteux à regarder entre amis pour une bonne tranche de rigolade. Les voix semblent compressées et prennent le dessus sur l’ambiance sonore du film. Le sérieux du long-métrage est mis en péril mais le visionnage dans ces conditions offre un aspect nouveau qui permet un deuxième visionnage des plus tordants. A essayer pour les amateurs des doublages de téléfilms du dimanche après-midi.
- Version originale sous-titrée : La piste audio en version originale de Seizure est très confortable. Elle laisse un équilibre adroit entre les différents canaux qu’il s’agisse des voix ou des effets sonores. L’immersion du film se fait très facilement d’un point de vue sonore. Datant tout de même de 1974, le film ne sature pas sur les aigus et offre un rendu agréable.
Note Son : 3,5/5
Suppléments :
L’édition de Seizure – La Reine Du Mal proposée par Extralucid Films se présente dans un étui Digipack d’un très bel effet. Tout comme les autres films de la collection Extramonde, Seizure au delà de ses qualités cinématographiques est un très bel objet.
L’édition Combo DVD/Bluray de Seizure contient un unique supplément d’une trentaine de minutes autour de son réalisateur :
- Un portrait d’Oliver Stone de Fathi Beddiar : Connu de tous les cinéphiles adaptes de Le Chat Qui Fume dont il est déjà un intervenant phare. Le journaliste, acteur, scénariste mais avant tout cinéphile averti revient sur la vie d’Oliver Stone et recoupe des pans de la vie du cinéaste, de l’enfance à aujourd’hui, avec sa carrière de réalisateur et plus précisément sur les interconnexions entre sa vie et certains arcs narratifs de ses films.
Il revient également sur l’épopée qu’a été Seizure pour Oliver Stone afin d’en venir à bout et de pouvoir le diffuser sur grand écran.
Un supplément d’une qualité extraordinaire de par son contenu, de nouveau Fathi Beddiar a frappé et offert ses connaissances cinéphiles autour d’un réalisateur majeur : Oliver Stone.
Note Suppléments : 3,5/5