MAJ 02/2020 : notre avis sur la version PC ici.
8 ans après le premier Red Dead Redemption, sa suite est enfin arrivée, sans se presser, avec son cheval et son grand chapeau… Sobrement intitulée Red Dead Redemption 2, ce nouvel opus entend nous conter les événements antérieurs au précédent volet, notamment le quotidien des anciens frères d’armes qu’y traquait John Marston, qui fait ici son grand retour. Plus grand, plus riche, plus complexe, plus vivant que jamais… Les promesses du studio étaient grandes, sans compter les attentes des fans après le chef d’œuvre que représentait le premier Red Dead Redemption. Au final, cette suite est-elle à la hauteur ? Le test dans la suite.
Début du jeu. La nuit, la montagne, le blizzard, l’une des plus belles poudreuses vue de mémoire de joueur… Et au cœur de cet enfer froid, les derniers membres du redoutable gang Van Der Linde, désormais en fuite après un récent coup d’éclat dans la ville de Blackwater. Le froid ronge les corps, mais les esprits, eux, commencent à s’échauffer, éprouvés par ces conditions de survie et la confiance envers leur chef. Loin de l’impitoyable chef de gang qu’on pourrait attendre, le leader, Dutch Van Der Linde est avant tout un patriarche, prenant soin de sa « famille » de hors-la-loi comme de son propre sang. Et plus que l’argent, c’est leur sort qui leur importe avant tout, notamment celui d’Arthur Morgan, gangster aussi sympathique que bourru qu’il n’hésite pas à considérer ouvertement comme un fils. Ça tombe bien puisque après John Marston, c’est désormais aux commandes d’Arthur Morgan que vous arpenterez ce Far West virtuel où vous devrez survivre tout en aidant Dutch à faire prospérer votre gang.
Sans entrer dans les détails de l’intrigue, les premiers instants dans Red Dead Redemption 2 donnent le ton. Ici, point de grande fusillade ou poursuite. Non, nous ne sommes pas dans « GTA chez les cowboys ». Plus encore que dans le précédent volet, RDR2 prend le parti de nous offrir une véritable expérience de western dans ce qu’il a de plus large à offrir. Pour Rockstar, comme pour bon nombre de cinéastes avant le studio, le genre ne se résume pas aux poursuites à cheval ou aux règlements de comptes, et des œuvres plus posées, voire contemplatives comme Danse avec les Loups ou L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ont autant de force qu’un Bon, la Brute et le Truand ou un Open Range qui sentent bon la poudre et la poussière, ou même qu’un crépusculaire Impitoyable. Encore plus que son prédécesseur, Red Dead Redemption 2 réussit à s’imposer comme la synthèse de toutes ces différentes influences, alternant avec un brio assez bluffant les moments contemplatifs les plus poétiques, et les fusillades et poursuites les plus impressionnantes (surtout avec l’aide du Sang-Froid permettant de ralentir le temps). Tout cela sans oublier de développer avec une véritable maestria ses personnages et les relations entre eux, que ce soit au détour d’un dialogue bien senti, d’une soirée à chanter entre amis autour d’un feu de camp, ou même d’une nuit à enquiller les verres plus vite que son ombre – et son compère – avant de se réveiller en pleine forêt avec une sévère gueule de bois le lendemain.
A ce titre, le soin apporté aux interactions entre les différents membres du gang Van Der Linde a de quoi impressionner. Outre certaines activités ou accessoires qui s’obtiendront par l’intermédiaire d’un(e) acolyte (en vrac : poker, jeu du couteau, pêche, cambriolages…), le niveau des interactions a été poussé à un niveau assez étonnant, en particulier pour un jeu de ce genre, si bien qu’à elles seules, les possibilités offertes par le gang suffiraient largement à remplir un jeu. Du grand Rockstar !
Le soin apporté à la vie du gang se ressent également sur l’univers de RDR2. Qu’il s’agisse des animaux sauvages ou des personnages non jouables (PNJ) peuplant ce Far West, il y a régulièrement de quoi rester pantois d’admiration. Non seulement leur nombre est conséquent, si bien que vous ferez rarement dix pas sans faire une rencontre, incluant des quêtes annexes surprises. Mais en prime, outre des animations très soignées, on aura rarement vu des PNJ aussi réalistes en termes de comportement. Sans entrer dans les détails, nous vous encourageons à suivre certains habitants en train de vaquer à leurs occupations pendant plusieurs heures (virtuelles) pour voir à quel point Rockstar vient de redéfinir la notion de PNJ. Et en cadeau, un petit conseil : évitez de faire confiance à n’importe quel quidam lors de vos balades nocturnes, notamment dans la ville de Saint-Denis (dont certains ne manqueront pas d’ironiser qu’elle porte bien son nom).
La crédibilité et le soin apporté à cet univers n’est pas que cosmétique. En effet, si sous ses airs de GTA-like chez les cowboys, le premier Red Dead Redemption intégrait déjà des aspects de RPG, cette suite embrasse encore plus le genre du jeu de rôle, allant bien au-delà des possibilités cosmétiques (mention à la barbe qui pousse en temps réel). Ainsi, loin d’être sur des rails, le parcours d’Arthur Morgan dépendra énormément de vos choix, même les plus anodins, si bien qu’il ne sera pas rare qu’une action passée – bonne ou mauvaise – vous revienne en pleine figure au détour d’un dialogue ou d’un choix présent. Sans compter vos méfaits et/ou bonnes actions qui viendront faire pencher votre balance morale entre l’homme d’honneur et l’indécrottable hors-la-loi, avec les conséquences que cela implique en termes de primes sur votre tête. On appréciera donc que Rockstar ne se soit pas reposé sur les lauriers de GTA V, mais ait au contraire cherché à se renouveler et à prendre des risques, quitte à égarer quelques fans en cours de route.
N’allez évidemment pas croire que Red Dead Redemption 2 tranche radicalement avec les précédents hits de Rockstar, Red Dead Redemption 1 et GTA V en tête. Sans être aussi variées que dans un GTA V, les activités restent nombreuses et parviennent régulièrement à se renouveler, nous évitant les multiples quêtes façon Fed-Ex (Arthur ne manquera d’ailleurs pas de rappeler au détour d’une mission qu’il n’est pas un facteur). Toutefois, là où GTA V ou même Red Dead Redemption se permettait de tordre la crédibilité de ses possibilités au profit du gameplay ou du plaisir du joueur, Red Dead Redemption 2 s’oriente davantage vers une volonté de réalisme certes louable, mais qui ne manquera pas de diviser. Ainsi, exit les personnages et chevaux infatigables, ou les déplacements rapides sur la carte via un point de téléportation. Dans RDR2, votre personnage et votre cheval doivent être nourris, soignés et se reposer, sous peine de rendre l’âme (définitivement, dans le cas des chevaux). Les bêtes et peaux que vous portez sur votre monture pourront tomber en cours de route. Quant à vos déplacements, à moins de vous offrir l’option de déplacement adéquate (en aller simple uniquement) au camp de Morgan, il ne vous restera qu’à compter sur votre monture, vous offrir un billet de train ou encore suivre un tracé GPS de carte en mode « pilotage automatique » sur votre cheval via l’option de « vue cinéma ». De cette volonté de réalisme – et surtout du temps passé à cheval – découlera ainsi parfois le sentiment de jouer davantage à un Mon Petit Poney Simulator qu’à un Red Dead Redemption, mais on dira qu’il s’agit d’un choix assumé de Rockstar, dans la droite inspiration des westerns contemplatifs dont nous parlions plus haut.
Il faut dire que les qualités techniques du jeu sont là pour se laisser aller à la contemplation. Outre le soin apporté aux animations et aux PNJ évoqués plus haut ainsi qu’une durée de vie astronomique, Red Dead Redemption 2 peut s’enorgueillir de proposer l’un des plus beaux open world jamais vu sur consoles. Non seulement la modélisation des décors (des montagnes aux bayous de Louisiane, sans oublier les nombreux intérieurs) et des personnages pousse encore plus loin le niveau – encore impressionnant aujourd’hui – de GTA V version next-gen, mais en prime, il est difficile de ne pas être bluffé par le soin apporté aux lumières. Qu’il s’agisse d’un simple incendie, d’un coucher de soleil, d’un orage, d’une nuit laissant apparaitre la voie lactée, d’une forêt éclairée par l’aube filtrant à travers la brume… Chaque lumière est l’occasion d’un véritable spectacle apte à vous décoller la rétine. Et comme à chaque fois avec Rockstar, le plaisir se retrouve jusque dans les petits détails. Ainsi, la moindre chute dans la boue vous vaudra de vous balader avec des vêtements sales pendant un moment, un coup à votre joli minois fera tomber votre chapeau (qu’il faudra penser à ramasser), une trop grosse rasade d’alcool vous vaudra quelques difficultés à voir et à vous déplacer… Par contre, on regrettera que cette quête du réalisme dans les moindres détails aille parfois trop loin, si bien que le moindre arbre ou la moindre butte finira par vous donner des sueurs froides de crainte que votre cheval s’y heurte, envoyant voltiger votre Arthur comme une poupée de chiffon. Côté sonore, on reste dans la droite lignée du précédent volet avec des thèmes entêtants magnifiquement orchestrés, des acteurs habités et des bruitages qui finissent de donner corps avec brio à ce Far West virtuel. On émettra juste un bémol sur le gameplay reposant sur des mécaniques qui, certes, ont fait leurs preuves, mais qui trouvent parfois leurs limites, comme lorsque devant l’impossibilité de faire des déplacements rapides, il vous faudra marteler sans cesse la touche de galop pour avancer à une allure digne de ce nom. Un détail certes, mais qui en fera enrager plus d’un, surtout pendant les longues chevauchées.
Au final, Red Dead Redemption 2 représente une proposition osée de la part de Rockstar qui, en orientant le gameplay vers une volonté de réalisme et de contemplation ainsi qu’un aspect RPG bien plus présent, prend le risque de se couper d’une partie de ses fans, notamment ceux biberonnés à la souplesse d’un GTA V. Mais cette prise de risque, couplée à des qualités techniques bluffantes et à un scénario faisant la part belle à ses personnages tout en rendant hommage à plusieurs pans du western, permet à Red Dead Redemption 2 de nous offrir rien de moins que la proposition la plus mature de Rockstar depuis longtemps, ainsi que la digne suite de son prédécesseur. John Marston est mort, vive John Marston et Arthur Morgan !
MAJ : Test version PC
Trois mois après sa sortie, et alors que vient d’être annoncé le départ de Rockstar de Dan Houser (co-fondateur du studio et scénariste de la plupart de leurs jeux dont celui-ci), nous avons pu enfin poser les yeux et les mains sur la mouture PC de Red Dead Redemption 2. Si il est inutile de revenir sur le test consoles, les deux versions ayant un contenu identique jusque dans leurs récentes mises à jour, dont le récent mode photo (qui aura d’ailleurs servi à nos captures de ce test PC, réalisées sans filtre), il convient évidemment de s’attarder sur les différences techniques entre les deux versions.
Comme on pouvait s’y attendre, notamment depuis la version PC de GTA V, Rockstar n’a pas chômé pour offrir à son bébé le plus bel écrin possible. RDR2 était déjà l’un des plus beaux open-world sur consoles, il est encore plus beau et vivant sur PC… pour peu que vous puissiez le faire tourner. En effet, entre modélisations aux petits oignons, flore ultra-dense, effets de lumière et météorologiques en pagaille, sans compter les effets de particules, il vous faudra une machine digne de ce nom pour espérer le faire tourner correctement. Toutefois, alors que les avis émis à sa sortie nous laissaient craindre que nous aurions des soucis de performance même avec une machine dernier cri, il n’en a rien été grâce aux patchs mis depuis en place par Rockstar, et notre machine vieille de 3 ans (certes équipée d’un I7 7700, 1070 GTX et 16go de RAM) a ainsi été en mesure de faire tourner le jeu en Ultra sans sourciller. De quoi en prendre plein les mirettes en 1080p (sans écran adéquat, nous n’avons pas pu le tester en 4K). Ceci dit, pas de panique si vous n’avez pas de configuration assez costaude pour jouer avec tous les paramètres à fond, il est possible de choisir votre pré-configuration ou même modifier à peu près n’importe quel réglage indépendamment pour gagner en fluidité.
Fortes des possibilités du PC, les modélisations en ressortent encore plus réalistes (mention aux visages des personnages et aux fourrures des animaux dont on pourrait presque compter les poils), les effets de lumière sublimés, sans compter les effets de fumée qui gagnent en densité (impressionnant blizzard !) sans influer sur la fluidité. Et sans devoir attendre les moments les plus explosifs du jeu, il suffit de voir le sang gicler d’un ennemi ou tâcher un vêtement, la boue se répandre autour ou sur les corps, ou tout simplement la modélisation de l’eau d’une rivière, pour mesurer le véritable pas en avant dont profite ce Red Dead Redemption 2 par rapport à ses versions consoles. Alors évidemment, le tableau n’est pas totalement parfait, et l’on dénote encore ici et là quelques bugs de collision ou de scripts, mais c’est bien peu de choses par rapport à un tel océan de qualités face auquel on attend désormais qu’une seule chose : le Director Mode !