Richard Chance est un flic tête brûlée, obsédé par la traque du faussaire Rick Masters. Le jour où son coéquipier est abattu alors qu’il menait une opération en solo, Chance va peu à peu dévier de la légalité pour parvenir à ses fins et régler ses comptes… dans un bain de sang.
L’avis de Fabien
Après les échecs successifs de Sorcerer (1977) et Cruising (1980), William Friedkin essaie de se remettre en selle au mi-temps des 80’s avec le polar Police Fédérale Los Angeles/To live and die in L.A (1985), adapté du roman éponyme de Gerald Petievich, ancien membre des services de renseignement américain.
William Petersen (Manhunter, Les experts) incarne le bien nommé Richard Chance, flic « tête brulée » que son partenaire tente de modérer : « tu n’arriveras pas à la retraite ». Chance, fasciné par le mal, va devoir infiltrer le milieu des faux-monnayeurs pour arrêter son antagoniste, le faussaire dandy Rick Masters (Willem Dafoe). Les deux hommes peuvent être vus comme les 2 faces d’une même pièce; Friedkin montre que flic et criminel ont beaucoup de points communs (névroses, comportement auto-destructeur…) et la fine frontière qui existe entre eux.
Tout le film n’est que simulacres : les faux-billets, les relations entre les personnages marquées par la fausseté et la manipulation, le film lui-même qui joue avec les codes de l’actionner, du buddy movie des 80’s (après une séquence inaugurale présentant Chance comme un héros le reste du film n’aura de cesse de mettre en scène un anti-héros dépassé, un être névrosé voire psychotique).
Par souci de réalisme, William Friedkin dont l’excellent French connection (1971) avait été récompensé par 3 Oscar dont celui du meilleur réalisateur a tourné dans des quartiers chauds (Temple Street, Slauson Avenue, MacArthur Park…) de Los Angeles, cité des faux-semblants shootée par le chef op Robby Müller et a engagé des agents de police et de véritables ex-détenus ayant été condamnés pour trafic de fausse monnaie comme consultants. Friedkin, dans son autobiographie (Friedkin conection), résume ainsi son projet : « un film dans lequel la ville serait dépeinte comme un immense terrain vague gangrené par la violence et le cynisme sous un soleil brûlant ».
Parcouru d’une tension électrique qui ne se relâche dans les derniers plans, To live and die in L.A est célèbre pour sa démentielle poursuite auto qui se conclut par une échappée à contre-sens sur une autoroute bondée (prouesse technique inédite à l’époque) du véhicule de Chance et de son partenaire, métaphore d’un film qui détourne, pervertit le genre (l’actionner des 80’s) avec ses anti-héros nihilistes et la mort en unique point de fuite.
Excessif (les chansons pop de Wang Chung qui font mal aux oreilles, les scènes de sexe où Friedkin sollicite la pulsion scopique du spectateur), violent (les exécutions à bout portant), rageur (Petersen insuffle une énergie démentielle au film), nihiliste (florilège de relations faussées, absence d’affects, tout tourne autour du dieu dollar), audacieux (le twist du dernier quart d’heure), To live and die in L.A, jadis mal aimé, est devenu avec le temps un classique et aura inspiré de nombreux cinéastes (Richard Donner pour le personnage de Martin Riggs et le fameux « to old for this shit », NWR pour l’esthétique de Drive…).
Ce polar nerveux, fiévreux de William Friedkin est à ranger à côté de ses plus grands films comme French connection, L’exorciste et Sorcerer, autre grand film ré-évalué avec le temps.
Police Fédérale, Los Angeles est le 8ème coffret de la collection coffret ultra collector de Carlotta.
Technique
L’éditeur propose la restauration 4K effectuée à partir du négatif original 35mm et approuvée par Friedkin, utilisée par Shout factory aux USA et Arrow en Grande-Bretagne en 2016 : une définition acérée avec une belle texture argentique, de nombreux détails surtout dans les scènes diurnes en extérieur, des couleurs riches. La définition est certes un peu en baisse dans les scènes peu éclairées, avec un grain plus marqué. In fine, la restauration de Police Fédérale, Los Angeles s’avère très satisfaisante. Côté son, en DTS-HD MA 5.1 ou 2.0, la piste VO s’avère la plus puissante (on est loin cependant d’une expérience immersive comme dans des films récents), avec coups de feu, crissement pneus, musique et dialogues qui ressortent mieux que sur la piste française.
Bonus
Le disque propose tout d’abord un passionnant commentaire audio de William Friedkin.
Suit un très bon making-of d’époque : Un monde de contrefaçons (30 mn), propos du réalisateur et des acteurs illustrés d’archives du tournage.
Puis sont proposés plusieurs entretiens avec le casting et les membres de l’équipe technique: entretien avec William Petersen « Tenter sa chance »(21 mn), riche en anecdotes sur le casting et le tournage; interview de Debra Feuer « Le renouveau de la femme à Los Angeles » (15 mn); interview de Dwier Brown « Docteur d’un jour » (9 mn); entretien avec Jack Hues et Nick Feldman du groupe britannique Wang Chung (13 mn) et interview de Buddy Joe Hooker, responsable des cascades, « A contresens » (36 mn).
Au programme figurent également une bonne scène coupée présentée par le réalisateur et John Pankow (4 mn) et une ridicule fin alternative, commanditée par le studio, moquée par les membres de l’équipe (9 mn) .
Un passionnant livre de 160 pages (avec 40 photos d’archives), « Eloge du faux semblant », réalisé en association avec l’excellente revue La Septième Obsession, est inséré dans ce superbe coffret collector.