La défaillance d’un minuscule transistor provoque l’alarme au Strategic Air Command où sont surveillées les mouvements de tous les avions du monde. Cette défaillance fait croire à l’existence d’un engin non identifié. Une escadrille de bombardiers atomiques est envoyée en direction de Moscou.
Tourné intégralement à New-York en 1964 par ce grand réalisateur new-yorkais qu’est Sidney Lumet (Serpico, Un après-midi de chien, Network, Le prince de New-York), Point limite a été fait juste après l’incident dramatique de la baie des Cochons en 1962 où les tensions entre USA et URSS ont failli conduire à une guerre thermo-nucléaire. Le pitch de Fail Safe : en pleine guerre froide, un escadron américain reçoit, par erreur, l’ordre de larguer une bombe atomique sur Moscou.
L’intrigue ramassée sur quelques heures se déploie depuis quatre lieux et autant de points de vue, une salle des cartes, le Pentagone, le bunker du Président des Etats-Unis et le cockpit d’un bombardier qui fait route vers Moscou. Pour toucher au but Lumet s’appuie sur une construction dramatique rigoureuse héritée d’un roman et une mise en scène sobre proche du documentaire dans un n&b clinique, une caméra au plus près des acteurs, des visages, avec des cadres serrés, des changements d’angle, plongée puis contre-plongée pour dire la perte progressive de contrôle de la situation par les protagonistes, militaires et le Président américain. Les personnages sont interprétés par des acteurs de talent : Henry Fonda joue avec conviction le Président américain et Walter Matthau se révèle inquiétant en théoricien de la bombe A inspiré par Herman Kahn.
Point Limite est une fable noire sur dangers de la course aux armements nucléaires, un thriller catastrophe où les machines prennent le dessus sur l’humanité comme dans ces classiques de la s-f que sont 2001, l’odyssée de l’espace et Terminator 2. Ce drame réaliste, glaçant qui suscite une réflexion est la version sérieuse du farcesque Dr Folamour de Stanley Kubrick dont le destin fut bien plus radieux au box-office et la postérité plus grande dans l’histoire du cinéma.
Enfin ce Point Limite, à voir ou (re)voir absolument grâce à la superbe copie HD proposée par Rimini, a fait l’objet d’un intéressant remake réalisé par Stephen Frears pour la TV en 2000, tourné en direct et retransmis instantanément sur la chaîne américaine CBS, avec entre autres George Clooney et Harvey Keitel.
Technique
Rimini éditions nous offre une superbe copie issue d’une restauration 4K faite par Sony pour l’américain Criterion : l’image propre révèle un piqué acéré, une belle profondeur de champ, des contrastes équilibrés et un grain originel préservé. VO et VF en DTS-HD Master Audio 2.0 sont d’une juste sobriété, la VO s’impose pour la restitution des ambiances sonores et la clarté des nombreux dialogues.
Bonus
Cette belle édition blu-ray Rimini propose de nombreux suppléments de qualité dont deux home made avec l’incontournable Jean-Baptiste Thoret :
– Commentaire audio du réalisateur (vost) : indispensable pour les fans de Mr Lumet
– Fail Safe Documentary (16 mn – vost) : making-of avec interventions de Sidney Lumet, du scénariste Walter Bernstein, de George Clooney, producteur du remake (2000) et de Dan O’Herlihy, interprète du général Black. L’histoire, le casting, le réalisateur, les décors, la carrière du film (2001 a fait de l’ombre à Fail Safe sorti juste après) sont évoqués.
– Le style invisible de Lumet (15mn): interview de l’excellent critique, historien et réalisateur Jean-Baptiste Thoret (réalisée en mars 2020). Dans son livre Making Movies, Sidney Lumet déclarait chercher un style invisible : « le grand style est un style invisible », un style toujours au service des acteurs et de l’émotion pour Thoret. Ce dernier parle de la position de la caméra : dans la première partie la caméra est sous les yeux, légère contre-plongée puis au fur et à mesure la caméra remonte et à la fin une plongée terrible dit que l’humanité est écrasée. Il souligne que le montage de Fail Safe est de moins en moins rapide, avec des plans de plus en plus longs, en témoigne un plan-séquence de 5′ avec deux personnages interprétés par Henry Fonda et Larry Hagman. Thoret loue ce cinéma de l’humain , « un cinéma qui fait réfléchir et qui a augmenté la qualité de notre pensée ».
– Un monde sans lendemain (36 mn) : une interview complémentaire et passionnante de Jean-Baptiste Thoret. Après une rapide présentation de la carrière de ce grand réalisateur new-yorkais aux 50 ans de carrière, Thoret décrypte ce film adapté d’un roman écrit par deux professeurs et les thèmes chers au cinéaste : le rapport de la petite histoire à la grande histoire, la responsabilité des hommes dans l’Histoire, les rapports de l’homme à la technologie, les gens qui exercent la justice.