Deux femmes se livrent à un jeu de manipulation pervers au sein d’une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant sur Isabelle pour l’entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude.
Retour de Brian De Palma après 7 ans d’absence, son dernier film en date étant l’intéressant Redacted, et retour au polar. Sans doute le genre dans lequel il a su être le plus à l’aise. Si jusqu’à la fin des années 90 le réalisateur savait faire encore preuve de talent, les années suivantes l’ont hélas soumis au nouveau pouvoir financier d’Hollywood et la teneur de ses films s’en est fait ressentir. Nul besoin de mettre uniquement tout cela sur le dos d’une manne financière, le réalisateur de renom a de toute façon perdu lui-même de sa force, surtout narrative.
Passion pouvait donc être le retour en grâce du metteur en scène. Si le film est loin d’être exempt de défaut, on retrouve tout de même le ton et le savoir faire de la « belle époque » De Palma. A commencer par la mise en scène, marquée, joueuse, maîtrisée et révélatrice du genre dans lequel le film s’inscrit. En gros, sur ce point, De Palma fait un travail délicieux. L’esthétique très 70 pourra, au choix, apporter une note nostalgique à certains ou asséner définitivement dès les premières minutes un aspect téléfilm pour les autres. Finalement très éloigné de ça, le film dégage une atmosphère empreinte des obsessions et de l’esthétique de De Palma.
En outre, choix de mise en scène à l’esthétique extrême, on ne comprendra par exemple pas forcément tous les choix de lumière, parfois surréaliste du film, mais qui procure un charme à ce polar proche d’une pièce de théâtre. L’aspect réduit des espaces est sans doute a imputer au financement réduit du film mais contribue pleinement à l’étrange ambiance qu’il s’en dégage.
Les deux comédiennes parfaites de jeu évoluent idéalement dans l’univers du réalisateur et se parent plus de sensualité que de sexualité clichée. Passion reflète alors pleinement les obsessions du metteur en scène dans sa grammaire cinématographique retrouvée et propre à lui-même. Sans faire totalement oublier le film d’Alain Corneau dont Passion « serait » le remake, Brian De Palma fait un retour séduisant dans le genre qui l’a vu grandir cinématographiquement. De là à dire que le film est d’une qualité indiscutable il y a un fossé à franchir mais on retrouve avec plaisir le charme de ses films les plus maîtrisés, il y a donc des années.
L’avis de Fabien
Pour son retour aux affaires 7 ans après le théorique et raide Redacted, Brian de Palma a choisi le remake du thriller du regretté Alain Corneau, Crime d’amour.
Pour Passion De Palma a engagé deux jeunes actrices hype Rachel Mc Adams et Noomi Rapace et amplifié le côté murder mystery par rapport au film de Corneau qui jouait de manière troublante sur la différence d’âge entre la supérieure jouée par l’excellente Kristin Scott Thomas et son objet de désir pervers, sa piquante jeune employée (Ludivine Sagnier).
La première partie, avec sa photographie blafarde et ses plans désincarnés pose les bases d’un univers froid et lisse où circulent les désirs inavoués, les jalousies rampantes, les mensonges et autres coups-bas perfides. Dans ce royaume des faux-semblants et de la recherche du pouvoir à tout prix, De Palma intensifie la circulation du désir en ajoutant au matériau de départ un troisième personnage féminin, une rousse sexy aux côtés de la blonde glaciale et de la brune effacée comme il multiplie les affrontements entre ses dames à coups de vidéos interposés en utilisant différentes sources d’images (images de Skype, caméras de surveillance, smartphones…). Le côté théâtral de la première partie, des décors sans âme, des personnages masculins filmés comme des pantins et un érotisme chic très poseur est quelque peu déroutant avec son rythme émollient et sa mise en scène fonctionnelle. Mais avec le pic dramatique du crime passionnel, la machine s’emballe de belle manière, De Palma s’amuse avec le split screen (superbe montage de la séquence du meurtre entre reposante chorégraphie dansée et éclair de violence du giallo), les décadrages et les rêves emboîtés où rêve et fantasme se mélangent.
Les thématiques chères au réalisateur de Body double et Obsession comme le voyeurisme, le double se déploient alors avec force dans une narration flottant entre intrigue policière et fantastique : nous retrouvons alors dans cette dernière demi-heure aux fulgurances visuelles avec puissance opératique et imagerie surréaliste le De Palma des meilleurs jours et son cinéma maniériste et paranoïaque vers lequel cet intrigant et trouble Passion nous ramène avec un plaisir jubilatoire.
Test blu-ray
Le master est sans faille avec une image au piqué acéré et une tonalité assez terne puis plus contrastée dans la partie policière fidèle aux choix du directeur de la photo de Pedro Almodovar, José Luis Alcaine. Les pistes 5.1 DTS-HD master audio restituent avec efficacité dialogues, bruitages sonores et musique de Pino Donaggio.
Bonus
Au rayon bonus de cette édition blu-ray éditée par Universal malheureusement pas grand chose à se mettre sous la dent : un rapide making-of promo avec interviews de l’équipe (6′) et une bande-annonce.