Il y a cinq ans, deux sœurs, Victoria et Lily, ont mystérieusement disparu, le jour où leurs parents ont été tués. Depuis, leur oncle Lucas et sa petite amie Annabel les recherchent désespérément. Tandis que les petites filles sont retrouvées dans une cabane délabrée et partent habiter chez Lucas, Annabel tente de leur réapprendre à mener une vie normale. Mais elle est de plus en plus convaincue que les deux sœurs sont suivies par une présence maléfique…
L’avis de Manu Yvernault :
Auréolé d’une petite réputation acquise lors de divers festivals de films fantastiques, Mamá sort enfin sur nos écrans.
Comme souvent, l’étiquette produit par Guillermo Del Toro sert de catalyseur au film. A se demander si certaines de ses productions auraient autant de succès, aussi infime soit-elles, si son nom n’apparaissait pas au générique, on se souviendra du très mauvais Don’t be afraid of the dark.
Si dans ses retournements le film utilise les raccourcis connus du genre, sa touche hispanique apporte une fois de plus une émotion palpable. Or, on se fige encore avec cette manière, répétitive à force, comme dans Insensibles récemment, à un cinéma bicéphale qui, s’il fonctionne souvent sur la même alchimie, a bien du mal à se renouveler. C’est cette ambivalence qui perturbe un peu, non Mamá n’est pas un mauvais film mais, dans ses grands traits, ressemble à ce qu’on a déjà pu voir. Hormis un final assez osé par son choix radical et sensible, tout ressemble à du déjà-vu, surtout dans les productions de Guillermo Del Toro, qu’on admire par ailleurs.
Andres Muschietti s’avère être tout de même un metteur en scène efficace sur ce genre de production. Certaines scènes efficaces, jouent habilement de références mais également d’originalité pour créer une certaine tension naissante tout au long du film. Le réalisateur bien que friand du jump scare maîtrise ses effets et ne part pas constamment dans une facilité de surcharge sonore et visuelle qui pourrait paraître surfaite ou avoir le mauvais goût du cliché répété.
La force principale de Mamá réside donc dans son histoire, qui sans rien en déflorer, affine différents sujets sensibles, liés comme souvent chez Del Toro, aux liens familiaux. Mais si le format court du film à l’origine perd de son charme dans sa manière étirée, reste le propos éternel des films de Del Toro, le rapport parental, maternel. Les deux formats se répondent de manière efficace sur ce plan.
Mais si on peut porter une certaine affection au film pour son fond, la forme, reste maladroite, surtout par son inconstance à filmer les séquences de manière conceptuelle. On passe allègrement de séquences lyriques et touchantes à des instants où Muschietti semble ne pas vraiment savoir où placer sa caméra, séquences aux raccords hasardeux, principalement les scènes « actives ». À croire que le metteur en scène est plus à l’aise dans les instants dramatiques et donc dans la direction d’acteurs que dans les envolées cinématographiques.
Si Mamá sort considérablement son épingle du jeu pour ne pas tomber dans une redite, c’est surtout par son casting, Megan Charpentier et Isabelle Nélisse sont éblouissantes quand Jessica Chastain nous prouve encore une fois sa palette de jeu.
En résulte un film bancal, pas complètement détestable, avec un final qui partagera la plupart des spectateurs et semble surfait, presque facile. Le « tout ça pour ça » résonne alors à nos esprits quand une radicalité poétique des derniers instants, maîtrisée et parsemée tout au long du film, vient clore les instants horrifiques, qui eux semblaient avoir été posées ça et là dans un esprit de compilation.
Mamá finit pas séduire grâce à son esprit, moins par sa forme, efficace donc mais convenue.
L’avis de Fabien
Auteur d’un remarquable court-métrage horrifique tourné en 2008 (présent sur le disque blu-ray), Andres Muschietti s’est vu confier l’adaptation en long-métrage de ce film court Mamá par le réalisateur et producteur Guillermo Del Toro.
Andres Muschietti reprend la thématique de la maternité contrariée dans son long métrage pour lequel il a bénéficié d’un budget confortable (15M$) et la présence au casting de la très hype et talentueuse Jessica Chastain.
La première demi-heure placée sous le sceau de la tragédie familiale surprend agréablement en mélangeant des références à L’enfant sauvage et des films classiques de fantôme comme La dame en noir. On y retrouve aussi un décor récurrent dans ce genre de film, la fameuse cabane au fond des bois avec présence inquiétante tapie dans l’obscurité.
Puis l’action du reste du long métrage est circonscrite à une demeure familiale à l’apparence chaleureuse où le fantôme d’une mère possessive rôde autour de deux jeunes orphelines placée dans leur famille d’accueil, un couple bohème composé de leur oncle dessinateur et son amie musicienne. La bonne idée des scénaristes, le réalisateur et sa soeur Barbara Muschietti également productrice, est d’éliminer de l’équation le personnage masculin (Nikolaj Coster-Waldau) pour se concentrer sur la relation complexe faite de méfiance puis d’affection entre les deux jeunes filles longtemps privées d’amour maternel et leur mère d’adoption (Jessica Chastain) qui dès le début du film refuse l’idée de maternité pour vivre en toute insouciance une adolescence prolongée.
Le récit alterne alors des moments intimes où le trio féminin tente de s’apprivoiser et des moments de tension dramatique avec les apparitions angoissantes de la créature Mamá. De plus se déroule en parallèle l’enquête d’un docteur chargé du dossier des deux fillettes sur l’histoire de Mamá. En résulte quelques longueurs rattrapées par une mise en scène efficace à défaut d’être mémorable qui utilise le pouvoir suggestif de l’obscurité avec monstre tapi dans le placard et parvient à composer des images fortes comme ce plan où la paroi entre deux pièces créée un split screen où se déroulent deux actions en simultané dont la convergence pourrait être source de drame.
L’excellente interprétation du trio féminin, Jessica Chastain une fois de plus éblouissante aux côtés des deux fillettes Megan Charpentier et Isabelle Nélisse vraiment bluffantes dans des rôles difficiles, est vecteur d’une émotion qui fait généralement défaut au genre et permet de s’attacher au sort des protagonistes de ce drame fantastique.
Le dernier tiers, plus tendu, culmine dans une séquence de poésie macabre dont la réussite plastique et la force dramatique n’est pas sans rappeler celle du formidable Le labyrinthe de Pan d’un certain Guillermo Del Toro qui a trouvé en Andres Muschietti un disciple doué.
Test blu-ray
L’image hd présente une définition au rasoir et une compression sans faille pour un excellent rendu des nombreuses scènes en basse lumière. La vo en hd est une nouvelle fois supérieure à son homologue française : elle se distingue par un grand dynamisme avec des graves puissants, des bruitages terrifiants notamment en hors-champ et la musique angoissante de Fernando Velasquez.
Bonus
Pièce maîtresse de cette édition blu-ray Universal le très réussi court métrage original de 3′ du réalisateur Andy Muschietti, avec introduction de Guillermo del Toro et commentaire du réalisateur.
Puis est proposé un making of, La naissance de Mama (9′), avec extraits du tournage et interviews de l’équipe dont le producteur Guillermo Del Toro pour qui « les fantômes sont comme la boucle d’une émotion qui se répète à l’infini. Dans le cas de Mamá cette émotion est l’amour. Un amour possessif et étouffant. »
Le making of des effets spéciaux (6′) dévoile les secrets du look de la créature interprétée par un acteur espagnol de 2m bardé de prothèses. Des ajouts numériques ont ensuite été réalisés pour la chevelure à l’aspect flottant de Mamá imaginée par son réalisateur comme une peinture de Modigliani en décomposition.
6 scènes coupées commentées (7′) d’un intérêt limité, excepté une scène inédite entre Jessica Chastain et Daniel Kash, l’interprète du Dr Dreyfuss, complètent l’interactivité de cette édition blu-ray où les cinéphiles pourront également retrouver le traditionnel commentaire audio du réalisateur.