A Londres, une élève d’un collège catholique pour filles est tuée de manière brutale près de la Tamise. Enrico Rosseni, un professeur qui se baladait près des lieux, devient le suspect idéal, surtout que celui-ci entretient une liaison secrète avec une de ses étudiantes. Alors que les soupçons se font de plus en plus pressants, le professeur Rosseni décide d’agir et d’enquêter par lui-même.
Massimo Dallamano commence sa carrière dans le cinéma en tant que chef opérateur, il participe notamment à deux films de Sergio Leone dont Pour une poignée de dollars (1962) et c’est en 1972 qu’il réalise l’un des meilleurs gialli de son époque. Mais…qu’avez-vous fait à Solange ? (Cosa avete fatto a Solange ? ) est en effet une belle réussite qui parvient à tirer son épingle du jeu parmi l’importante production du genre au début des années 70. Le film de Dallamano coche toutes les cases du giallo type avec son enquête mystérieuse autour des meurtres de plusieurs jeunes femmes mais l’intrigue va se révéler être beaucoup plus complexe et profonde qu’il n’y paraît.
Le film se déroule à Londres, des assassinats atroces vont être perpétrés au sein d’une école catholique privée pour jeunes femmes. Les victimes sont retrouvées mortes, un couteau enfoncé dans le vagin. Le mode opératoire du tueur est une chose que l’on oublie pas de si tôt, c’est d’ailleurs cette même image du couteau scintillant avant d’être planté dans le corps de la victime qui sera repris presque à l’identique par Hélène Cattet et Bruno Forzani dans L’Étrange couleur des larmes de ton corps (2014), film-hommage au cinéma de genre transalpin. Mais qu’avez-vous fait à Solange ? ne se contente pas d’enchaîner une série de meurtres violents. Par le biais de l’enquête et des personnages croisés, le film s’avère être un vrai témoignage de son époque. Ancrée dans les années 70, Dallamano aborde notamment la sexualité, notamment du point de vue des jeunes étudiantes, la révélation finale le confirmera d’autant plus. Enrico Rosseni (incarné par le charismatique Fabio Testi) est le personnage central, enquêteur malgré lui et amouraché d’une de ses jeunes étudiantes; il va comprendre au fil du temps que son amante et ses amies ne sont pas celles que tout le monde pense. Les adultes ne sont pas non plus épargnés et paraissent finalement plus coupables que ces jeunes femmes qui cachent un lourd secret : un professeur se dissimule derrière une vitre pour regarder les étudiantes sous la douche, un prêtre garde le secret d’une confession et devient complice à son tour, un enseignant trompe sa femme avec une jeune élève, une femme aux pratiques médicales brutales va être responsable d’un drame… Finalement, on se demande même si le titre du film ne s’adresse pas directement à eux.
En plus d’une réelle profondeur de l’intrigue, Dallamano signe également une mise en scène inventive et percutante, la scène du meurtre dans la baignoire, entièrement filmée en caméra portée, en est un bon exemple. Dans la première séquence du film, Enrico et Elizabeth s’embrassent dans une barque dérivant le long de la Tamise quand tout à coup la jeune femme aperçoit, sur la berge, un mystérieux homme ganté. Armé d’une longue lame scintillante, le tueur porte un coup à sa victime de manière à ce que le couteau se plante entre les jambes de la jeune femme. La séquence démontre un véritable sens du montage, alternant alors les plans sur les yeux du témoin et les plans sur l’arme du crime, l’objet du regard. Le cinéaste utilise les raccords, principalement dans les scènes de meurtres, de manière assez ingénieuse. Mais qu’avez-vous fait à Solange ? est aussi un film possédant une certaine forme de poésie (si, si!), la photographie signée Joe D’Amato confère une atmosphère nostalgique, en particulier dans certains flash-back, le tout évidemment sublimé par la musique du grand maestro Ennio Morricone.
Mais qu’avez fait à Solange ? est, sans conteste, l’un des gialli les plus marquants de son époque. L’enquête mène le spectateur aux confins d’une jeunesse qui n’est plus comprise et où la perte de l’innocence est inéluctable. Massimo Dallamano parvient à créer une ambiance où règne une certaine mélancolie entre violence et poésie.
Technique
Une superbe copie pour un film qui le méritait. Le Chat qui fume signe, une nouvelle fois, un très beau travail de restauration. On redécouvre le film depuis sa sortie DVD en 2006 par Neo Publishing. Ici, l’image est bien soignée et délivre de beaux contrastes, la séquence d’ouverture en témoigne bien. Côté son, les dialogues et la musique sont très bien équilibrés, les versions françaises et italiennes sont disponibles en DTS-HD MA 2.0. Enfin le packaging est très réussi, un bien bel objet qui complète la collection.
Bonus
Pour les suppléments, Dallamano et les autres est un entretien de 20 minutes avec Fabio Testi où il revient sur l’ensemble de sa carrière, les réalisateurs avec lesquels il a travaillé ainsi que les différents genres qu’il a pu traverser dans ses films. Dans Mais qu’avez-vous fait à Pilar, l’actrice Pilar Castel qui incarne Janet dans le film évoque le tournage et sa collaboration avec Massiomo Dallamano. Enfin Le grand producteur est un entretien avec Fluvio Lucisano qui nous parle de sa relation avec le réalisateur qu’il avoue d’ailleurs être un vrai personnage. Bref, que du plus pour prolonger cette belle redécouverte !
