Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui.
Avis de Fabien
Le premier trailer de Logan, sur fond de Hurt de Johnny Cash, avec son super-héros vieillissant couvert de cicatrices donnait le ton : après les déconvenues X-Men Origins: Wolverine (à peine regardable) et Wolverine : le combat de l’immortel (passable), place à une nouvelle et dernière aventure sombre, mélancolique où les tourments intérieurs du personnage iconique auraient autant de place que les combats tranchants.
Nous retrouvons au début de Logan, situé dans un futur proche (plus de 50 ans après les événements survenus dans X-Men: Days of Future Past), un Wolverine mal en point, alcoolo, conducteur de limousine à la frontière mexicaine et ange gardien d’un Professeur Xavier mourant cloîtré dans une gigantesque citerne. L’univers de Logan, fait de rouille, de poussière est à l’image de son corps meurtri, recouvert de cicatrices, stigmates d’un passé violent et de son âme torturée, lui l’immortel condamné à voir ses proches souffrir et mourir, l’erreur de Dieu qui vit ce pouvoir de régénérescence comme une malédiction. Sa rencontre avec une jeune mutante traquée par de dangereux individus va lui offrir une possibilité de rédemption, lors d’une dernier voyage en compagnie de son ami le Professeur Xavier. Les circonstances dramatiques lancent cette famille recomposée, le vieil homme mourant, le mutant fatigué et l’enfant mutique, sur les routes vers le Dakota du Nord et son refuge espéré par la jeune fille.
Avec ses décors arides, l’idée de frontière à atteindre pour espérer une vie meilleure, le dernier combat d’un héros lessivé, Logan a les atours d’un western crépusculaire, comparaison renforcée par les références explicites à L’homme des vallées perdues de George Stevens. On y retrouve l’illustration implacable que celui qui tue ne peut revenir en arrière et est perdu. Logan, classé R aux USA, est en effet d’une grande noirceur (un héros alcoolo qui veut en finir avec l’existence), d’une violence brutale et bestiale (florilège de lacérations, empalements et décapitations) inédites dans la franchise X-Men mais aussi ponctué de moments touchants (les scènes entre Logan et le Professeur Xavier) qui en fait un film vraiment à part dans la saga ciné des X-Men. Chaque séquence d’action, impeccable et chaque scène dialoguée, intense, servent le personnage et approfondisse davantage la mythologie de Wolverine (renforcée par l’utilisation méta d’un comic book dédié aux exploits des X-Men par un personnage pour localiser un endroit stratégique) jusqu’au superbe dernier acte où le super-héros solitaire au grand coeur lutte pour sauver des enfants perdus (bel écho à Mad Max et son troisième opus, le dernier de Mel Gibson) des griffes de cruels militaires et scientifiques. Bien plus qu’une spectaculaire aventure super-héroïque comme Marvel sait en faire, Logan, par le ton désenchanté et mélancolique imprimé par Mangold tout au long du film et la composition impeccable de Jackman, dresse le portrait bouleversant d’un homme rattrapé par son passé violent, à un point de non retour.
La mise en scène précise et inspirée de James Mangold est en effet au service d’un Hugh Jackman impressionnant dans la peau de Wolverine, le rôle de sa vie (9 films au compteur en Logan) auquel il fait des adieux déchirants dans ce Logan âpre, mélancolique et touchant, le X-men le plus singulier et sans doute le plus réussi de la franchise cinématographique.
Avis de Manu
A ses débuts James Mangold était une figure de la nouvelle vague du cinéma indépendant au même titre que Steven Soderbergh, Paul-Thomas Anderson, Spike Jonze, David O’ Russell…toute la petite clique (liste non exhaustive) proche des frères Weinstein. Il a donc délaissé au fil des années sa patte d’auteur au profit d’un cinéma de divertissement, en résulte ses derniers films (Knight and day, The Wolverine) au profit d’une industrie qui maîtrise le final cut des films aux dépens des réalisateurs.
Avec Logan le réalisateur revient enfin à la source de son cinéma tout en y conjuguant un esprit étonnamment adulte et violent, sans pour autant négliger une note profondément humaine à l’ensemble. Si Logan réussit là où on ne l’attendait pas c’est avant tout par son traitement, au plus proche du western moderne, mais très authentique de par son décorum désertique (genre très apprécié de Mangold, Copland, 3 :10 to Yuma, la série Vegas).
Si le film peut se scinder en deux parties, la première est d’une qualité rare pour le genre alors que la seconde sans ressembler aux poncifs du genre prend tout de même les traits narratifs des films du super-héros sur une idée « classique » du scénario. Mais ne faisons pas la fine bouche le tout est vraiment surprenant par le ton sombre employé comme par les émotions suscitées par le choix radical de Mangold et de son scénariste pour traiter cette course poursuite avec une pleine maturité et l’originalité qu’on attendait plus dans le genre.
Logan s’affirme rapidement à contre-courant de tous les films de super-héros et devient dès lors un des modèles du genre (du moins pour ceux qui ont connu la période post-blockbusters pyrotechniques à effets purement épileptiques). Dans Logan tout semble racé, vif, sombre sans pour autant oublier ce qui fait parfois, voire souvent l’essence d’un film, l’émotion. Les personnages sont parfaitement traités et leur évolution au sein même d’une mythologie née il y a plusieurs années parfaitement « évoluée ». C’est donc sur se versant « mélancolique » que James Mangold pose les principales fondations de son film et tout semble être d’une évidence quant au déroulement de l’histoire. Bien sûr la violence accrue et brute de Logan confère un atout majeur au film, elle ne semble jamais gratuite et simplement présente pour crédibiliser l’ensemble, la bestialité, des principaux protagonistes. On retrouve également parfois des cascades à l’ancienne, où les effets mécaniques remplacent les pixels numériques, ce qui donne un ton encore plus old school au film comme Mad Max : Fury Road avait pu l’être, certes dans un proportion beaucoup plus expansive.
Hugh Jackman reste fidèle à son personnage avec cette fois une subtilité dramatique qui apporte toute son essence au film, comme un Patrick Stewart sur le fil de l’équilibre bienvenu des émotions et de l’humour léger. La nouvelle venue, Dafne Keen, dégage quant à elle la mesure parfaite avec le charisme naturel que le rôle demande, principalement muet.
Après deux premiers films sans âme, ni vraie réussite autour du personnage de Logan, James Mangold reprend la main et offre un film totalement différent de ce qu’il avait pu faire sur The Wolverine. Plus proche du cinéma qu’il affecte, plus sincère et abrupt dans sa proposition, Logan est une vraie surprise, un film de genre dans le genre qui ne marque peut-être pas son époque mais qui se définit comme un élément isolé au plus haut de la pyramide Marvel. Le problème majeur du film étant sans doute qu’il est vendu comme un film de super-héros alors qu’il est avant tout un très bon film tout court. Enfin un blockbuster qui offre à une certaine partie du public ce qu’il n’était pas vraiment venu chercher, qu’il n’attendait plus, à force de voir les mêmes clones cinématographiques. Sous ses airs de violence sèche et viscérale, c’est avec une mélancolie parfaitement mesurée et un sens de la dramaturgie que Logan séduit en bout de course.
Totalement inattendu pour le genre, ce troisième chapitre des aventures de Wolverine ne ressemble en rien à ses prédécesseurs ni aux autres clones de la franchise Marvel. Plus violent, plus mâture, le film offre une vraie proposition cinématographique dans un déversoir de blockbusters souvent plus ineptes les uns que les autres. En resserrant le film sur des ses propres références d’auteur, James Mangold gagne le pari osé d’un film viscéral, aride et mélancolique.
Technique
Un piqué acéré, une colorimétrie riche, des contrastes superbes : la perfection est au rendez-vous de la version couleur de Logan comme de la sublime version n&b proposée dans le fourreau de l’édition blu-ray. Le mixage VO 7.1 HD s’impose en force sur la VF, moins percutante et ventilée.
Bonus
Au programme des suppléments figure tout d’abord la superbe version n&b du film sur un disque à part. Puis sur le disque de la version couleur vue en salles est proposé un très intéressant commentaire audio de James Mangold où le réalisateur s’explique sur ses choix artistiques notamment par rapport aux autres films de la franchise et aux blockbusters hollywoodiens, le personnage de Logan, sa passion pour le western.
6 scènes inédites (8′) avec commentaire optionnel de James Mangold suivent.
Enfin un copieux making-of (76′) détaille toutes les étapes de la production au moyen d’interviews et extraits de tournage : le personnage de Logan/Wolverine interprété par Hugh Jackman, les autres personnages, le travail du réalisateur qui voulait faire « un vrai film dramatique, un film intime, pour adultes » inspiré d’Impitoyable, de L’homme des vallées perdues comme des road movies des années 70, le concept visuel, la photo, les décors, la musique de Marco Beltrami, les cascades et les adieux de Hugh Jackman à son personnage iconique.