Le film est composé de trois sketches qui, chacun, mettent en scène une situation horrifique.
Le téléphone : Rosy passe une nuit particulièrement éprouvante, harcelée au téléphone par un inconnu lui annonçant sa propre mort…
Les Wurdalaks : un vampire prend les traits d’une femme pour hanter la campagne slave.
La goutte d’eau : Miss Chester n’aurait peut-être pas dû voler la bague de l’une de ses patientes récemment décédée…
Co-production américano-européenne distribuée aux USA par AIP dans un montage spécifique sous le titre de Black Sabbath, Les 3 visages de la peur de Mario Bavo s’inscrit dans la tradition des films à sketches horrifiques et fantastiques comme Au Cœur de la nuit (1945) de Basil Dearden, Roberto Cavalcanti, Robert Hamer et Charles Crichton, L’empire de la terreur (1962) de Roger Corman d’après Edgar Allan Poe ou bien encore Histoires extraordinaires (1968) de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini. Plus tard, entre autres anthologies mémorables dans ces genres-ci, marqueront les mémoires des cinéphiles Creepshow (1982) de George A. Romero ou bien encore 3 extrêmes (2004) de Fruit Chan, Takashi Miike et Park Chan-Wook.
Après avoir jeté les bases du giallo en 1963 avec La Fille qui en savait trop, Mario Bava se voit confier cette même année la réalisation de cette anthologie de la peur et du surnaturel avec notamment au casting Michele Mercier et Boris Karloff en maître de cérémonie. 1963 sera une grande année dans la filmographie de Bava car il va réaliser La Fille qui en savait trop, Les 3 visages de la peur et Le corps et le fouet.
Découpé en trois segments et introduit par Boris Karloff, Les 3 visages de la peur revendique dans son générique comme inspirations littéraires Maupassant, Tolstoï et Tchekhov. Il s’agit en fait d’un argument marketing pour attirer le spectateur car difficile d’y retrouver le sel de ces grands auteurs : il y est uniquement question d’un lointain cousin de Tolstoï dont le 2ème segment, Les Wurdulaks, est inspiré. Les 3 visages de la peur est avant tout un sommet de la filmographie de Mario Bava où les expérimentations plastiques sur la couleur conjugués à une réalisation éblouissante produisent une œuvre grandiose où chaque segment de grande qualité est rattaché à un genre cinématographique, le giallo, le gothique et l’épouvante, pour décliner les différents visages de la peur. Univers clos et pulsions incontrôlables sont les constantes de cette anthologie macabre.
Le premier segment, Le téléphone, est centré sur une jeune femme harcelée au téléphone par un pervers qui lui annonce son exécution avant l’aube. Porté par Michèle Mercier, ce huis clos oppressant déroule, avec une belle tension dramatique et une maîtrise parfaite de la gestion de l’espace où les mouvements de caméra très précis créent un espace anxiogène, les motifs du giallo avec gants en cuir, couteau, mort par strangulation, couleur rouge dominante. Le deuxième segment, Les Wurdulaks, relève du gothique à la Hammer avec cette histoire située au XIXème siècle en Russie d’un comte aux prises avec une famille monstrueuse au comportement vampirique. Lande balayée par le vent et le brouillard, morts vivants assoiffés du sang de ceux qu’ils aiment, corps décapités avec une épée plantée dans le corps, Boris Karloff en patriarche inquiétant, les ingrédients classiques d’un gothique réussi sont réunis pour notre plus grand plaisir. Tim Burton s’en inspirera pour Sleepy Hollow. Le troisième et dernier segment, le plus apprécié des cinéphiles à juste titre, La goutte d’eau, voit l’infirmière d’une riche comtesse adepte de spiritisme harcelée par cette dernière après son trépas pour le vol de sa bague sur son lit de mort. Récit d’épouvante, thriller mental (l’esprit belliqueux est-il le fruit de l’imagination de l’infirmière ?) avec un festival de couleurs vives qui vire vers l’abstraction, La goutte d’eau est le segment le plus audacieux sur le plan visuel tout en étant impressionnant par son sound design.
Cette anthologie culte signée Mario Bava est disponible dans une indispensable édition avec disque 4K et plein de bonus proposée par Le Chat qui fume.
Technique
Un carton nous indique que la restauration a été effectuée en 2019 par la société Cinématographique Lyre avec le soutien du CNC, de la Fondazione Cinetica di Bologna et de la Cinematheque Française. Ces travaux ont été réalisé en 4K à partir des négatifs originaux image et son. Une copie 35 mm d’exploitation française a servi pour l’étalonnage. Les versions française et italienne ont été restaurées en intégrant leurs inserts respectifs retrouvés sur éléments négatifs et sur copie italienne de l’époque.
Le Chat qui fume présente le montage européen intégral.
L’apport de l’UHD est manifeste pour la restitution des couleurs, avec une palette chromatique d’une grande richesse et une belle dynamique, des rouges, verts de toute beauté. La luminosité est accrue par rapport aux autres supports vidéo, comme la profondeur de champ et les contrastes sont appuyés. Le grain se révèle discret.
Au niveau acoustique, la version originale italienne révèle un bel équilibre entre les voix des acteurs, les cris (très importants chez Bava), la musique signée Roberto Nicolosi et les plages de silence notamment dans le dernier segment La goutte d’eau riche en ambiances sonores. La version française est de bonne facture.
Une édition 4K UHD historique pour ce film culte de Mario Bava à l’honneur chez Le Chat qui fume en avril avec également La ruée des vikings en blu-ray.
Bonus
Les suppléments suivants sont proposés sur un disque blu-ray inclus dans un digipack très soigné comme de coutume chez l’éditeur :
-Le visage de mon père avec Lamberto Bava (16′) : le fils de Mario Bava révèle anecdotes et autres informations sur son film préféré de son illustre père
-Les 3 visages de Mario Bava avec Gérald Duchaussoy et Roman Vandestichele (49′) : les auteurs de l’excellent livre Mario Bava – Le magicien des couleurs (Lobster Films) reviennent sur Les 3 visages de la peur en le mettant en perspective avec les autres films de la filmo du maestro puis parlent de son rattachement au genre du film à sketches et des différentes versions italienne et US.
-L’histoire des 3 visages de la peur avec Edgar Baltzer (34′) : ce très bon intervenant, spécialiste du cinéma italien et traducteur du livre Mario Bava, un désir d’ambiguïté paru chez La tour verte, détaille la genèse du film et analyse ses motifs.