Une vague mystérieuse de violence vient de s’abattre sur Chinatown. Le capitaine Stanley White, personnalité très forte, penche pour la théorie du développement d’une mafia chinoise. Un duel à mort va l’opposer au parrain de Chinatown.
Avis de Fabien
Cinq ans après le colossal échec financier de La porte du paradis (1980) qui a provoqué la chute du studio United Artists et signé la fin de l’ère du Nouvel Hollywood, Michael Cimino se voit offrir par le producteur Dino De Laurentiis l’occasion de revenir sur le devant de la scène en 1985 avec L’année du dragon.
Scénarisé par Cimino et Oliver Stone d’après un roman de Robert Daley, L’année du dragon raconte la croisade d’un flic vétéran du Vietnam pour nettoyer Chinatown de ses triades.
Mickey Rourke, dans son dernier grand et meilleur rôle, interprète cet ancien du Vietnam, nouvellement affecté au 5ème district de New-York. Son Stanley White est un flic idéaliste, obsessionnel qui veut gagner la guerre de Chinatown, changer les choses, mettre fin aux meurtres, rackets et corruption. Ainsi il déclare « je veux le chaos ». C’est un personnage jusqu’au-boutiste qui fonce dans le tas, indomptable (à l’image de l’acteur et du réalisateur), mû par cet idéal inatteignable d’une Amérique où toutes les communautés co-existeraient harmonieusement et seraient porté par la même démocratie. Sa femme lui dit d’ailleurs « Tu vis dans le passé ».
Stanley White n’est pas un héros traditionnel de polar : égoïste, arrogant, il s’oppose à un méchant (John Lone), parrain de triade à l’aspect séduisant et attentif au bien-être de ses semblables. White est un personnage tragique qui se lance tête baissée dans cette croisade au mépris de ses proches délaissés voire blessés à cause de lui. Rourke, très grand (voir la scène des funérailles), compose un personnage complexe qui finit par être attachant, obsédé par un idéal de pacification d’un territoire, dévoré par un métier exigeant, au détriment de sa vie personnelle. Son affrontement implacable avec le nouveau parrain de Chinatown et ses sbires, dans des décors superbes (night club, rues de Chinatown, voie ferrée), se termine par un duel digne d’un western.
L’année du dragon est un polar tendu avec de grands moments de cinéma, d’irruption, d’explosion de violence sèche comme cette terrible fusillade dans un restaurant ou un mano à mano nerveux dans une boîte de nuit. Avec une impressionnante gestion du surgissement du danger, de la violence dans le cadre, des mouvements de caméra d’une grande précision, la mise en scène de Cimino orchestre brillamment le chaos d’un Chinatown gangréné par les meurtres, la corruption où s’affronte deux hommes des deux côtés de la loi.
Porté par la réalisation lyrique de Michael Cimino et un Mickey Rourke impérial, L’année du dragon est un polar majuscule à (re)voir de toute urgence.
La restauration argentique offre un confort visuel inédit avec un piqué très satisfaisant, des couleurs vives et une bonne gestion des noirs dans les scènes en basse lumière. La piste VO encodée en DTS HD MASTER AUDIO 5.1 est d’une belle clarté, répartition entre déflagrations de violence, musique de David Mansfield et dialogues.
Bonus
Faisant suite à la superbe édition de Body double de Brian de Palma sortie en décembre 2015, ce coffret prestigieux de L’année du dragon s’inscrit dans la collection coffret ultra collector de Carlotta avec film remasterisé en blu-ray, dvd et livre de 200 pages.
Hormis l’intéressante préface de Jean-Baptiste Thoret, le disque propose comme unique supplément mais témoignage précieux, un entretien audio avec Michael Cimino (27′). Le réalisateur parle des ses acteurs, de ses décors, de ses choix techniques (tournage en anamorphique, refus du story-board), de sa recherche d »une forme de supra-réalisme « pour parler de vrais gens et de vraies choses », dans son cinéma « centré sur les personnages ». Il souligne l’importance de la volonté pour faire ce métier et revient enfin sur une grande blessure qu’est la censure de la dernière réplique du film par le studio.
Enfin ce superbe coffret comprend un livre de 208 pages avec extraits du scénario, entretiens d’époque avec Michael Cimino, Mickey Rourke et Robert Daley, notes de production et 50 photos inédites issues des archives de MGM et Warner Bros.