Après un Ghost Recon Wildlands qui aura élargi la licence à un nouveau public friand d’open-world et d’expérience coop, Ubisoft nous propose de prolonger le plaisir avec une suite reprenant cherchant à approfondir l’expérience autant sur le plan scénaristique (avec notamment Jon Bernthal en méchant) que sur celui du gameplay. Alors, verdict de ce Ghost Recon Breakpoint ?
A bien des égards, la licence Ghost Recon fait figure de résistante dans le paysage vidéoludique. Initiée en 2001, la saga aura connu de très nombreuses suites avant 2012 et une pause de cinq ans qui aura permis à Ubisoft de revisiter son concept. Lorgnant désormais davantage sur une expérience coopérative dans la droite lignée des braquages de GTA Online, Ghost Recon Wildlands avait su s’illustrer grâce à sa Bolivie superbement reconstituée en open-world et surtout à un gameplay coopératif qui prenait tout son sens en jouant entre amis, faisant passer pour l’occasion la pilule des nombreux bugs du titre et surtout de la physique des véhicules approximatives héritée de Watch Dogs.
Deux ans ont passé et fort de son expérience, le studio n’aura pas attendu davantage pour nous offrir cette suite, baptisée Breakpoint. Un « point de rupture » qui marque le début du scénario de cet opus puisque après la création de votre avatar et une cinématique, voilà que votre escadron de Ghosts se fait décimer par une menace invisible, vous laissant presque pour mort sur l’ile d’Auroa. Quelques bandages plus tard, vous revoilà sur pied, juste à temps pour découvrir un ancien frère d’arme, Walker, en train d’abattre des survivants de votre escouade. En cinq minutes, l’affaire est pliée : Walker, sous les traits de Jon Berthal (The Punisher, Fury, le Loup de Wall Street…) sera votre pire ennemi et l’homme à abattre dans votre aventure. Mais avant d’espérer lui loger une balle dans le cœur, il vous faudra rencontrer la résistance de l’ile d’Auroa et affaiblir l’armée de Walker, constituée autant de drones que de mercenaires baptisés Wolves, tous très retors.
Oui, vous l’aurez compris, l’intrigue de Breakpoint n’entend pas réinventer la poudre, et c’est donc une intrigue assez classique qui nous attend ici, reprenant bon nombre des archétypes du genre pour l’élaboration de ses quêtes. Si ce déjà-vu n’est pas fondamentalement gênant tant il permet au jeu de se concentrer sur son gameplay, on regrettera tout de même que cela n’ait pas été pleinement assumé par les développeurs. En effet, cette intrigue pas franchement intéressante s’accompagnera d’une pelletée de cinématiques, placées ici et là dès que l’occasion se présente. Une démarche louable sur le papier, mais qui en pratique devient rapidement assez lourde tant ces cinématiques sont souvent longues et peu passionnantes. Seuls certaines d’entre elles, dont les flashbacks, parviennent à glaner un peu d’intérêt grâce aux performances des acteurs, Jon Bernthal en tête. En plus d’être le personnage le mieux modélisé de tout le jeu, ce Punisher virtuel parvient à imprégner les polygones de son charisme, s’accaparant la vedette à chaque de ses apparitions. Fin du fin, l’acteur retrouve son doubleur habituel en version française. Ce ne sera pas assez pour élever le niveau de l’intrigue, mais c’est assez pour donner envie de connaître la suite.
Côté gameplay, on reste sur les fondations de Wildlands avec quelques ajustements. En premier lieu, là où Wildlands se jouait toujours à quatre, entre joueurs réels ou avec l’IA prenant le contrôle de vos trois compères virtuels, Breakpoint amorce un virage en permettant de parcourir le jeu avec votre seul avatar. Un choix étrange puisque le jeu sera réellement difficile en solo, avec un game over assuré en cas de mise à terre (en coop, vos amis peuvent vous soigner ou vous porter en sûreté), sans compter le principal : Ghost Recon Breakpoint est complètement pensé pour la coop. On pourrait même aller plus en précisant « coop entre amis » tant le plaisir de jouer avec ses compères se ressent sur l’expérience, aidant à faire fi des nombreux bugs du jeu pour mieux se focaliser sur le fun de certaines situations, franches tranches de rire à la clé. Certes, le jeu intègre un matchmaking pour jouer avec des anonymes, mais durant notre test, ce système n’est révélé instable (déconnexions régulières du menu, temps d’attente très long), sans compter la difficulté de trouver quelqu’un cherchant à faire les mêmes quêtes que vous et avec une façon de jouer compatible avec la vôtre (on vous laisse imaginer la rencontre entre un joueur axé infiltration et un Rambo qui cherche à tirer dans le tas).
En outre, visiblement inspiré par The Division et Destiny, Breakpoint prend un parti assez étrange en termes de progression : si celle-ci est assez rapide, permettant de monter très vite les niveaux, elle s’accompagne également d’un système demandant de ramasser et vous équiper illico et continuellement des derniers items (armes, vêtements, protections…) que vous trouverez sur votre chemin. Si l’on appréciera de trouver constamment du loot, impossible de ne pas pester quand vous comprenez qu’il vaut mieux dire adieu à votre fusil fétiche au profit d’un autre, moins à votre goût, si vous voulez prendre plus vite des niveaux sans avoir à passer à la caisse – avec du vrai argent – pour acheter des bonus. Toutefois, on appréciera le fait que cette pirouette nous impose ainsi de tester tous les genres d’armes, et donc de choisir notre préférée à terme. Même si il faudra avant ça passer par bon nombre de quêtes pas toujours intéressantes, contrebalancées par des ennemis – drônes et humains – souvent très retors à défaut d’être futés. Réparties sur la carte, il vous appartiendra ainsi de débloquer petit à petit les quêtes tout en choisissant l’ordre et surtout la manière de les faire, sachant qu’il sera souvent recommandé de la jouer infiltration sous peine de vous retrouver illico avec une horde de drones et de Wolves sur le dos à cause d’un compère qui aurait la gâchette un peu trop facile ou qui aurait oublié de mettre son silencieux. Si elles pècheront un peu par leur manque de variété, on appréciera la liberté offerte dans la façon de les remplir, sans compter la possibilité de les rejouer (pratique pour aider un ami qui aurait du retard ou de l’avance sur vous) qui viendra renforcer une durée de vie déjà bien fournie. Un autre point qui confirme que le coop est définitivement au cœur de Breakpoint.
Sur un plan plus technique, si le jeu est loin d’une vitrine technique, peu aidé par ses nombreux bugs en tous genres, il reste agréable à l’œil, même si il est difficile de ne pas regretter la variété et la vie qui émanaient des décors de la Bolivie de Wildlands. En effet, l’ile d’Auroa a beau être agréable à parcourir sur terre, en mer ou depuis les airs (malgré une physique des véhicules toujours autant aux fraises), elle manque du souffle et de l’âme qui animaient la map de Wildlands. La faute à une variété pas aussi flagrante dans les biomes, ainsi qu’à une omniprésence d’une esthétique ultra-moderne certes justifiée par l’intrigue, mais manquant cruellement d’originalité et d’âme. Manque d’inspiration ou de temps des développeurs, difficile à dire, mais le ressenti est là, même si il ne méritera pas de bouder son plaisir pour autant.
Car oui, malgré ses défauts autant hérités des précédentes productions Ubi que de Wildlands plus particulièrement, Ghost Recon Breakpoint réussit à remporter l’adhésion grâce à son expérience coopérative qui prend tout son sens entre amis, transformant l’ile d’Auroa en véritable bac à sable pour joyeuses soirées entre amis.