Une course effrénée à travers une Amérique fracturée qui, dans un futur proche, est plus que jamais sur le fil du rasoir.
Après le décevant Men (2022), le nouveau Alex Garland, Civil War, à la croisée de plusieurs genres, la dystopie, le film de guerre, le survival, le road movie, est pensé par le réalisateur britannique comme un hommage aux journalistes, reporters de guerre.
Sur un postulat dystopique où les USA sont en proie à une guerre civile opposant le Texas et la Californie au reste du pays, Civil War adopte la structure narrative d’Apocalypse Now, chef d’oeuvre de Coppola vénéré par Garland, soit une odyssée guerrière composée de situations dramatiques dont l’intensité va croissant jusqu’à un climax apocalyptique. Refusant toute contextualisation détaillée, le réalisateur de l’excellent Ex Machina (2014) plonge, dès les premiers plans, le spectateur aux côtés d’un quatuor de personnages attachants dans l’horreur d’une guerre civile d’un pays fracturé où les voisins, les anciens camarades de classe, sont devenus ennemis, le récit progressant par accumulation de moments chocs dont la mémorable scène du charnier jusqu’au final pyrotechnique de la prise militaire de Washington.
Civil War a la forme d’un road movie avec quatre journalistes sur les routes de New-York vers Washington pour y décrocher un scoop (l’interview du président américain), voyage physique qui est aussi un voyage intérieur pour les deux personnages féminins. Garland superpose en effet à cette guerre civile aux images violentes et saisissantes qui renvoient à celles terribles de l’histoire américaine récente (l’attentat au marathon de Boston, l’assaut du Capitole) et à des guerres mondiales au Moyen-Orient ou en Afrique, le conflit intérieur des deux héroïnes : la vétérante Lee devenue insensible face à l’horreur des conflits couverts est en proie à une crise existentielle et la novice Jessie va faire le chemin inverse de son aîné, émotive au début de l’aventure elle deviendra une pro au sang froid prête à toute pour le bon cliché. Comme dans Annihilation (2018), son étonnant trip sf avec Natalie Portman où son personnage de scientifique explorait une immense zone naturelle transformée génétiquement, l’odyssée routière se double d’une quête intime d’où les personnages reviennent changés. Comme dans ses quatre premiers films, Alex Garland s’est entouré d’acteurs et actrices de talents, Kirsten Dunst, trop rare au cinéma et Cailee Spaeny, la sensation du moment à l’affiche du nouvel Alien sans oublier Wagner Moura en tête brulée au grand coeur et Stephen McKinley Henderson en vieux briscard protecteur, vecteurs d’émotions de ce film de guerre à la violence brute.
Expérience immersive soutenue par des personnages forts, Civil War est un récit guerrier superbement mise en scène par Garland, avec une exigence de réalisme, de l’attentat assourdissant dans les rues new-yorkaises à l’invasion militaire de Washington filmés en mode reporter de guerre tout en offrant quelques bulles poétiques (l’étrange traversée d’une forêt en flammes, un bref instant de repos dans l’herbe) au milieu de l’horreur. Inspiré par la photographie de guerre, Garland incorpore dans son montage les clichés pris par ses héros offrant ainsi un instantané saisissant du monde actuel; le réalisateur anglais ne prend pas parti pour un camp politique ni ne pointe du doigt un responsable mais ouvre le dialogue avec le spectateur, à l’image de la neutralité au coeur du travail des journalistes à qui il adresse dans son dernier film, intense, puissant et salutaire, une belle lettre d’amour.
Technique
Le support 4KUHD est idéal pour ce type de film spectaculaire, avec des images, en plein jour comme dans la pénombre, d’une précision chirurgicale grâce au Dolby Vision. Sur le plan sonore les mixages Dolby Atmos avec leur dynamisme et richesse impressionnent dès l’ouverture avec une terrifiante explosion dans les rues de New-York.
Bonus
Le supplément principal de ce disque 4K UHD signé Metropolitan est un passionnant making-of en 6 parties, Réduit en morceaux (57′), sous forme de journal de tournage, avec interviews du réalisateur, du casting et d’une grosse partie de l’équipe technique (costumière, superviseur des effets visuels, coordinateur des cascades…). En complément nous trouvons un module de questions/réponses (20′) avec le réalisateur accompagné de ses deux actrices et d’un acteur dans un cinéma, supplément très intéressant pour ses infos techniques, les thématiques abordées et les intentions du réalisateur Alex Garland.
