Trois ouvriers des usines automobiles Checker à Detroit tentent de s’opposer à l’immobilisme et à la corruption du syndicat.
Le succès de Taxi Driver, Palme d’or à Cannes dont il a écrit le scénario, permet à Paul Schrader de réaliser en 1978 son premier long-métrage, Blue Collar, co-écrit avec son frère.
Tiré d’un fait divers où les ouvriers d’une usine se sont rebellés après avoir découvert que leur syndicat était corrompu, Blue Collar s’attache au destin de trois ouvriers d’une usine automobile à Detroit. Face à l’immobilisme et à la corruption de leur syndicat qui ne fait rien pour améliorer leurs difficiles conditions de travail, un travail à la chaîne éreintant, oppressant et pour sortir la tête de l’eau plongés dans l’endettement, ils vont passer à l’action : cambrioler la caisse de la permanence du syndicat de l’usine.
Paul Schrader place son intrigue dans le milieu du monde ouvrier, peu dépeint dans le cinéma hollywoodien hormis dans quelques films antérieurs comme Sur les quais (1954) , F.i.s.t (1978), Rocky (1976) ou bien le documentaire oscarisé Harlan County USA (1976). Le film réaliste adopte un style classique, au début presque documentaire, dans son souci de montrer les gestes répétitifs, fatigants des ouvriers sur la chaîne de montage et leur vie privée entre souci avec le fisc et dépenses imprévues puis bascule dans des genres différents avec un style plus affûté dans la partie thriller. Chronique sociale du working class hero, comme celles chantées par Bruce Springsteen qui fait partie, comme Spike Lee, des fans du film, Blue Collar bifurque vers le film de genre, le film de casse pour finir en thriller paranoïaque typique du cinéma américain de l’époque en mode Alan J.Pakula. Très bien scénarisé, le film raconte la lente chute de ces trois personnages, auto-destructeurs et empêchés comme bon nombre de personnages de Schrader qui voient leur avenir être bouché et leur morale vaciller. Au gré d’évènements dramatiques qui s’empilent tragiquement leur amitié ne résiste pas aux sirènes du capital, se fissure et les amis deviennent ennemis. Le patronat et le syndicat ont triomphé; le conflit de classes où vieux et jeunes comme noirs et blancs sont opposés paraît insoluble. La fin, très sombre, est une des plus belles de la filmo de Schrader.
Le trio d’acteurs, Richard Pryor, Yaphet Kotto et Harvey Keitel, est formidable et compte beaucoup dans la réussite de ce grand film oublié du Nouvel Hollywood, un des meilleurs de Paul Schrader, à (re)découvrir d’urgence grâce à Eléphant Films.
Test blu-ray
Technique
Cette copie hd labellisée Eléphant Films, à partir du master Universal ayant servi aux disques allemand, anglais et américain, délivre une image de bonne qualité. La copie est assez propre, assez stable avec un léger grain présent, très 70’s.
La piste anglaise en mono propose des voix claires et des ambiances détaillées. Le doublage français effectué pour la sortie dvd en 2013 (le film est sorti en salle uniquement en vo) s’avère dispensable.
Bonus
2 suppléments avec en pièce de résistance Blue Collar par Jean-Baptiste Thoret (50′), une analyse passionnante du film et portrait détaillé du réalisateur Paul Schrader par le critique/réalisateur. Les influences, les thèmes de prédilection, le style Schrader sont abordés avec érudition et passion par Thoret. Autre bonus complémentaire, Les hommes du syndicat (24) avec le critique suisse Julien Comelli qui s’attache au destin de Blue Collar.