La folle journée d’Eddie Mannix va nous entraîner dans les coulisses d’un grand studio Hollywoodien. Une époque où la machine à rêves turbinait sans relâche pour régaler indifféremment ses spectateurs de péplums, de comédies musicales, d’adaptations de pièces de théâtre raffinées, de westerns ou encore de ballets nautiques en tous genres. Eddie Mannix est fixer chez Capitole, un des plus célèbres Studios de cinéma américain de l’époque. Il y est chargé de régler tous les problèmes inhérents à chacun de leurs films. Un travail qui ne connaît ni les horaires, ni la routine. En une seule journée il va devoir gérer aussi bien les susceptibilités des différentes communautés religieuses, pour pouvoir valider leur adaptation de la Bible en Technicolor, que celles du très précieux réalisateur vedette Laurence Laurentz qui n’apprécie que modérément qu’on lui ait attribué le jeune espoir du western comme tête d’affiche de son prochain drame psychologique.Il règle à la chaîne le pétrin dans lequel les artistes du studio ont l’art et la manière de se précipiter tous seuls. En plus de sortir une starlette des griffes de la police, ou de sauver la réputation et la carrière de DeeAnna Moran la reine du ballet nautique, Eddie Mannix va devoir élucider les agissements louches du virtuose de claquettes, Burt Gurney. Cerise sur le gâteau, il a maille à partir avec un obscur groupuscule d’activistes politique qui, en plein tournage de la fameuse superproduction biblique AVE CÉSAR lui réclame une rançon pour l’enlèvement de la plus grosse star du Studio, Baird Whitlok. Le tout en essayant de juguler les ardeurs journalistiques des deux jumelles et chroniqueuses ennemies, Thora et Thessaly Thacker. La journée promet d’être mouvementée.
Avis de Fabien
Après les années 40 dans Barton Fink (Palme d’or en 1991) les Coen plongent dans l’âge d’or du cinéma hollywoodien avec leur nouvelle comédie Ave, César! située dans les coulisses d’un grand studio dans les années 50.
Le récit s’articule autour de la folle journée Eddie Mannix (Josh Brolin) fixeur, couteau-suisse du studio Capitol pour lequel il résoud aussi bien les problèmes conjugaux des stars, les différents artistiques entre un metteur en scène et son acteur principal que l’enlèvement de la plus grosse star du studio Baird Whitlok (George Clooney), kidnappé en plein tournage d’un péplum à gros budget.
Ce nouveau Coen se présente comme une succession de saynètes plus ou moins inspirées (les tentatives de Lockheed pour débaucher Mannix, le numéro de claquettes trop étiré occasionnent des baisses de rythme; à l’inverse la séquence du tournage compliqué d’un mélo avec un metteur en scène pointilleux et sa star spécialisée dans le western incapable de jouer juste est savoureuse) où les Coen qui eux-même ont beaucoup travaillé autour du film de genre rendent hommage à ces genres hollywoodiens mythiques comme la comédie musicale, le film aquatique avec chorégraphies à la Busby Berkeley, le western, le mélodrame à la Douglas Sirk. Les réalisateurs y déploient leur art de la mise en scène avec un beau travail sur le cadre et les mouvements de caméra pour introduire ces vignettes, le film dans le film et ses coulisses. L’occasion de croiser des acteurs de renom (Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Ralph Fiennes, Jonah Hill) dans de petits rôles hilarants qui hélas n’ont souvent que deux scènes pour exister.
Ave, César! est une satire caustique du milieu du cinéma avec ses caprices de stars, ses images d’acteurs et d’actrices glamour façonnées avec une main de fer par les studios, ses scénaristes sous-payés (belle idée de sous-intrigue policière avec des scénaristes communistes!) comme un hommage mélancolique au cinéma d’avant, cette habileté à fabriquer/vendre du rêve et à réenchanter le réel, avec tous ces genres oubliés. En définitive, en raison d’un récit trop fragmenté avec de multiples personnages qui ont pour beaucoup du mal à exister, une touche farcesque trop appuyée au détriment du fond et de la dramaturgie, un Coen mineur à ranger aux côtés de la trilogie formée par O’brother (2000), Intolérable cruauté (2003) et Burn after reading (2008) où George Clooney s’amusait déjà, visiblement avec délectation, à jouer les idiots.
L’avis de Manuel Yvernault:
Pour chaque filmographie généreuse il y a parfois (mais pas obligatoirement) de petites sorties de route. Pour les frères Coen Avé, César ! n’en n’est pas forcément une, mais on peut relever un petit écart, loin d’un Burn after reading, film le moins abouti à ce jour des deux frères.
La faute probable à une surcharge d’enjeux en si peu de temps. Là où on se surprend parfois à remettre en cause la longueur de certains films qui dépassent fréquemment les deux heures, Avé, César ! aurait probablement mérité une bonne vingtaine de minutes supplémentaires ça et là afin de rendre l’ensemble plus digeste. C’est donc, à l’inverse de la tendance actuelle, sur son timing que le dernier des Coen semble avoir le plus de difficultés.
A être un peu trop productifs en ce moment (aux scripts et à la réalisation de leurs nombreux films, aux scénarios chez d’autres, Invincible, Le pont des espions) ils semblent ne pas avoir pris le temps de vraiment décortiquer leur proposition de satire des studios hollywoodiens. Non pas que le film soit mauvais mais alors qu’il affiche une grande ambition, il en résulte une petite affaire de famille. Il convient alors de le dévorer comme une suite de petites séquences, de sketchs plus ou moins réussis avec un talent cependant intact en terme de mise en scène. Rayon dialogues, tout n’est pas à prendre mais certains échanges conjugués à de belles interprétations forment un ensemble relativement plaisant. Forcément leur univers marqué et leur patte mordante sont toujours reconnaissables mais on attendait un peu plus de mordant et d’acidité dans leur critique.
Sous cette satire qui manque un peu d’es(crocs) reste un bel hommage à un certain cinéma fait de cartons et de pâtes sous les plus belles lumières d’Hollywood. Attachant de par ses auteurs, faible de par l’attente.