À Paris, le détective privé Claude Chavasse est spécialisé dans les affaires d’adultère. Sa fille, Ariane, est fascinée par son travail et plus particulièrement par le cas du playboy Frank Flannagan. Lorsqu’Ariane surprend un client de son père menaçant de tuer Flannagan, elle court prévenir ce dernier du danger qui l’attend. Quand le client jaloux débarque à l’hôtel, il trouve le millionnaire en compagnie d’Ariane et non de sa femme infidèle. Intrigué, Flannagan organise un rendez-vous avec elle le lendemain après-midi…
Pour son 13ème film en Amérique, Billy Wilder choisit Ariane (Love in the afternoon) et son histoire d’amour, située à Paris, entre une jeune française et un milliardaire américain vieillissant. Au départ est un roman de Claude Anet, Ariane jeune fille russe, paru en 1920. Une première adaptation en 3 langues fut réalisée par Paul Czinner en 1931. En 1957 Billy Wilder s’en empare et choisit Audrey Hepburn qu’il avait déjà dirigé dans Sabrina (1954) et Gary Cooper (Cary Grant fut une temps envisagé) pour interpréter le couple original de sa comédie romantique.
Le premier tiers d’Ariane est placé sous le signe de la comédie vaudevillesque : Ariane s’immisce dans un triangle amoureux mari/femme/amant dont elle va sauver ce dernier du courroux de l’époux cocufié, une séquence géniale située dans une suite du Ritz où le mari jaloux découvre Ariane à la place de sa femme dans les bras du séducteur compulsif, situation farfelue avec quiproquo, vista comique des acteurs, du grand art. Ariane va ensuite tomber sous le charme de Flannagan, milliardaire connu pour ses frasques dans le monde entier.
Ariane joue la carte du romanesque, avec un côté conte de fée moderne où c’est la jeune ingénue qui va convaincre le playboy vieillissant de l’importance du sentiment amoureux. En effet, dans ce récit d’émancipation physique et sentimentale, la jeune femme naïve, empêchée (un espace d’intimité réduit, un père très présent) va se révéler un fin stratège pour séduire son milliardaire : elle prétend être son égale, croqueuse d’hommes dont elle lui fait la liste, ce qui va avoir le ton de rendre fou ce riche noceur désormais jaloux, voir cette incroyable scène où, dans sa suite en compagnie de ses musiciens tsiganes, Flannagan très alcoolisé écoute avec obsession l’enregistrement audio où Ariane a fait la liste de ses amants. Le film accorde une grande importance aux objets, aux vêtements qu’il détourne de leur fonction première à des fins comiques (un étui de violoncelle renferme un manteau luxueux) ou pour susciter l’enchantement (Ariane aide monsieur à retrouver sa pantoufle).
Avec des dialogues ciselés, des situations comiques ou des plans très travaillés, Ariane joue sur l’implicite pour dire la passion amoureuse. Hommage de Wilder à son maître Ernst Lubitsch, Ariane est fort d’un jeu sur la dissimulation (devinez ce qui se trame derrière cette porte), d’un pacte avec le spectateur qui en sait plus que le personnage de Cooper qui ignore quasiment tout de sa nouvelle conquête y compris son prénom et tout en allusions sexuelles (Code Hays oblige).
En bonne comédie romantique Ariane s’appuie sur un duo plein de charme, Audrey Hepburn, l’adolescente qui va devenir une femme et Cary Cooper, le play boy américain vieillissant et cynique qui craque pour cette pétillante jeune française. Troisième personnage du film, Maurice Chevalier joue un détective privé spécialisé dans les affaires d’adultère qui veut préserver sa fille de la vie dissolue vécue par les personnalités de ses dossiers secrets.
Humour et romantisme sont au programme d’Ariane, une belle comédie légère et enlevée où Audrey Hepburn est formidable devant la caméra d’un des maîtres du genre.
Technique
Fruit d’une nouvelle restauration 2K, ce master délivre une superbe image n&b, de beaux contrastes et une texture argentique rétro appréciable. Si quelques scènes révèlent une netteté perfectible le travail de restauration est remarquable. La piste mono anglaise (DTS-HD Master Audio 1.0) est dynamique avec des voix claires et une musique tsigane enlevée. La version française avec musique éraillée est à éviter.
Bonus
Ariane a l’honneur d’une édition ultra collector dont l’éditeur Carlotta a le secret, avec un superbe coffret et son visuel exclusif créé par Deanna Halsall qui renferme le Blu-ray, le DVD, ainsi qu’un livre inédit de 160 pages.
De nombreux suppléments sur le disque blu-ray permettent d’en savoir plus sur le film et la carrière de Billy Wilder :
– Ariane rapports de tournage ( 26′) : dans ce documentaire produit en 2009 N.T.Binh, critique à Positif, documentariste et enseignant de cinéma, a réuni des responsables des archives papier de la Cinémathèque française afin de dévoiler des trésors du film de Billy Wilder tourné en région parisienne. Sont conservés à la Cinémathèque de nombreux documents d’archives photos, scénario annoté, photos de travail et autres documents de travail de Wilder…
-Au fil d’Ariane aparté (26′) : le même intervenant présente l’histoire du film et la carrière de Billy Wilder. Des séquences coupées sont évoquées par le journaliste.
-La complicité magnifique (9′) : focus sur la complicité entre Hubert de Givenchy et Audrey Hepburn avec le témoignage du couturier sur leur collaboration à travers les films comme Sabrina (leur première rencontre), Drôle de frimousse, Diamants sur canapé ou Charade.
-Portrait de Billy Wilder (56′) : un documentaire d’Annie Tresgot et Michel Ciment (1980) avec une interview passionnante par Michel Ciment du maître, dans son bureau et à son domicile à LA. Le réalisateur d’Ariane remonte le fil de sa vie, sa carrière de l’Autriche aux USA, avec plein d’anecdotes de tournage sur Le gouffre aux chimères, Le Poison, Assurance sur la mort, Certains l’aiment chaud, La garconniere ou bien encore Avanti! Avec interventions de Jack Lemmon et Walter Matthau.
Enfin ce beau coffret renferme un livre de 160 pages : Le romanesque triomphant : Ariane de Billy Wilder avec entretiens et analyses parus dans la revue Positif depuis les années 1970, mises en perspective venant d’auteurs contemporains et 50 photos d’archives.