Au XIXème siècle, dans l’Irlande en proie à de terribles difficultés économiques, une femme se fait passer pour un homme afin de pouvoir travailler. Pendant trente ans, elle trompe son entourage, employée dans un hôtel sous le nom d’Albert Nobbs, en tant que majordome.
L’avis de Manuel Yvernault:
Rodrigo Garcia prolifique et talentueux réalisateur de séries télé (principalement pour le network HBO) n’en n’est pas à son premier passage au grand écran.
Il convient toutefois d’admettre qu’il est plus efficace et à l’aise sur le média télévisuel. Tombant souvent dans le mélo pompeux et sirupeux, ses films, à la forme et fond identiques, se répètent comme de pâles copies d’un cinéma de la série « Arlequin ».
En adaptant, le livre de George Moore, on pouvait croire à une envolée différente. Hélas Garcia se complaît dans une facilité émotionnelle qui devient sa marque de fabrique, toujours à la limite de la dramaturgie sous vide et une mise en scène stoïque.
En réalisant un film d’époque on aurait pensé que Garcia pouvait échapper à ses tics de mise en scène et à cette habitude de discourir beaucoup pour en dire très peu. Essai encore une fois manqué puisque Albert Nobbs est le parfait pendant de ses autres longs métrages (Les passagers, Ce que je sais d’elle…, Mother and Child) ; c’est en flirtant trop avec le pathos et/ou la facilité que Garcia réalise ses œuvres cinématographiques. Et il n’en démord pas.
Alors Albert Nobbs n’est pas l’objet repoussant auquel on peut croire mais une sensation douloureuse du temps qui s’écoule au ralenti se fait sentir. Chaque séquence souffre d’une longueur imperméable qu’on pourrait imputer au fait qu’il prend le spectateur pour ce qu’il n’est pas. Certes nous voulons bien croire en son œuvre mais à aucun moment le doute qu’il veut créer sur l’ambiguité identitaire des personnages ne fait acte. Malgré la prestation convaincante de l’ensemble des comédiens aucun suspens, désiré et mis en scène tel quel par Garcia, ne fait son effet. Ce qui est plutôt dommageable pour un film dont le principal sujet est là.
Heureusement les comédiens, dans leur globalité, épatants, donnent une once d’indulgence à l’ensemble. Glenn Close joue ses meilleurs tours d’interprétation dont elle a le secret, sous un maquillage en forme de masque de cire. Elle reste convaincante du début à la fin, autant par son interprétation que par le jeu que son personnage impose, mimiques et gestuelles masculines en amont. A ce titre Janet McTeer s’avère également flamboyante. Autre surprise, qui devient presque une nouvelle attente dans un prochain métrage, Aaron Johnson, découvert dans Kick-Ass qui, sans montrer une palette totalement séduisante pour ce qui est de jouer la dramaturgie, fait preuve d’un charisme qu’on est curieux de voir dans un autre contexte.
Ainsi, seul le casting, avec Glenn Close comme pièce maîtresse, donne à Albert Nobbs l’intérêt minime qu’on peut lui porter. Hormis cela, la mise en scène longue et embourbée de Garcia saccage l’ensemble du film quand aucune émotion et histoire n’arrivent au cœur du spectateur. Pour le coup, en restant de marbre devant une telle réalisation, on finit par ressembler à Glenn Close, figée dans cette suite de séquences à la fadeur prononcée.