C’est pas comme ça que ça aurait dû se passer…
Comme tous les matins, François Echeveria – huissier de son état – aurait dû pouvoir opérer sa saisie du jour dans cette cité de banlieue, puis tranquillement rentrer dans son nid douillet.
Mais ce jour d’anniversaire du 11 septembre, le destin en a décidé autrement, mettant sur sa route un père démuni et son agité de fils… qui le prennent en otage.
Trois hommes bloqués pendant 24 heures au septième étage d’une tour HLM bientôt cernée par les agents du GIGN qui les prennent pour des terroristes.
Trois hommes qui se combattent à l’intérieur d’un appartement mais seront bientôt condamnés à se comprendre, à s’apprivoiser et à s’entendre.
Trois hommes qui transforment rapidement cette poudrière… en une comédie humaine absurde.
32ème CINEMED – Avant-première
L’avis de Fabien
Pour son premier film, Angelio Cianci a choisi la forme du huis-clos policier (une prise d’otage dans un appartement avec trois personnages) situé en banlieue pour parler de la famille, de la société grâce à la dynamique de la comédie, associant avec efficacité comédie et arrière-plan social à l’image des comédies italiennes Miracle à Milan ou Le pigeon.
Un malentendu va provoquer un enchainement de faits tragi-comiques : la prise d’otage de l’huissier conduit à une mise sous tension du récit et de son trio de personnages ordinaires plongés dans une aventure potentiellement explosive. Cette tension déployée sur plusieurs heures (arrivée des forces de police, conflits d’intérêts des kidnappeurs, tentative d’intervention du GIGN, liste des revendications …) se traduit par une caméra agitée et une parole incessante monopolisée par le fils, d’autant plus que le personnage d’Hippolyte Girardot est bâillonné. Puis au fil des heures la parole se distribue au sein du trio, la mise en scène laisse les personnages prendre plus d’épaisseur et se révéler différents de ce qu’ils laissaient penser et du coup plutôt attachants (le fils rebelle est en fait le plus conformiste, le père largué un chef de famille aux idées engagées et l’huissier un révolutionnaire en puissance). La parole, au début réservée aux insultes, aux disputes va libérer peu à peu les confidences comme les vérités enfouies.
S’il part de gros clichés sur la banlieue et ses habitants, le réalisateur parvient petit à petit à rendre ses personnages intéressants en dévoilant leurs secrets, leurs aspirations comme montrer un cadre où la solidarité permet d’oublier les dures conditions de vie. Hippolyte Girardot en huissier de justice sous tension et non conformiste, Fellag en père de famille en conflit face au jeune Aymen Saidi en petite frappe découvrant que les mots peuvent faire plus de dégâts qu’un gun assurent la partie comique, sans oublier l’excellent Michel Vuillermoz en préfet légèrement nerveux, comme celle plus posée de cette comédie bien écrite.
Dernier étage gauche, gauche est un sympathique premier essai nonobstant une fin trop brutale, laissant ses personnages en pleine action.
Rencontré après l’avant-première du film au 32ème CINEMED, le jeune réalisateur Angelo Cianci s’exprime sur ses intentions.
Tout d’abord le réalisateur de cette comédie primée au 15ème Festival des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz révèle que son premier long-métrage a été tourné au mois de juillet dernier en 36 jours en région Rhône-Alpes dans une cité investie 2 mois avant le tournage pour travailler avec gens du quartier et les impliquer.
Le défi de départ «était de ne pas trouver trois acteur qui allait jouer les uns aux côtes des autres de mais fonder un peu une famille, faire une triangulation qui marcherait ».
Fellag fut impliqué bien en amont pour travailler sur les faits de langue, expressions kabyles. Puis le réalisateur avait besoin d’ « un huissier de justice un petit peu hors norme, très en tension » : Hippolyte Girardot pour qui le realisateur avait écrit un long métrage s’est vite imposer. Enfin le jeune acteur, Aymen Saidi, découvert par Angelo Cianci en arrière-plan dans Eden à l’ouest puis dans St Jacques la Mecque et au théâtre, fut engagé pour compléter le trio.
Concernant son approche sur le film de banlieue Angelo Cianci précise qu’il existe une« voie du milieu » où il est possible faire un mélange des genres « entre les films rigoristes de Rabah Ameur-Zaimeche (Wesh Wesh, Bled number one) et à l’extrême les productions Besson qui sont des films pop-corn ». Il précise : « Faire un film sur la banlieue c’est jouer avec les clichés, c’était compliqué de ne pas les utiliser. Plutôt que d’en être la victime j’ai préféré en jouer. Je suis parti en fait des 3 personnages principaux qui étaient les pires clichés que l’on puisse imaginer : le jeune incarné par est la caricature absolu de la jeune racaille de banlieue, le personnage joué par Fellag est la caricature du père qui a baissé les bras, se tait et est victime de la loi du silence, l’huissier incarné par Hippolyte est la caricature de l’huissier, bougon, froid dans son petit costume gris. Je suis parti de ces clichés pour mieux les démonter. Je demande au spectateur d’accepter pendant 10 mn de regarder un film où on est dans le cliché de me faire un peu confiance et assez vite finalement on voit qu’on les demande, que les personnages sont plus en demi-teinte qu’ils ne l’étaient au début ».
Avec Dernier étage, gauche il n’a « pas voulu faire un film pro-banlieue où on est dit que tout est génial, où toutes les valeurs sont super, où il faut y vivre parce qu’on peut y vit bien ; à l’inverse je n’avais pas envie de stigmatiser ça et ne parler que de ça, j’avais envie de dire que la promiscuité ne crée pas que des problèmes, elle crée aussi de la solidarité ».
En fait « une grande partie du film parle des malentendus et des mal entendus. La question de la parole est centrale, tout le film a été construit sur des échanges ». Pour illustrer ce pouvoir des mots le réalisateur cite une réplique de François (Hippolyte) : « la langue est l’organe est le plus mou mais elle peut couper des têtes ».