A Boston, une lutte sans merci oppose la police à la pègre irlandaise.
Pour mettre fin au règne du parrain Frank Costello, la police infiltre son gang avec « un bleu » issu des bas quartiers, Billy Costigan.
Tandis que Billy s’efforce de gagner la confiance du malfrat vieillissant, Colin Sullivan entre dans la police au sein de l’Unité des Enquêtes Spéciales, chargée d’éliminer Costello. Mais Colin fonctionne en « sous-marin » et informe Costello des opérations qui se trament contre lui.
Risquant à tout moment d’être démasqués, Billy et Colin sont contraints de mener une double vie qui leur fait perdre leurs repères et leur identité.
Traquenards et contre-offensives s’enchaînent jusqu’au jour où chaque camp réalise qu’il héberge une taupe. Une course contre la montre s’engage entre les deux hommes avec un seul objectif : découvrir l’identité de l’autre sous peine d’y laisser sa peau…
Film présenté au festival Lumière 2015
Avis de Fabien
Sorti en 2004, le polar hongkongais Infernal affairs, réalisé par Andrew Lau & Alan Mak, s’est vite imposé par son scénario retors (un flic infiltré dans la mafia et un malfrat intégré dans la police tentent de démasquer la taupe dans chacun de leur camp) et l’élégance de sa mise en scène comme un film culte dans la communauté des cinéphiles.
Avec un casting quatre étoiles (Jack Nicholson, Leonardo Di Caprio, Matt Damon + Martin Sheen, Alec Baldwin, Mark Walhberg dans des rôles de second plan), il maestro Martin Scorsese a-t-il réussi son remake voire surpassé l’original dans Les infiltrés (The departed)?
La maestria de la mise en scène et l’excellence de l’interprétation impressionnent fortement dès les premières minutes. Un liminaire travelling avant s’enfonce dans un bar : sur Gimme Shelter des Stones est orchestrée avec virtuosité et jubilation la rencontre du personnage-enfant de Matt Damon et du parrain de la pègre de Boston joué par un Jack Nicholson méphistophélique. Puis un montage parallèle suit en de courtes scènes le parcours des élèves policiers, interprétés par Damon et Di Capro, jusqu’à leur affectation. Cette énergique intro de 20 minutes présente avec clarté et efficacité les personnages et les enjeux du récit : un flic infiltré dans la mafia de Boston et son double maléfique, un malfrat infiltré chez les flics, vont s’affronter dans un violent jeu du chat et de la souris.
Par la suite la mise en scène scorsesienne n’aura de cesse de transcender ce sujet sur un état undercover traité dans l’original avec moins d’urgence et de tension violente. La caméra est toujours en mouvement, le montage nerveux nous transporte subitement d’une scène à une autre. Infernal Affairs séduisait par son esthétique léchée mais souffrait d’un rythme indolent et d’une interprétation inégale (seul Tony Leung tirait comme d’habitude son épingle du jeu).
Force est de constater que Martin Scorsese, un des derniers géants du cinéma américain avec Steven Spielberg et Clint Eastwood, s’est complètement approprié cette formidable histoire policière pour en faire un magistral opéra de violence digne des Affranchis ou de Casino.
Cinéaste de la violence urbaine et des tourments de l’âme, il développe ici de bien belle manière ses thèmes de prédilection : peinture du milieu mafieux, sacrifice, trahison, mensonge.
La relation entre Billy (Di Caprio), flic torturé en proie à des pulsions violentes, Colin (Damon), perfide taupe mafieuse et leur mentor Costello (Nicholson), parrain épicurien diaboliquement fêlé, est passionnante car tragique. Les scènes entre Nicholson et Di Caprio sont excellentes: une tension insoutenable, un danger permanent irriguent les face à face entre l’imprévisible parrain et sa jeune recrue qui doit maintenir l’illusion d’être un gangster. Le personnage torturé et tragique de DiCaprio dit toute la difficulté psychologique et physique de porter un masque dans un univers violent où le moindre erreur est fatale.
Martin Scorsese a inscrit dans le récit un autre triangle, amoureux, entre les deux flics et une jeune psychologue. La psychologie des personnages, leurs conflits intérieurs et leurs ambitions de même que leurs relations familiales et amoureuses sont plus approfondis dans Les infiltrés qui dure 1 heure de plus que l’original.
Outre le jeu intense et fiévreux du trio masculin, la réalisation est donc un argument de choc pour témoigner de la supériorité de la version scorsesienne sur l’original, justement récompensée par l’Oscar du meilleur réalisateur et celui de meilleur film. A ce titre le réalisateur new-yorkais tire la scène de la filature vers des sommets de mise en scène expressionniste digne de la poursuite de La dame de Shangaï, monstrueux film d’un génie de la mise en scène dont le réalisateur/cinéphile Martin Scorsese s’est imposé, au gré d’une filmographie exemplaire, comme un digne héritier.