A l’heure où Avatar vient de dépasser le milliard et demi de dollars de recettes mondiales il convient de revenir sur le phénomène de James Cameron, présenté avant sa sortie comme une révolution technologique et par extension sur le cinéma en 3D-relief.
Pour Jeffrey Katzenberg, le patron de Dreamworks Animation (Shrek, Kung Fu Panda) la 3D-relief est « la troisième révolution du cinéma après l’arrivée du parlant et celle de la couleur ». Pour James Cameron c’est tout simplement « le futur du cinéma ».
Avatar, une prouesse technologique
De la jungle néo-zélandaise à des hangars californiens, la production d’Avatar de James Cameron a été tournée en relief et en performance capture (technique consistant à truffer les acteurs de capteurs pour enregistrer leurs gestes puis à les convertir en images de synthèse).
Dotée d’un budget faramineux de plusieurs centaines de millions de dollars, selon le NY Times 500M de dollars, la dernière production du roi du box office a atteint les sommets du box-office.
Pour la première fois, avec ce type de film en 3D-relief, le spectateur oublie le cadre et est projeté dans l’aventure aux côtés des personnages. La 3D proposée par Cameron n’est plus en effet un argument marketing, comme il l’était par exemple pour un film comme Les dents de la mer 3 en 1983 ou un gimmick d’attraction foraine mais est un procédé au service de la narration, pour une expérience immersive totalement jubilatoire dans un univers enchanteur peuplés de créatures dont les mouvements et l’animation en général sont vraiment incroyables et d’humains bien plus terrifiants.
Spectacle trépidant entre western et space-opéra qui est aussi un touchant manifeste écologique prônant la symbiose homme/nature, Avatar est le film qui mettra tout le monde d’accord sur les vertus de la 3D-relief. On passera sur les faiblesses du scénario (dialogues entre humains plats, récit sans surprises) et les références voyantes à des cinéastes comme Miyazaki ou Malick (les décors luxuriants et magiques du premier, le panthéisme et l’histoire du Nouveau monde du second) pour se concentrer sur cette sensation plaisante d’immersion du spectateur dans l’image, une expérience sensorielle révolutionnaire qui laisse de ce voyage sur Pandora un très agréable souvenir.
Petite histoire de la 3D : de la déferlante de l’année 1953 au boom de l’année 2009
Avant le film de James Cameron une floppée de films en 3D-relief sont sortis en 2009 des studios d’animation hollywoodiens comme Monstres contre aliens, Coraline, L’âge de glace 3 ou bien encore le formidable Là-haut.
Aujourd’hui il existe deux systèmes de projection : la projection polarisée (2 projecteurs avec filtres polarisants, un écran métallisé spécial, des lumières polarisantes) et la projection alternée (un projecteur, un écran normal, des lunettes alternantes à cristaux liquides). Le système RealD qui occupe 90% des salles US est associé à la projection polarisée circulaire avec écran métallisé et lunettes passives que le consommateur peut emporter chez lui.
Mais la 3D relief ou cinéma stéréoscopique ne se résume pas à 2009. Bien avant Avatar, dès le début du siècle précédent des images stéréoscopiques ont été projetées à un public.
Les expériences de cinéma stéréoscopique remontent aux années 1890. Le procédé anaglyphique apparait ainsi dès 1896. Mais c’est la vue polarisante qui permit la vague 3D des films américains dans les années 50 (principe de la stéréoscopie à lumière polarisante).
The power of love (1922) est le premier long métrage américain en relief. A la même date ont lieu les premières exploitations de film en relief comme Movie’s of the future.
Mars calling est le premier film de science-fiction en relief.
Dans la seconde partie des années 20 le cinéma en relief rime avec expérimentations et résolutions de problèmes techniques alors que la planète cinéma est focalisé sur l’avènement du parlant et l’arrivée de la couleur.
En 1936 le court métrage Audioscopiks est le premier film en relief nommé aux Oscars.
Après guerre on assiste à un véritable boom pour la 3D. En 1952 Bwana le diable d’Arch Obler remporte 100 000 $ en 1 semaine d’exploitation. Des titres comme House of wax/L’homme au masque de cire d’André de Toth, le premier film relief en son stéréophonique, It’s come from outer space ou Inferno remportent en 1953 de beaux succès. Tous les studios font leur entrée sur le marché de la 3D. Disney présente avec Melody son premier dessin animé en 3D.
Mais la révolution du relief n’aura duré en fait que l’été 53.
En septembre une seule production importante sort sur ce format : The moonlighter de la Warner. Les productions en cours se consacrent alors à la version plate. En octobre sortent des versions 3D de films déjà sortis, en couleur avec son stéréophonique comme Embrasse-moi chérie ou Hondo, l’homme du désert avec John Wayne.
En 1954 sortent les dernières productions en 3D comme Le tueur porte un masque. Le crime était presque parfait d’Hitchcock tourné pour la 3D est projeté en 2D ; il faudra attendre les années 80 pour voir le film en 3D.
Entre 1952 et 1955 plus d’une trentaine de films auront été distribués en 3D aux USA, beaucoup de science-fiction, de l’horreur, de la série B comme les films de Jack Arnold (L’étrange créature du lagon noir) aujourd’hui des classiques.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet abandon de la 3D : la lourdeur de l’investissement pour les exploitants couplée à des problèmes techniques récurrents lors de la projection (problème de synchro des projecteurs), la faible qualité et l’utilisation contraignante des lunettes, des films globalement de médiocre qualité, un box-office moyen nonobstant quelques hits comme L’homme au masque de cire (1M$ en 3 semaines), l’arrivée du Cinémascope.
En 1954 Hollywood trouve une solution moins coûteuse que la 3D avec le Cinémascope vendu comme « The modern miracle you see without glasses ! ».
Réapparu 30 ans plus tard le procédé 3D sera appliqué à des sequels de sequels comme Vendredi 13 ou Les dents de la mer 3 sans convaincre.
Le troisième avènement de la 3D s’est produit grâce au numérique (Toy Story 2, première projo numérique aux USA en 99), sous les auspices de réalisateurs prestigieux, de la liste A, comme Robert Zemeckis qui a été le premier à utiliser la motion capture dans ses films d’animation (Le pôle express) ou James Cameron cité plus haut.
L’année 2009 aura vu une vraie explosion de la 3D avec 17 films sortis (Monstres vs aliens, Up). De genre en genre le cinéma hollywoodien est gagné par la stéréoscopie : l’animation, l’horreur (Friday 13th, Destination finale), le fantastique (Voyage au centre de la terre, Alice au pays des merveilles). D’autant plus que les recettes suivent : 20 films en relief sur les 500 sortis aux USA représentent 20% des recettes de l’année écoulée.
En 2010 25 films sont prévus en 3D comme l’Alice au pays des merveilles de Tim Burton avant Les aventures de Tintin, les secrets de la licorne de Steven Spielberg, un autre grand cinéaste séduit par ce procédé qui semble parti pour durer longtemps au vu des conséquentes recettes générées et des probantes innovations technologiques.
Dossier réalisé par Fabien