Les spectaculaires actions criminelles de Jacques Mesrine que les médias introniseront « Ennemi public n°1 » et que toutes les polices de France traqueront sans répit jusqu’à sa mort.
30 ème édition CINEMED -Avant-première
L’avis de Fabien
Avec L’instinct de mort Jean-François Richet a posé avec un savoir-faire assez magistral les bases de ce portrait nuancé du bandit Jacques Mesrine.
Campé par un Vincent Cassel impressionnant Mesrine y apparaît comme un voyou et un époux violent, un fils et un père absent mais aimant, un gangster idéaliste en quête de reconnaissance médiatique, un cambrioleur charismatique avec un sens de l’honneur porté en étendard, un rebelle épris de liberté qui s’avance inéluctablement vers sa mort.
Point négatif du premier volet de nombreuses ellipses frustrantes : Richet ne s’attarde pas assez sur les jeunes années de Mesrine et les évènements, les rencontres qui ont forgé son caractère survolté et violent (l’Algérie, le basculement dans le banditisme sont trop vite abordés).
Mais Richet parvient brillamment à étaler par petites touches les zones d’ombre de Mesrine qui deviennent envahissantes à la fin de cette cavale hallucinante et très rythmée.
La conduite de ce dyptique est en effet remarquable en terme de narration, essentiellement linéaire qui voit les actions armées et les situations dramatiques (l’expérience traumatisante des QHS) se succéder avec abondance, de mise en scène, nerveuse et frénétique (les spectaculaires évasions de prison deviennent instantanément des modèles du genre) et d’interprétation, Cassel dévore l’écran. Trouvant sans doute ici le rôle de sa carrière, il livre une performance qui fera date, jouant avec son corps imposant, tendu, prêt à exploser, il est L’ennemi public numéro 1 qui se joue de la justice et de la loi avec un panache et une morgue qu’il va payer cher.
La précision du découpage des scènes d’action déjà manifeste dans l’aventure américaine de Richet, Assaut sur le central 13, a son acmé avec la scène de l’arrestation de Mesrine révélant la fébrilité des forces de police en planque devant son domicile, une peur dévorante, inacceptable, forcément frustrante, qu’il faut évacuer sans s’embarrasser de la morale et du règlement (Langmann et Richet proposent leur version de la fin de Mesrine, porte de Clignancourt).
Evidemment cet imposant personnage à facettes, extrême et charismatique, laisse peu de place aux autres personnages pour exister : si, dans le premier volet, la relation à la Bonnie & Clyde entre Cassel et Cécile de France aurait mérité d’être développée tout comme la prestation marquante de Depardieu en parrain-mentor, Almaric, Sagnier et Gourmet parviennent dans cette seconde partie plus tragique à tirer leur épingle du jeu avec des prestations intenses que Richet met en valeur lors de scènes intimes et dialoguées, entre deux fusillades et autres coups d’éclat, toutes marquées par la fébrilité et l’urgence d’un parcours promis à une fin funeste.
Après des années de gestation le projet de Mesrine a donné lieu à un dyptique d’une redoutable efficacité porté par un acteur qui s’est fondu avec brio dans la peau de ce personnage médiatique détestable et fascinant et une mise en scène d’une remarquable précision qui n’a rien à envier aux productions hollywoodiennes comme American gangster de Ridley Scott, une production récente au sujet voisin autour du crime et de la violence, des sujets hautement cinématographiques qui ont inspiré des cinéastes de premier plan comme Hawks (Scarface), Melville (Le cercle rouge) ou bien Scorsese (Les affranchis) pour n’en citer que quelques uns d’une liste en perpétuel renouvellement.
Avis Le Stein :
Je dois avouer qu’après avoir lu le résumé, vu l’affiche, je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de voir un film comme Mesrine. Dans ma petite tête, ça a fait «encore un film genre American Gangster», le méchant hors la loi va devenir gentil et s’en sortira avec une peine minimale alors qu’il a fait le mal autour de lui !
Voilà ce que je pensais. Puis, j’ai vu Mesrine, du moins, L’instinct de mort ! Et ce fut une petite claque et surtout un grand soulagement. En France, on fait des films sur des gangsters mais au moins, on n’en fait pas un mythe, une icône, voir un martyr. Non, on donne une vision, certes personnelle, mais on ne fabule pas l’histoire de l’homme. Parlons d’homme car nous suivons les aventures meurtrières d’un homme de parole, d’honneur, de loyauté et de respect. Cela n’excuse aucunement les actes de Mesrine mais ça nous permet d’en comprendre les raisons. Personne n’est épargné car même si Jacques Mesrine est un ennemi public, les représentants de la loi ne semblent pas vraiment avoir de règles.
C’est l’idée qui ressort à la fin de cette première partie…Nous sommes face à un homme prêt à tout pour ne pas entrer dans les rangs mais il possède des règles. Que vous soyez sa femme, sa compagne, son pote d’enfance, son patron, ne tentez pas de bousculer ses règles. Jacques Mesrine magnétise tous ceux qu’il rencontre, porté à l’écran par un Vincent Cassel excellent et appuyé par des seconds couteaux exceptionnels, Gérard Depardieu est énorme en parrain, Gilles Lelouch, Cécile de France sublimes en copain d’enfance et compagne, bien que leur personnage auraient pu être plus travaillés!
Ce qui est plus frappant encore, ce sont les décors. Il y a un travail de reconstitution impressionnant. Cela donne encore plus de cachet à ce film. C’est comme si nous visionnions un film éducatif pour nous dire : «voilà comment c’était à telle époque, voilà l’homme qui a fait peur». Et surtout voilà les raisons de ces actes.
Si au niveau de l’histoire, tout semble être excellent, le réalisateur est parfois maniériste à commencer par ce générique splitté qui peut sûrement vouloir dire que nous allons suivre les aventures d’un homme à multiples facettes ainsi qu’une séquence qui me parait inutile lorsqu’il tente de faire évader des hommes de la QHS.
Avec Mesrine, c’est une partie du cinéma italien qui a ressurgi, tout d’abord, j’ai pu le comparer à Buongiorno Notte de Marco Bellocchio qui traitait de l’enlèvement de Aldo Moro par les brigades rouges puis j’avais cette impression d’être dans les polars des années 70. A la sortie, je ne voulais faire qu’une chose, prendre ma place pour voir la seconde partie!
Voilà l’homme qui a fait peur dans les années 70!
Si L’instinct de mort m’a tenu en haleine du début à la fin, je dois avouer que L’ennemi public n°1 a laissé une toute autre sensation. Comme le premier, le film nous rappelle qu’il est mort et enchaîne avec un nouvel épisode de la vie de Mesrine à Paris.
Nous connaissons les principes de Jacques Mesrine et maintenant nous suivons, dans les premiers temps, la montée en puissance de la mégalomanie de l’homme qui prend un certain plaisir à jouer avec les autorités françaises. Nous sommes alors plongés dans une succession de séquences décousues mais chronologiques, où parfois nous voyons Jacques le beau parleur face à la presse suivi de Jacques le fou capable de tout pour fuir.
Encore une fois, nous ne pouvons pas aimer un tel personnage et le jeu de Vincent Cassel accentue encore plus le dégoût que l’on peut, au final, avoir. C’est pour moi, la seule chose qui sauve cette seconde partie. Les acteurs emmenés par un Vincent Cassel, volontairement grossier, outrancier, irrespectueux montrant parfaitement le caractère de l’homme! Ludivine Sagnier en simple potiche montrant que le grand Jacques perdait le goût des femmes à fort caractère (je repense à Cécile de France), Mathieu Almaric en complice astucieux et Olivier Gourmet, méconnaissable en inspecteur Broussard y sont excellents. Un petit bémol pour Gérard Lanvin peu crédible en militant corse!
Par le jeu des acteurs et toujours par les costumes, une étrange question trottait dans ma tête : comment un homme aussi grotesque fut-il si difficile à arrêter? La réponse était sûrement dans sa férocité. Impossible de le stopper, il faut jouer le même jeu que lui…Lui qui n’était qu’un braqueur de banque alors que dans les autres pays tels que l’Italie et l’Allemagne sévissaient les révolutionnaires politiques les Brigades Rouges et la bande à Baader…
L’ennemi public n°1 flanche par sa longueur et sa répétition des séquences. On décroche au bout d’une petite heure de film se demandant ce que voulait montrer le réalisateur. Etait-ce purement commercial ou y avait-il assez de matière pour sortir le film en deux parties? Je pencherais plus pour la première solution ce qui n’était aucunement justifié car un seul long métrage de 2h ou 2h30 de temps aurait largement suffit à nous dépeindre le personnage de Jacques Mersine!
Jacques Mesrine a marqué et marque les esprits! Impossible de ne pas se poser des questions sur l’époque, sur l’homme, sur les raisons des ces actes. Une seule certitude, les petites choses commes les grands événements peuvent changer le cours de votre existence!