1971. Lucie, une enfant torturée et séquestrée dans de vieux bâtiments déserts, parvient à s’enfuir de sa geôle.
Prise en charge dans une pension, elle reste mutique quant à ce qu’il lui est arrivé. Elle rejette tout le monde, à l’exception d’Anna, une petite fille qui va devenir son unique confidente et amie. Traumatisée, Lucie a toujours peur de quelque chose ou… de quelqu’un. Quelqu’un qui essaie de pénétrer dans leur chambre à leur sommeil…
15 ans plus tard. Alors qu’une famille typiquement bourgeoise prend son petit déjeuner, on sonne à la porte. Le père ouvre sur une silhouette armée d’une chevrotine… qui massacre parents et enfants.
Un combiné retentit dans une cabine téléphonique, une jeune femme s’empresse de décrocher : Lucie (Mylène Jampanoï) apprend à Anna (Morjana Alaoui) qu’elle vient de retrouver ses bourreaux…
Je rappelle brièvement l’affaire « Martyrs » : prévu pour une sortie estivale, le film s’est tout d’abord vu classé « interdit aux moins de 18 ans » par le comité de censure français… Autant dire pas de sortie du tout. Après un lever de bouclier général (pétition de soutien sur le web, manifestation parisienne), le film repasse devant le comité, qui rend un nouveau jugement.
Le film sera finalement interdit aux moins de 16 ans, assorti d’un avertissement inscrit au bas de l’affiche : « Ce film inflige des images extrêmement éprouvantes exposant le supplice d’une jeune femme. Sa vision comme son interprétation requièrent des spectateurs préparés et distancés. »
Le métrage sort donc le 3 septembre, on peut enfin le découvrir, et surtout le juger sur sa valeur et non sur sa sulfureuse réputation…
L’avis d’Alexandre VASILJKIC : Le second long-métrage de Pascal Laugier après « Saint-Ange » s’avère très perturbant. Alors oui, le film est hardcore au niveau violence graphique et effets cradingues (bravo au passage aux maquillages spéciaux saisissants du regretté Benoît Lestang, qui était assurément notre génie français dans le domaine et qui s’est montré là au sommet de son art !), mais franchement « Martyrs » ne se résume pas à ça, et les « goremaniacs » risquent de tirer la tronche sévère… La violence de « Martyrs » est tout sauf « fun » ou jubilatoire, elle ne prête jamais à sourire (ou alors votre sens de l’humour est un brin inquiétant), en gros, on n’est pas devant « Braindead » ou même un sadique épisode de « Saw »…
Car cette hyperviolence frontale (ne compter pas sur le moindre hors-champ pour vous épargner…) est accompagnée d’un réel malaise psychologique qui transforme le film en véritable expérience « humaine » pour le spectateur : c’est aussi sur nous-mêmes et sur nos propres croyances que « Martyrs » nous invite à réfléchir…
Et le film de se montrer déroutant à plus d’un titre : le réalisateur ne cherche jamais à brosser le spectateur dans le sens du poil, et le dirige au fur et à mesure de son histoire vers des directions de plus en plus inattendues afin de l’entraîner vers de véritables ténèbres…
« Ténèbres », justement, film que Laugier cite lors d’un découpage de carotide au rasoir sous une pluie battante (mais est-ce vraiment un hasard lorsqu’on dédie son film à Dario Argento ?)
Si l’on ressent aussi d’autres influences visuelles (les films de fantômes asiatiques, l’univers sado-maso de Clive Barker), cela n’est jamais fait de façon « appuyée » car « Martyrs » est avant tout une œuvre personnelle, qui aime à mixer tout un panel de genres… afin d’atteindre son impénétrable, mais inexorable but. Et quel but !
Les interprétations plus qu’habitées de Morjana Alaoui et de Mylène Jampanoï (ainsi que celles des autres suppliciées d’ailleurs) sont à la mesure du film : simplement démentielles ! (Ou alors, elles sont toutes très très très masos…)
Et je le répète : les effets spéciaux sont TRES impressionnants de réalisme.
En résumé, « Martyrs » est l’exemple-type de l’oeuvre RADICALE, n’ayant pas peur de perdre une partie du public en cours de projection, ou même bien avant, car ce film-ci n’est assurément pas fait pour tout le monde…
N’y voyez pas là un débilitant parti pris d’ « initié » ou une pseudo forme d’élitisme nauséabond.
Simplement à tous ceux dont l’univers cinématographique est synonyme de confort moral (ce qui n’est pas une tare, on n’a pas tous les mêmes besoins), Pascal Laugier semble hurler « DOUTEZ ! » en guise d’avertissement…
Vous êtes prévenus.