Synopsis : Parce qu’il voulait protéger son petit frère d’un père trop violent, Teddy, un jeune sans histoire, se voit accusé du meurtre de son père et est envoyé dans un Centre Educatif Fermé, dans l’attente de son procès pour parricide. Il plonge alors dans un univers brutal dont il ne connaît pas les règles. Il fait la connaissance d’Enzo, le caïd du centre. Après une période d’affrontement dur, leur amitié va leur permettre de déjouer le destin qui leur était promis.
Blaq Out, en partenariat de distribution avec ESC, présente Mon Frère, troisième film du réalisateur français Julien Abraham après le très réussi La Cité Rose et le catastrophique Made In China. La situation du réalisateur est assez insolite tant la différence de ton est embarrassante du premier à son second film passant du drame social sur fond de banlieue, à la comédie bas du front sur les appartenances ethniques. Il devenait alors difficile de s’imaginer la suite de la carrière du jeune cinéaste. Néanmoins, Mon Frère, signe le retour dans un univers plus enclin à la caméra du metteur en scène, les centres éducatifs pour mineurs en attente de jugements. Pour mener cette histoire, le dévolu n’a pas été jeté sur un acteur professionnel, ou amateur mais sur l’ambassadeur de l’Afro Trap, le rappeur MHD.
La critique se divisera en deux parties :
I) La critique de Mon Frère
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray
L’avis de Quentin :
I) La critique de Mon Frère
Mon Frère est le film de tous les défis à la fois pour son réalisateur tout comme pour son acteur principal. Deux sphères culturelles, musicales et cinéphiles, s’entrechoquent, attendant à la fois le retour de Julien Abraham dans un cinéma qu’il connait et sait approcher, mais aussi le passage risqué de MHD de ses clips de rue entre amis à sa carrière d’acteur.
Le long-métrage occupe également une place quasi mystique et prophétique dans l’approche de la vie de Teddy, interprété par le jeune rappeur, en attente de jugement. Un miroir entre la fiction et la réalité prend place, qui de Teddy ou de MHD en est le véritable interprète tant leurs situations paraissent se répondre. Mohamed « MHD » Sylla a été arrêté et mis en examen pour homicide volontaire depuis janvier 2019.
Les questions, ainsi que les doutes face au film s’estompent bien vite tant l’oeuvre s’impose en quelques plans, regards et altercations comme une nouvelle référence du film de détention juvénile. Une vraie alchimie naît de l’interaction entre les différents acteurs donnant à l’oeuvre une lecture quasi documentaire. Une découverte d’un univers à la fois rude, violent, cru mais aussi émouvant et fascinant. Le façonnement de la personnalité du protagoniste principal est finement menée, réussissant toujours à mettre l’appréciation du spectateur dans une position instable. Le personnage de Teddy bien que quasi mutique, réussit à délivrer un portrait complexe de son existence et de sa mutation face à un milieu d’une rare violence. Les pistes de compréhension sont lancées au fur et à mesure que le film se déroule pour finalement rassembler ses multiples ramifications au coeur d’un final d’une intensité explosive.
Du haut de ses 90 minutes, le film réussit à offrir une pluralité de personnages avec une vraie profondeur tout en menant tambour battant une oeuvre au rythme effréné. Mon Frère permet de la sorte une compréhension de cet univers pré-carcéral, large et complète en offrant une analyse travaillée de ses entités. Julien Abraham parvient même à plusieurs reprises à faire passer la lecture de certains personnages du mépris, à la pitié jusqu’à la compassion.
Néanmoins, le long-métrage se trouve être finement mené à l’intérieur du centre éducatif pour multiplier les incohérences dans ses dernières vingt minutes. Une fin qui installe de nouveaux personnages, d’une importance capitale, tel que la mère du personnage principal sans donner de véritables attaches solides à l’autre partie du récit.
Le film nous parle des conditions difficiles des centres éducatifs. Il ne pointe pas de responsables directs. La résultante de cette situation en constante dégradation ne provient ni des éducateurs, ni des adolescents, elle est une construction sociale établie, répétée et non réellement prise en charge par le système étatique. L’analyse de la situation vient à mettre la réalisation de Julien Abraham en parallèle avec celle de Les Misérables de Ladj Ly. Il n’y a ainsi pas de mauvaises graines, seulement de mauvais cultivateurs.
On revient de la sorte sur le sens même d’établissements tels que les centres éducatifs. Institutions défigurées par le manque de moyen et d’intérêt, ramené à la simple utilité de salle d’attente et non plus de mise en place de procédures éducatives. Il n’y a en cela pas plus de deux éducateurs et une psychologue pour cadrer une douzaine d’adolescents souffrant de troubles mentaux, psychiques, ainsi que de manques en tout genre qu’il s’agisse d’amour, de confiance ou tout simplement d’humanité. On y découvre une jeunesse avec une volonté de survie dévastatrice, ne cessant de s’élever dans l’ultra violence afin de prouver un statut de dominant permettant d’assurer une forme de pérennité.
L’oeuvre aborde également la problématiques des violences familiales. Il parvient avec subtilité à glisser les origines du mal qui ronge cette jeunesse. Les maux qui les hantent venant pour la plupart de leurs familles, de la violence du père, de l’oncle, de l’abandon de la mère.
Mon Frère est une grande réussite à la fois pour son réalisateur, son acteur mais également pour le cinéma français. Une oeuvre qui sait voir juste sur la jeunesse, les milieux défavorisés et le climat de violence permanent des centres dits « éducatifs ». Une pertinente déconstruction de la délinquance juvénile qui pousse à penser et revoir nos avis sur le sujet tant le long-métrage se trouve être réaliste et saisissant.
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray
Image :
Blaq Out, en proposant une sortie Blu-ray à Mon Frère, réussit à nous offrir toute la beauté de l’oeuvre de Julien Abraham, le travail sur le piqué fait ressortir le moindre grain de peau, relief offrant une vraie lecture picturale à l’oeuvre. Les couleurs bien que souvent grisonnante et ramenant à la réalité avec l’aspect documentaire du film, s’envole sur son final donnant un vrai contraste saisissant entre les deux parties du film. On pense tout particulièrement à l’échappée en voiture sur le pont à l’arrivée sur Amsterdam ou encore à la scène de danse dans les jardins. Un rendu réussi pour un film qui méritait un beau traitement HD.
Note image : 4/5
Son :
Le film est proposé en pistes sonores haute définition 2.0 et 5.1.
Les deux pistes font un très bon travail tant elles réussissent à équilibrer les voix, l’environnement sonore et la bande-son. La piste 5.1 favorise en cela lors des séquences avec fond musical à pleinement pénétrer dans l’oeuvre, offrant un cette dernière une vision décuplée de l’image. Cependant, on pourra regretter un mixage parfois brouillon des voix, ou plus simplement une diction parfois difficile à entièrement distinguer, une situation qui s’avère assez peu fréquente pour gêner à la bonne compréhension du film.
Note son : 3,5/5
Suppléments :
Il s’agit là de la grande déception de cette édition qui ne propose absolument aucun bonus et pourtant il y aurait tant eu à faire … Que cela soit un entretien avec le réalisateur, un retour sur la situation actuelle du rappeur MHD, un document sur la jeunesse et la violence au cinéma.. Tant de possibilités envolées.
Note suppléments : 0/5