Synopsis : Becky Something est une superstar du rock des années 90 qui a rempli des stades avec son girls band : « Something She ». Quand ses excès font dérailler la tournée nationale du groupe, Becky est obligée de compter avec son passé tout en recherchant l’inspiration qui les a conduites au succès.
Pour conclure une année 2019, pour la moins réussie, l’éditeur français Potemkine concocte la sortie video du film Her Smell distribué par leurs soins, de manière intimiste, dans les salles de cinéma et qui a suscité l’intérêt ainsi que la curiosité de nombreux cinéphiles. Comme beaucoup, chez Cinealliance, nous n’avons pas eu l’occasion de découvrir le nouveau travail de Alex Ross Perry au cinéma. C’est donc un honneur pour nous que d’enfin pouvoir découvrir ce film si prometteur au casting surprenant. Pour Her Smell, le réalisateur américain délaisse la perspective d’acteurs non professionnels mais conserve l’ambiance de cette mouvance cinématographique « fauchée » du cinéma indépendant américain nommé Mumblecore.
La critique s’articulera en deux axes :
I) La critique de Her Smell
II) Les caractéristiques techniques de l’édition DVD
I) La critique de Her Smell
Her Smell suit la descente aux enfers de la leadeuse du groupe de Punk/Rock féminin fictif Something She. Il se déroule en cinq actes représentant la fin de parcours d’un groupe incontournable, entrecoupés par de courts intermèdes sur le firmament de cette compositrice pleine de promesse. A la manière du phénix, le cinéaste parvient à capter la douleur dans le décès et la difficulté à renaître avec une vie passée qui semble ardue à faire disparaître. L’interprète principale, jouée par une Elisabeth Moss surprenante, donne à voir la difficulté de s’établir dans l’avenir lorsque le spectre de ses addictions passées ne cesse de lui tourbillonner autour. Dans la mouvance des films biopic musicaux, l’oeuvre du cinéaste américain bien que fictive se trouve être bien plus réaliste, saisissante, addictive et enivrante que le Bohemian Rhapsody de Bryan Singer.
Bien que gravitant autour de la sphère musicale, Her Smell est une oeuvre complexe qui raconte bien plus que le parcours cauchemardesque de son héroïne. Il nous parle de la conclusion d’une époque, de la désillusion ainsi que de la fin du rêve américain. Il traite avec rage et justesse, la problématique de la féminité dans les activités habituellement réservées aux hommes, on pense aux écrits de Despentes, de ses stars-femmes qui n’ont rien à envier à leurs confrères masculins.
Le film aborde un processus destructeur tendant à la généralisation allant des années 70 aux années 90, avec des groupes de rock en pleine gloire durant une décennie, porté par leur jeunesse et une consommation accrue aux drogues, qui ne peut mener qu’à épuisement et implosion de la formation. Une destinée tragique qui n’a cessé de se renouveler quelque soit le mouvement musical engagé allant du Rock 70s jusqu’au Grunge en passant par le Glam Rock, le Hard Rock, le Heavy Metal ou encore le Punk. Le long-métrage parvient de la sorte à saisir avec brio le contraste entre l’image renvoyé au public et la réalité du quotidien, des coulisses. Les premières séquences du film montrent de manière ingénieuse le chemin qui conduit ces deux trajectoires à se rencontrer. Alex Ross Perry réussit ainsi à mettre en place une escalade d’événements déstabilisants, réussissant à constamment installer une atmosphère agressive entre les différents protagonistes qu’il s’agisse des membres du groupe, des familles, du producteur ou encore de parasites sectaires.
Le réalisateur filme de façon fiévreuse cette galerie de personnages entraînés par une leadeuse en pleine overdose d’excès en tout genre. La caméra qui enchaîne les plans intrusifs réussit à propulser la performance de Elisabeth Moss à un niveau supérieur, permettant à l’actrice de jouer deux états en simultanés celui d’une femme se pensant pleine d’assurance, qui en réalité se cache derrière les drogues, les croyances, et les reproches dans une angoisse et une instabilité dévastatrice. Une manière de mettre en évidence le caractère bipolaire du personnage avec d’un côté la fragile et timide mère célibataire Rebecca et de l’autre la bête de scène addict aux drogues Becky Something.
Enfin, Her Smell donne à voir une industrie musicale de l’intérieur qui fait exploser la magie du mouvement Punk, dont fait parti Something She. Nous sommes bien loin de l’anarchie, et l’indépendance dans la création. On y perçoit le piège du capitalisme dans les arts à travers les calendriers de sortie, les demandes de producteurs, la pression constante des tournées, une machine qui une fois lancée se doit d’être nourrie ou bien enterrée. En vivant selon le mode de vie Punk et l’incontournable « No Future », l’héroïne ne pourra jamais fournir le besoin de stabilité et d’assurance que nécessite le modèle de production actuel. De plus, Alex Ross Perry pointe du doigt le concept d’interchangeabilité, qui permet à la mouvance musicale de perdurer de manière financière avec d’interminables formations ersatz.
Her Smell est une oeuvre déconcertante qu’il s’agisse de son rythme, sa manière de s’articuler mais surtout de par son approche désillusionnée de l’industrie musicale. Alex Ross Perry réussit de la sorte, avec des portraits de femmes désormais incontournables, à dépasser le caractère naïf et caricatural de films tels que A Star Is Born ou bien Bohemian Rhapsody pour dresser une oeuvre qui regarde les problématiques de l’après performance scénique droit dans les yeux, quitte à nous écorcher. Une franche réussite.
Note Film : 4/5
II) Les Performances techniques de l’édition DVD
Image :
Le DVD de Her Smell n’est pas la claque visuelle tant attendue, on aurait pu espérer une sortie Blu-ray, pour une meilleure mise en avant du travail de Alex Ross Perry. L’image sature dans certains noirs et blancs trop profonds. On y manque parfois de détails et de fluidité faisant ressentir à plusieurs reprises les limites du support DVD. Néanmoins, on pourra prendre plaisir à savourer le grain si particulier du film.
Note image : 3/5
Son :
La piste originale Dolby Digital 5.1 est une réussite et respecte le travail du cinéaste. La bande originale vertigineuse et déstabilisante nous enserre dans la moindre séquence nous donnant l’impression de suffoquer, tout en parvenant à gérer un équilibre réussi avec les voix. Enfin, les phases de concert sont également réussies et ne saturent jamais parvenant à nous transposer de manière très facile au coeur du film.
Note Son : 4/5
Suppléments :
Contrairement à ce qui est annoncé sur certains sites revendeurs, il n’est ici aucunement question de la présence d’entretien avec Virginie Despentes, ou encore avec Manon Labry.
Cependant, Potemkine comme toujours sait viser juste sur les suppléments et offre un très bel entretien avec Alex Ross Perry d’une trentaine de minutes, qui revient sur le film, de sa genèse, jusqu’aux décisions prises autour du casting, de l’atmosphère, du scénario ainsi que de la rythmique de l’oeuvre.
Le support renferme également deux clips :
- Clip « Can’t wait » – The Ackergirls
- Clip « Breathe » – Something she
Enfin, en dernier supplément, nous pouvons retrouver la bande-annonce du film.
Seul regret, nous aurions adoré trouver ce bonus entretien avec Viriginie Despentes….
Note suppléments : 3/5