Synopsis : Madame de Dumeval, le Duc de Tesis et le Duc de Wand, libertins expulsés de la cour puritaine de Louis XVI, recherchent l’appui du légendaire Duc de Walchen, séducteur et libre penseur allemand, esseulé dans un pays où règnent hypocrisie et fausse vertu. Leur mission : exporter en Allemagne le libertinage, philosophie des Lumières fondée sur le rejet de la morale et de l’autorité, mais aussi, et surtout, retrouver un lieu sûr où poursuivre leurs jeux dévoyés. Les novices du couvent voisin se laisseront-elles entraîner dans cette nuit folle où la recherche du plaisir n’obéit plus à d’autres lois que celles que dictent les désirs inassouvis ?
L’avis de Quentin :
Albert Serra est de retour avec un troisième film historique, après avoir conté les derniers jours du Roi Soleil avec La Mort de Louis XIV, et la rencontre de deux icônes du XVIII°s avec Casanova et Dracula mêlant la violence à la séduction pour Histoire De Ma Mort. Le cinéaste espagnol n’a cessé d’enchaîner les longs-métrages développant sa manière de mettre en scène si atypique, une écriture flottante sachant viser juste pour parvenir à raconter des personnages, tranches de vies, époques. Avec son nouveau film, il revient en plein cœur du XVIII°s dans le monde du libertinage inspiré des écrits du Marquis de Sade.
Le réalisateur espagnol nous dresse son fantasme du raffinement, selon Sade, au beau milieu des bois à travers les yeux de plusieurs hommes issus de la bourgeoisie française, allemande et italienne. Une pluralité de nationalités où le langage universel deviendra celui du corps, de la chaire, du sexe. Albert Serra place son récit au XVIII° s en France, avec un sous-texte libertaire où la révolution commence à prendre forme, où la littérature et particulièrement celle des Lumières influence un royaume en pleine mutation. Le film profite de cette alternance de régime, pour libérer les êtres, creuse les failles d’un système touchant à sa fin, pour laisser libre expression aux envies des uns et des autres.
Le film s’ouvre sur un coucher de soleil où les différents protagonistes pensent et paramètrent les derniers préparatifs avant la grande débauche nocturne. Ils y parlent des femmes, de leurs fantasmes, de leurs perceptions des corps, des sexes. Ils discutent et mêlent leurs points de vue pour parvenir à développer un imaginaire sexuel déviant.
Les plans que proposent le long-métrage sont d’une esthétique qui subjugue, hypnotise et porte de manière intégrale l’oeuvre. Le film représente une expérience sensorielle inédite dans le cadre du cinéma érotique. La lumière tombante sur la plaine sublime les formes, là où la lune éclaire les corps, les sexes. C’est dans l’obscurité la plus totale, que l’inavouable se produit.
La nuit se transforme en escalade de plaisir, de jouissance, tout comme de souffrance. Il symbolise le désir, ainsi que la sexualité comme facteur inatteignable pour la bourgeoisie. Une classe sociale qui parvient à tout s’acheter à l’exception de la soif d’excitation, de plaisirs défendus qui ne peuvent être assouvies du fait de leur caractère infini.
Cependant, bien que l’idée fondatrice de l’oeuvre s’avère singulière, tant les adaptations de Sade au cinéma se font rares, Liberté reste une déception amère. Le film promet beaucoup et offre peu, portant le spectateur dans un niveau de frustration rare. Bien que les séquences sexuelles représentent de nombreuses relations sexuelles alternatives et parfois même déviantes, l’oeuvre n’ose jamais assez et ennuie.
Les deux heures et douze minutes du film se trouvent être d’une longueur affligeante. Le long-métrage parvient à jouer de sa magie de par ses images, ambiances et jeux d’acteurs, cependant le parti pris de nombreuses scènes d’improvisation rend le film insipide, lassant. Au lieu de nous guider dans les méandres des écrits de Sade de manière crescendo, et organisée, le cinéaste ouvre les hostilités nocturnes avec certainement la meilleure traduction du fantasme que l’écrivain aurait pu mettre en mot dans ses textes. Cependant, la tension ne fait que s’écrouler ^par la suite ne parvenant plus à trouver notre intérêt.
On ressort de cette oeuvre avec l’aube clôturant une échappée loin des promesses et d’une longueur assassine.
Liberté malgré toutes ses bonnes intentions et idées de mise en scène n’est ni troublant, choquant ou bien même excitant. Il est le portrait d’une époque ne prenant que peu d’audace, ne faisant que raconter des fantasmes qui ne viendront jamais pointer le bout de leurs nez à l’écran, préférant proposer des séquences plus encline à l’acceptable. Le rendez-vous avec le théâtre du raffinement, du Marquis de Sade, flirtant avec le sordide ainsi que l’inavouable est manqué.