Synopsis : Amador Coro a été condamné pour avoir provoqué un incendie. Lorsqu’il sort de prison, personne ne l’attend. Il retourne dans son village niché dans les montagnes de la Galice où vivent sa mère, Benedicta, et leurs trois vaches. Leurs vies s’écoulent lentement, au rythme apaisé de la nature, jusqu’au jour où un feu vient à dévaster la région.
L’avis de Quentin :
Le second film d’Olivier Laxe, Viendra Le Feu a remporté le prix du Jury dans la sélection Une Certain Regard à Cannes en mai 2019. Après Mimosa qui a révélé le cinéaste franco-espagnol à la Semaine de la Critique 2016 et qui se déroulait dans le désert marocain, son nouveau film prend place dans un territoire dont il perçoit les codes et les coutumes depuis toujours posant sa caméra en Espagne et plus particulièrement en Galice.
Le film nous raconte la difficile réinsertion d’un pyromane dans son village natal de manière énigmatique, mutique. Tout d’abord, les protagonistes du récit conversent intégralement dans une langue régionale : le galicien. La manière de prononcer les mots, la façon d’ordonner la rythmique des phrases plongent immédiatement le spectateur dans une lecture onirique de l’oeuvre. Les discussions ordinaires d’un quotidien monotone ne laissent rien percevoir de l’antériorité des personnages et de leur entente passée. Il s’agit d’une oeuvre solidement ancrée dans le présent, dans l’ombre d’un passé secret et d’un avenir incandescent.
Viendra Le Feu s’ouvre sur une séquence de déforestation nocturne nous plongeant dans les ténèbres. On y voit des arbres balayés par d’immenses engins agricoles. La forêt ne peut résister aux monstres d’acier jusqu’à ce que les ouvriers tombent nez à nez avec un arbre noueux, épais, marqué par le temps, si imposant que même la machine ne peut le détruire : le cœur de la forêt. Nous sommes dès ce plan introductif propulsé dans le caractère métaphorique de l’oeuvre avec cette nature régnant sur le monde, cette unique divinité disposant d’une volonté propre.
A l’arrivée d’Amador, dans son village natal, tous les enjeux sont placés, il sort de la ville et retrouve les connaissances de longue date, un microcosme ne laissant que peu de place à la vie privée, aux secrets. Le spectateur est le seul à ne rien connaître des histoires du village, de ses rumeurs, des relations inter-familiales. Il y retrouve sa mère, ses voisins, les bêtes et la nature.
On y découvre une mère âgée, inquiète d’un fils rejeté de tous, qu’elle pardonne pour ses erreurs passées, des voisins, faisant du mauvais esprit sur le destin de cet homme au visage marqué par la vie, et une nature impitoyable qui ne pourra jamais pardonner l’acte barbare qu’est la pyromanie.
Amador a payé son dû à la loi des hommes mais ne pourra jamais être pardonné par la forêt, entité éternelle qui ne répond qu’à sa propre loi. Une force qui transcende toute chose. Une puissance régissant le moindre être vivant qu’il s’agisse des végétaux ou bien des animaux dont l’être humain fait parti. Une nature reine qui poussera la volonté de vengeance des hommes du village de manière éternelle à faire payer son meurtrier. Le cinéaste possède cette vision magistrale des interactions des êtres et d’un équilibre à respecter pour permettre le bien-être de tous. Une analyse fine et virtuose de notre monde.
De la sorte, le cinéaste enferme à travers les racines de Dame Nature le personnage principal à un châtiment d’éternité au rythmes des saisons. Une mise en scène rappelant de ce fait le travail de Nuri Bilge Ceylan, étudiant l’asservissement des êtres aux saisons, facteur rappel de notre condition animale. Une punition saisonnière qui se célébrera désormais chaque été pour Amador sous forme d’holocauste estival. Le film révèle un personnage fort et vibrant qui accepte sa peine, rejetant tout exil vers la ville. Il convoque les éléments primaires, les orchestrant, les élevant aux sonorités de Vivaldi.
Viendra Le Feu est intime, délicat et d’une finesse d’écriture rare. On ne peut que prendre plaisir à découvrir cet ultime bastion naturel, la Galice qui dans son extinction, qu’il s’agisse de la déforestation ou bien des incendies, trouve racine dans l’être humain qu’elle a créé le rappelant à sa condition. Lorsque l’humain détruit la nature, il mène son espèce et l’intégralité des éco-systèmes au néant, ne pouvant que le conduire à sa perte.