Synopsis : Le titre du film nomme son cœur : trouvée échouée, il s’agit d’une boîte en os de baleine, ficelée avec du filet de pêcheur. Objet énigmatique au contenu secret, relique ou rescapé d’un mystérieux naufrage, détentrice de vertus magiques, nul ne sait sinon qu’elle a été offerte à Iain Sinclair, écrivain- cinéaste-psychogéographe, compagnon de marche d’Andrew Kötting dans ses derniers films buissonniers. Un voyage s’entreprend : rapporter, depuis Londres, cette boîte jusqu’à son lieu d’origine, une plage des îles Harris, aux confins de l’Écosse. Non pour en percer le mystère, mais pour en éprouver les puissances.
L’avis de Quentin :
Andrew Kötting est de retour cette année au FID, et nous propose une étrange quête initiatique autour d’une boîte en os de baleine. Le cinéaste joue sur un répertoire à mi chemin entre le documentaire et le film expérimental, offrant des séquences alternant caméra 8mm et caméra de téléphone portable. Sur le plan technique, nous sommes en plein found footage. La caméra tourne, tombe, s’envole et ne cesse de virevolter au grand plaisir des uns, pour le plus grand malheur des autres. Le réalisateur joue avec les filtres, la matière, l’obscurité pour délivrer une proposition singulière comme il en a le secret.
The Whalebone Box revient donc sur le voyage de Kötting et de sa fille en route pour une quête transcendantale. Ils ont pour objectif, de rejoindre une ville au nord de l’Angleterre, abandonnée, et ayant connu de nombreux déboires. L’équipe voit en cette bourgade maudite une malédiction due à la pratique des générations passées de la pêche à la baleine. Leur mission est donc simple : déposer, rendre la boîte en os de baleine, à l’océan pour ramener la prospérité au sein de la ville. Une manière d’acheter le salut du genre humain au travers d’un acte hommage aux atrocités perpétrés par nos ancêtres.
Il aborde le film à travers une relation fantastique face au céleste mammifère. Il y voit un miroir avec notre espèce, les baleines et les dauphins devenant les gardiens des mers, des hommes marins en harmonie avec leur environnement. Le long-métrage prend un virage mystique qui durant la première moitié du film est totalement exaltant, donnant espoir en l’homme, espoir d’un renouveau, d’un départ vierge de toute antériorité. A l’inverse de Prométhée, Kötting, se voit missionnaire de raviver la vie. Il va à la rencontre des cétacés à la manière d’un pèlerinage religieux, ces êtres, perçus tels des dieux. Il revient sur les contes et légendes traditionnels, et la place de ces géants, leur force, ainsi que leur interaction avec la nature. Il mène de cette manière une analyse dualiste avec d’une part cette espèce connectée à son environnement, et l’homme fou, cherchant seulement à détruire pour construire un monde toxique à la fois pour lui mais aussi le monde qui l’entoure.
Ce voyage paraissant farfelu durant les premières minutes du film, se transforme très vite en voyage rédempteur.
La quête mystique s’ouvre cependant assez rapidement à une dimension ésotérique, occulte, une quête de la mélancolie. La boîte prenant vie, appelant à revenir sur ses terres. L’entité a sa volonté propre, dictant aux hommes la marche à suivre. L’oeuvre prend très vite un caractère obsédant, maladif.
Kötting est pris dans une véritable dévotion à la mélancolie, une forme d’hystérie qui prend progressivement le contrôle des protagonistes. Cette façon de chercher le pardon envers la nature, emprunte une forme schizophrène alternant phases de réflexion claires et séquences expérimentales frénétiques.
L’épopée prend une tournure de chasse à la sorcière, où les sorcières malmenées et martyrisées durant des siècles, n’auraient été au final que les protectrices de la nature. Un mysticisme naturel qui dépasse la compréhension des hommes dits « civilisés ». Cependant c’est ici que la névrose du cinéaste atteint des sommets, il filme sa fille, déficiente mentale, sous toutes les coutures. Il dresse un parallèle entre la différence de sa fille avec les autres êtres humains. Il montre sa fille en miroir avec les cétacés, et va même plus loin en la présentant comme dernière porte parole de la sorcellerie moderne. On accède à une passerelle entre les zones d’absence, d’ombre de sa fille et la relation avec le cosmos, finissant son parcours au beau milieu d’un champ de monolithes. Néanmoins, l’approche intrigante autour de sa fille, se trouve être particulièrement perturbante et dérangeante durant la dernière demi-heure du film sur fond de musique noise. Une teinte de voyeurisme qui déroute.
The Whalebone Box est une oeuvre unique, underground, occulte et mystique, qui tente sans cesse une démarche de pardon des hommes vers la nature. Une relecture de la boîte de Pandore qui fascine et rebute à la fois, la signature d’un grand réalisateur, jouant avec les codes du média cinéma qu’il dépasse toujours plus à chacun de ses travaux. Un conte sur le caractère anxiogène de notre détachement naturel et la magie du magnétisme animal, spirituel et transcendantal qui ne cessera de vous questionner.