Synopsis : Hambourg, années 70. Au premier abord, Fritz Honka, n’est qu’un pitoyable loser. Cet homme à la gueule cassée traîne la nuit dans un bar miteux de son quartier, le « Gant d’or » (« GoldenGlove »), à la recherche de femmes seules. Les habitués ne soupçonnent pas que Honka, en apparence inoffensif, est un véritable monstre.
L’avis de Quentin :
2 ans après son très réussi et récompensé In The Fade d’un prix d’interprétation féminine pour Diane Kruger au Festival De Cannes, ainsi que le golden globe du meilleur film étranger en langue étrangère, Fatih Akin revient avec le turbulent Golden Glove. Il laisse alors l’empathie et le sentimentalisme derrière lui et nous propose une oeuvre macabre autour d’un tueur en série allemand, ayant sévi dans le quartier de Sankt Pauli à Hambourg.
Il est bien souvent difficile de se faire une place dans un univers cinématographique chargé qu’est celui du film de tueur en série. Cependant le réalisateur allemand prend le parti de faire suivre l’aventure au spectateur de par le point de vue de Monsieur Honka, le tueur du Golden Glove. De cette manière il ajoute son oeuvre à la liste dérangeante de films comme The House That Jack Built de Lars Von Trier ou encore C’est Arrivé Près De Chez Vous de Rémi Belvaux.
Néanmoins, ce dernier ne prend pas la même trame et ne cherche pas à nous proposer une histoire avec de nombreux rebondissements. Oubliez les trames narratives habituelles. Golden Glove, préfère bien plus nous faire pénétrer dans une atmosphère pleine de crasse et de poisse où nous ne cessons de s’enfoncer jusqu’à sombrer. Les personnages ne sont que des portraits alimentant un quotidien malade, le véritable personnage principal se trouvant être le bar local : le Golden Glove. Il permet de saisir les déviances d’une frange de la société rongée par l’alcoolisme, ne parvenant plus à s’échapper de sa condition, littéralement piégée dans la misère, le schnaps en seule compagnie.
Fatih Akin a eu la très bonne idée de ne pas nous donner de chemin, ligne à suivre. Le procédé permet ainsi de se perdre à travers cette galerie de personnages plus dégénérés les uns que les autres. La misère n’a jamais été si visuelle et effrayante. Il dresse ainsi une série de « gueules », en plein après-guerre. Il prend plaisir à dessiner et montrer ces corps maltraités, déformés, bouffis par les coups, le temps et l’alcool. Les hauts gradés du régime nazi, tout comme les adultes issus des jeunesses nazis ne savent plus qui ils sont, ni ce qu’ils veulent, passant de la position d’élite à honte sociale.
On se croirait à mi-chemin entre une oeuvre de Rainer Werner Fassbinder et Gaspar Noé. On y voit une véritable approche de la misère sociétale allemande, une partie de la population abandonnée, condamnée à disparaître. Le seul moyen de subsister pour cette population ayant connu une vie de dominance de 1933 à 1945 est de faire soumettre les plus misérables qu’eux. On assiste alors à une véritable extermination de la misère par la misère, une sorte de cannibalisation des classes pauvres. Tous les profils sont dressés allant de l’ancien chef SS jusqu’à la prostituée de camps de concentration en passant par le père de M. Honka enfermé dans les camps ou bien encore la jeunesse du pays pleine d’espoir.
C’est au milieu de tout ce petit monde que se dessine l’oeuvre agonisante du réalisateur allemand. On y voit une Allemagne des années 30, abandonnée, laissée à elle même, préférant se tourner vers la jeunesse issu du mouvement Flower Power, avec la volonté de faire disparaître les stigmates de la guerre en allant en avant. Cette dualité se sent à travers les couleurs utilisées pour nourrir les cadres du film dessinant des ruelles décrépies, poisseuses et grisonnantes où la jeunesse post-68, est habillée aux couleurs vives du mouvement hippie avec des rêves d’avenir plein les yeux. Une lumière brille dans les ténèbres. Certainement la seule touche, donnant encore espoir à cette humanité perdue.
Ce pays qui avance en deux temps est le territoire des exaltations de Monsieur Honka, ne parvenant plus à contenir ses pulsions meurtrières dès qu’il touche à l’alcool. Le personnage principal ne recule devant rien qu’il s’agisse d’enlèvement, de maltraitance physique ou bien morale, de sévices sexuelles ou bien même de démembrement. L’abject est le mot d’ordre pour ce Golden Glove nauséabond.
Néanmoins, à force de filmer des atrocités et cette violence extrême, sans jamais proposer de véritable déroulé scénaristique, le choc visuel perd de sa splendeur, tout comme il perd parfois son auditoire. Au-delà, de la violence, il n’y a rien, que les ruines d’un pays ne sachant plus que faire de ses vétérans de guerre.
En somme, Golden Glove est une belle proposition de cinéma qui aurait pu être une véritable déflagration si elle avait été au fond de sa thérapie, de l’aliénation des individus. Il en reste néanmoins une perle d’ultra-violence, où la poisse et la crasse sont reines. Une vision puissante et sans concessions de l’Allemange de l’après-guerre.