Quand Frances trouve un sac à main égaré dans le métro de New York, elle trouve naturel de le rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. L’une ne demandant qu’à se faire une amie et l’autre fragilisée par la mort récente de sa mère, les deux femmes vont vite se lier d’amitié comblant ainsi les manques de leurs existences. Mais Frances n’aurait-elle pas mordu trop vite à l’hameçon ?
L’avis de Quentin :
Le réalisateur d’Entretien avec Un Vampire et A Vif est de retour avec un nouveau film qui se cache sous le nom de Greta. Neil Jordan n’en est pas à son coup d’essai et s’immisce avec cette nouvelle proposition dans des horizons du cinéma de genre qu’il connaît déjà bien. Pour cela il s’entoure d’une équipe de choc avec Isabelle Huppert et Chloe Grace Moretz. Ce duo de femmes va à travers un jeu du chat et la souris, ou bien une relecture des contes traditionnels, nous plonger dans un enfer relationnel pervers et suffocant.
En effet, le cinéaste n’hésite pas à convoquer les mythologies du Petit Chaperon Rouge de par la traque mise en scène, Hansel et Gretel de par l’attraction irrépressible de la bâtisse de Greta ou bien encore une vision de Barbe-Bleu au féminin. Cette manière de nous replonger de manière inconsciente et innocente dans les contes de notre enfance permet au cinéaste d’avoir une totale emprise sur nous, de nous mettre dans la position fragile de l’enfant.
Le cinéaste irlandais ne se refuse rien dans Greta, il prend le spectateur par la main pour le mettre face aux affres de la solitude ainsi que de la démence. Il plante le cadre dans une grande ville américaine à la limite de la surpopulation où les habitants bien que dissimulés derrière leurs écrans et leurs relations d’un jour se retrouvent seuls, terriblement et irrémédiablement seuls. Une solitude ayant rapidement tendance à se transformer en perversion, démence.
On suit le parcours de deux femmes, le loup et l’agneau, où quand la malice s’attaque à la candeur. Le film se découpe en deux parties distinctes qui se trouvent être, tristement conventionnelles. Nous assistons ainsi à la traque puis à l’attaque de la bête sur sa proie. Néanmoins cette mise en forme académique de l’intrigue permet au cinéaste de pleinement tirer parti de ses interprètes qui avec un jeu d’acteur subtil et rageur portent le film à un niveau incroyablement intéressant.
Le réalisateur enterre assez rapidement la forme pour le fond : ses actrices. On y trouve une Isabelle Huppert que l’on avait pas vu en si grande forme depuis Elle de Paul Verhoeven. Elle interprète ce personnage avec une minutie à faire froid dans le dos et ne cesse de nous surprendre. Cette grande manipulatrice parviendrait même à nous faire croire à ses mensonges, ses manigances. Quant à Chloë Grace Moretz, elle parvient judicieusement à mener son rôle mais n’arrive pas un instant à la cheville de l’actrice française qui déploie tout son savoir faire en matière de prestations extrêmes.
En ce qui concerne l’approche horrifique, elle est tout simplement abasourdissante. Arrêtez d’aller voir le Conjuring universe ou encore les productions Blumhouse, Greta est un étalon en la matière. Le suspense et la terreur tiennent le spectateur de la première à la dernière scène. Tout a été pensé pour paralyser de terreur. Cela faisait d’ailleurs quelques années que nous n’avions pas ressenti une telle pression dans les salles obscures. Il s’agit d’une très grande réussite pour le cinéma de suspense et plus globalement le cinéma de genre.
Greta est un véritable manège émotionnel parvenant à effrayer, terrifier, tout comme émouvoir. Une oeuvre essentiellement portée par ses actrices et qui fera date chez les amateurs de frissons !
L’avis de Fabien
Neil Jordan, le réalisateur de The Crying Game et Entretien avec un vampire, est de retour au cinéma, après des années à travailler pour la TV (Les Borgias), avec un petit thriller féministe, Greta, porté par le duo Isabelle Huppert / Chloë Grace Moretz.
Greta est centré sur le duel psychologique puis physique entre Frances, la jeune femme altruiste et naïve jouée par Chloë Grace Moretz et Greta, une veuve solitaire qui se révèle être une « sorcière hongroise » interprétée par Isabelle Huppert. Des personnages de conte comme la demeure de Greta, maison de l’horreur, est un autre personnage principal, maléfique.
Si le premier tiers est intrigant le film s’essouffle assez vite en raison d’une intrigue prévisible et de grosses invraisemblances comme ses scènes involontairement comiques où Greta, dotée d’un super-pouvoir d’ubiquité, file le personnage de Frances dans tout New-York, comme dans un cartoon de Tex Avery. A défaut d’être originale, elle a prouvé par le passé à de nombreuses reprises qu’elle joue la folie remarquablement, la prestation d’Huppert est solide comme l’interprétation de Chloë Grace Moretz et Maika Monroe vue dans le remarquable It follows. Leurs personnages de femmes indépendantes s’y affrontent dans un monde où les hommes brillent par leur absence (petits-amis) ou leur incompétence (le détective privé). Dans son dernier tiers, en huis-clos, Greta recèle des plans bien composés, de bonnes idées comme la chambre de punition qui permettent de faire monter un peu la tension dramatique.
S’il ne fait pas frissonner, en raison d’abus d’effets visuels et sonores assez grossiers et d’un scénario sans surprises, ce petit thriller se laisse voir grâce à son beau trio d’actrices.
Test blu-ray
Ce blu-ray délivre une image riche en détails dans les extérieurs new-yorkais comme dans les intérieurs appartement, restaurants et maisons. Le piqué affûté donne de superbes gros plans sur les visages des actrices. Les contrastes sont précis et la palette chromatique joue la carte de la sobriété. La piste vo DTS-HD Master Audio 5.1 délivre quelques effets sonores intéressants et accorde une belle présence aux voix.
Ce disque blu-ray Metropolitan propose comme bonus un making-of express (4′) avec interview des 3 actrices et du réalisateur et 9 scènes coupées dispensables (7′).