Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, les années 60, les années 80 et le présent. L’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner.
Film en compétition au Festival de Cannes 2019
L’avis de Fabien
Trois ans après Julieta, le réalisateur madrilène revient en compétition avec Douleur et gloire, mélange de confession et de fiction où un réalisateur fatigué, dépressif, en panne d’inspiration (Antonio Banderas, double d’Almodóvar), se remémore son passé pour trouver un second souffle.
Salvador Mallo, cinéaste perdu, perclu de douleurs physiques (mal de dos, migraines) et maux psychiques (dépression) détaillées avec beaucoup d’humour dans une inattendue séquence animée, va devoir renouer avec son passé, des amours passées et remonter à la source de son premier désir pour retrouver l’inspiration et son cinéma. Avec une belle fluidité, sérénité, à l’image de cette rivière où la mère du réalisateur (rayonnante Penélope Cruz) lave son linge dans le premier flash-back du récit, Douleur et gloire navigue entre présent et passé, comédie et drame, spleen et espoir. Almodóvar parle de solitude (des livres et des peintures pour seuls amis), d’addictions (la drogue, la passion amoureuse), des douleurs physiques liées à l’âge, de panne artistique, sans pathos ni accents mélodramatiques, avec une sincérité brute sans faux-semblants et un apaisement exemplaire; l’émotion y affleure par petites touches impressionnistes.
La mise en scène d’Almodóvar n’a jamais été aussi maîtrisée, avec des rimes visuelles et des raccords splendides, une utilisation remarquable des couleurs comme ce rouge omniprésent, symbole de la passion, du désir, ce premier désir qui sera le nom du film tourné par le réalisateur à la fin de ce superbe portrait d’un artiste en crise interprété avec une grande subtilité par Antonio Banderas qui n’a jamais été meilleur que dans ce nouveau Almodóvar.
Hommage aux femmes qui l’ont élevé, son meilleur film depuis Volver, Douleur et gloire est également un vibrant hommage du réalisateur espagnol au cinéma, un art pour continuer à rêver, vivre mais aussi faire revivre les êtres chers disparus. On n’est pas prêt de l’oublier ce nouveau Almodóvar.