L’avis de Quentin
Depuis que la bibliographie de Stephen King a pris un bain de jouvence grâce à la nouvelle adaptation cinématographique de Ça, de nombreuses réalisations voulant mettre en scène l’univers de l’écrivain se sont bousculées au portillon pour réclamer leur part du magot. Nous avons ainsi eu le droit aux sorties successives de Jessie et 1922 qui n’ont pas su apporter l’horreur derrière l’écran.
Cependant cette période d’adaptations intenses de Stephen King n’est pas insolite, ni inattendue. Nous assistons chaque décennie à des périodes où les adaptations de King sont légions. Il est alors assez difficile de trier entre chef d’oeuvres et cinéma bis. Les grands moments des relectures cinématographiques de King ont vécu au travers de Shining de Stanley Kubrick, Christine de John Carpenter, La Ligne Verte de Franck Darabont, Coeurs Perdus En Atlantide de Scott Hicks, Misery de Rob Reiner ou encore Simetierre de Mary Lambert.
C’est sur ce dernier que nous allons revenir aujourd’hui et son remake réalisé par le duo Kevin Kölsch, Dennis Widmyer. Les deux réalisateurs ont su briller avec leur remarquable Starry Eyes, sorti il y a quelques années. Néanmoins parviendront-ils à se faire une place, une identité, suite à ce que nous avait proposé le Simetierre de 1989? Le long-métrage de Mary Lambert parvenait et parvient toujours à effrayer. Il renfermait une ambiance lourde où le drame, l’horreur pouvaient se permettre de jaillir d’une seconde à l’autre. Une interprétation occulte, revenant sur les fantômes des Etats-Unis, les croyances indiennes avec intelligence et pertinence dans un cinéma d’horreur saturé de références désormais cultes, en cette fin des années 80.
Aujourd’hui, nous sommes bien loin des standards qualitatifs du cinéma d’horreur des années 80. On ne cesse de proposer des remake et autres reprises de films jusqu’à ne plus rien trouver sur leurs carcasses. C’est dans cette période creuse, terne, croulant sous le Conjuring universe, que cette proposition de Simetierre pointe le bout de son nez.
La relecture du duo américain s’affranchit de son cousin des années 80 dès les premiers instants du film. Il joue avec les codes mis en place par le cinéma d’horreur moderne et parvient à parfaitement les maîtriser. Le sentiment d’oppression ne cesse de grandir et nous parvenons à ressentir pleinement l’appel de cette force amérindienne, l’appel d’une terre souillée, réclamant du sang pour prospérer. C’est dans ce cadre de souffrance rejetée, oubliée, que l’on posera la famille Creed.
Le travail autour des personnages est ici une des approches la moins intéressante de l’oeuvre. Les protagonistes sont très peu explorés, particulièrement les enfants de la famille sur lesquels repose une grande partie de l’intrigue. Là où nous pouvons timidement accepter le rôle de la fille Creed, interprété de manière convaincante par Jeté Laurence, il sera beaucoup plus complexe de tolérer le vide scénaristique autour du garçon de la famille, joué par Hugo Lavoie et Lucas Lavoie. On en vient parfois même à oublier que cette famille a un second enfant. Les parents, quant à eux, campés par Amy Seimetz et Jason Clarke, sont relativement réussis. Cependant, les raccourcis scénaristiques pour aborder la peur de la mort que connaît la mère de famille n’a pas grand intérêt de par sa mise en scène.
Cependant, le long-métrage est parvenu à dépasser ses personnages et nous offre une atmosphère parfaitement propice à l’effroi. On ressent la pression émanant de cette terre indienne abandonnée, maudite, ne cessant de réclamer des âmes, de la vie. La pression faite sur le spectateur est constante, continue et réjouissante.
L’ambiance est insufflée dès la première image du film avec ce plan survolant la forêt, nous rappelant qu’ici la nature reprend ses droits et que l’homme n’est qu’une bête parmi les autres. Une créature faible dépassée par une spiritualité abandonnée. Le plan d’ouverture rappellera les frissons apportés par l’introduction du Shining par Stanley Kubrick.
Tout est mis en place pour que le spectateur prenne peur sans trop user des mécaniques modernes. Nous aurons le droit à quelques jumpscare mais rien de trop forcé. Ici la caméra est dans l’implicite, elle nous prépare à être dévorés par l’angoisse et la terreur durant la moindre seconde.
Cependant, le cauchemar américain se perd durant ses dernière minutes en voulant devenir un film gore à la frontière du cinéma zombie. Un parti pris risqué qui fait perdre au film tout son travail atmosphérique et cela est bien dommage. Le film survole également quelques sous-textes qu’il aurait pu emprunter. Nous ne reviendrons que très sommairement sur l’histoire même de cette terre indienne au cours d’un très rapide échange afin de donner une raison à ces phénomènes paranormaux. Ensuite, l’histoire du voisin, Jud aurait très bien pu être mise en avant, avec la manière dont sa femme est décédée mais surtout comment cette terre maudite a-t-elle pu se nourrir de son chagrin durant ces dernières décennies. On passe même totalement à côté de l’histoire de la demeure ainsi que de ses précédents habitants.
En somme, Simetierre est un film d’horreur moderne qui a su échapper aux mécanismes de son époque sans pour autant parvenir à nous apporter un travail original, une approche nouvelle. Un divertissement agréable et réussi qui aurait gagné à plus travailler sur le matériau de base : l’oeuvre de Stephen King.
Technique
Tourné en numérique à l’aide de caméras Arri Alexa, ce remake de Simetierre bénéficie d’un blu-ray au piqué affûté, avec une riche colorimétrie et des contrastes saisissants. La piste anglaise en Dolby Atmos est d’une grande richesse avec de multiples ambiances caractéristiques d’un bon film d’horreur, la piste française en 5.1 Surround Dolby Digital étant de qualité un peu inférieure.
Bonus
Le disque blu-ray édité par Paramount propose tout d’abord un gros making-of chapitré (1h), Après l’assommoir : sont passés en revue la question de la nouvelle adaptation du livre de Stephen King, l’hommage au film de 1989 devenu un classique de l’horreur, le choix des décors (tournage à Montréal pour figurer le Maine cher au romancier et en studio pour le site funéraire) et des costumes, le travail des acteurs, du directeur de la photo et des deux réalisateurs Kevin Kölsch et Dennis Widmyer, fans du King et d’horror movie pour qui leur remake est « un film d’horreur sur la douleur et le deuil ».
Suivent 7 scènes coupées et versions longues (16′) qui développent la psychologie des 3 personnages principaux et surtout une fin alternative (9′), plus réussie que celle de la version cinéma.
Terreurs nocturnes (4′), 3 scènes inédites relatives aux cauchemars de Louis, Rachel, Ellie puis L’histoire de Timmy Baterman (3′), une scène inédite avec John Lithgow, complètent l’interactivité du blu-ray.