Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn – l’homme incassable – poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes…
L’avis de Manu
Après Incassable et Split, M.Night Shyamalan vient clore sa trilogie avec Glass, et comme souvent, Shyamalan, on aime ou pas. La presse US a rejeté le film en masse (36% sur Rottentomatoes… sic.) et au regard de ce chapitre final, on peut le comprendre, sans pour autant être d’accord. On se rappelle alors aux bons souvenirs de La Jeune fille de l’eau, film « ego trip » mais diablement bien écrit, loufoque et féérique, tout en proposant une auto-analyse de son travail de metteur en scène (écho à son égo…). Effectivement, au jeu du Shyamalan perché on s’y perd un peu entre narcissisme et génie créatif.
Glass, lui, est autre chose dans son fond, on joue ainsi des frontières et invite le spectateur à la danse réflective. On s’amuse, même le caméo de Shyamalan (dans presque tous ses films) est raccord avec sa présence passée dans Incassable (marrant), private joke, clin d’œil à sa trilogie en forme de jeu pour le spectateur, toujours, sinon, souvent au service de l’histoire. Et si Glass semble bavard il n’en n’est pas vide pour autant, en s’interrogeant sur les super-héros et notre rapport à ce nouveau genre cinématographique. Intéressant de voir d’ailleurs qu’à l’époque de la sortie du premier chapitre de la trilogie les vengeurs de l’espace et autres capés qui sauvent le monde n’avaient pas du tout de vitrine. Depuis, l’histoire (économique avant tout) et créative du 7ème art a bien changé et au lieu de prendre le train en marche Shyamalan fait la route de son côté avec une proposition, cohérente sur 20 ans, et reflet de notre société dans ce dernier chapitre. Il est alors amusant de voir à quel point il colle à notre époque (trop dans son twist final ? pas sûr, car très malin et à propos) tout en intégrant et se questionnant sur les règles du monde des super-héros. Si le concept peut sembler parfois fumeux, il est aussi fascinant dans sa mécanique scénaristique quand bien même on ne s’intéresse pas aux super pouvoirs et autres comics.
Ce petit malin réussi même à nous impressionner en nous faisant croire qu’il aurait pu penser et écrire sa trilogie en un seul tenant et ce depuis le début. Tout s’imbrique parfaitement et l’illusion d’un tout pensé comme un seul film dès le début fait écho (pas tout le temps le cas dans certaines pseudos trilogies).
Evidemment, la mise en scène renvoie à des élans hitchcockiens (comme depuis les débuts de Shyamalan dans 6th Sens) mais s’imprègne d’une vraie grammaire cinématographique, où on fait durer les plans et on soigne le découpage. A ce titre, la réalisation sublime de manière inconsciente le film et lui donne une vraie hauteur cinématographique. Shyamalan est bien là. Glass confirme donc le retour du réalisateur, certes dans sa gamme, mais avec une partition tenue de la sorte et jouée jusqu’à sa dernière note, il monte crescendo pour accéder à son habituel twist qui ici s’inscrit plus comme un climax fort, qui boucle une trilogie éclectique par son fond et unifiée par sa forme. C’est brillant, peut-être un peu brumeux pour certains, mais sa proposition détonne et fait un bien fou dans les films à gros budgets.