L’avis de Quentin :
Oslo ….
Utoya ….
Dans ces deux villes, il y a sept ans, eu lieu le plus important attentat sur le sol norvégien depuis la seconde guerre mondiale.
Un jeune extrémiste issu de la droite alternative du pays se lançait seul dans la planification et la réalisation du massacre de soixante-dix-sept personnes.
Sept ans plus tard, le septième art décide de rendre deux hommages aux victimes.
Le premier est la réalisation de l’américain Paul Greengrass (La mémoire dans la peau, Green Zone), Un 22 juillet, le second est l’œuvre du norvégien Erik Poppe ( Hawaii Oslo, L’épreuve), Utoya, 22 juillet.
Dans le cadre de cette critique, nous nous intéresserons au film de Greengrass produit par Netflix.
Une question peut alors nous tarauder, Greengrass en tant que réalisateur de blockbusters, est-il légitime pour raconter les mécanismes de la société norvégienne, et éviter de tomber dans le panneau du sensationnel au détriment du réalisme ?
Un 22 juillet se constitue en deux parties distinctes.
Dans un premier temps, l’organisation et l’exécution de l’attentat d’un certain Anders Breivik.
Dans un second temps, le long-métrage gravitera autour de plusieurs acteurs et des répercussions qu’aura l’attentat sur leur vie. Nous découvrirons alors le quotidien d’une famille dont l’un des enfants aura été grièvement blessé à Utoya, les réunions du comité de soutien aux familles des victimes ou encore bien les décisions du premier ministre prises en cas d’état d’urgence.
C’est par cette diversité de protagonistes que le film s’applique à nous donner à la fois une reconstitution honnête, réelle et détaillée. Greengrass nous rassure dès les premiers plans en nous offrant une réalisation et une mise en scène froide, réussissant à donner au film l’atmosphère d’une production scandinave.
Le film parvient avec brio à s’approprier les mécanismes de fonctionnement de la société norvégienne, qu’il s’agisse à la fois de rouages institutionnels tout comme familiaux. C’est d’ailleurs sur cet aspect que la production Netflix prend son envol mettant en parallèle l’avancement judiciaire de l’affaire Breivik avec la convalescence, les doutes, les difficultés à retrouver une vie normale après avoir vécu un tel traumatisme.
A travers ce travail bipolarisé, on se retrouve face à une société norvégienne qui n’était pas prête à de telles atrocités. On assiste à une population démunie face à cette attaque interne du pays là où les locaux, les indigènes s’en prennent à leurs pairs.
Le film pose également la question du retour à la normalité après de telles expériences de vie. Comment retrouver le cocon familial alors qu’il n’y a plus aucune base stable pour reconstruire ? Cette question revient régulièrement dans le cinéma scandinave mais n’avait jamais pour l’instant concerné la thématique des attentats. Il y avait eu l’abandon familial face à la mort (Snow Therapy), la révélation de secrets de famille (Festen) ou encore le rejet de la communauté (La Chasse).
Cette fois-ci il y a la question de la restructuration de la cellule familiale. Comment faut-il se positionner, en tant que parent, lorsqu’un de ses enfants est grièvement blessé sans délaisser l’autre enfant de la fratrie.
Les rapports internes à la famille sont ici redoutablement exploités et donne lieu à certaines scènes époustouflantes tant dans la mise en scène que dans le jeu d’acteur.
Le film interroge aussi sur l’attachement à la nation, les différentes manières de protéger et de faire avancer un état. Là où la Norvège se pensait être unie et ouverte au multiculturalisme, il y avait d’autres groupuscules politiques, tendant à retourner à une nation passée, sur le motif de la race et de la culture unique.
Les acteurs choisis l’ont été de manière très réussie et parviennent à délivrer une palette émotionnelle variée et saisissante.
De plus, sur le plan formel, Greengrass a réussi à apporter à l’œuvre une certaine stabilité avec des mouvements de caméra adapté à l’ambiance du film. Cela pouvait alors être un des facteurs redouté du long-métrage avec un réalisateur habitué aux grosses productions d’action américaines. Le film est proposé comme la quasi intégralité des productions Netflix en Ultra HD 4K, ce qui offre au film une très grande profondeur d’image, un détail des visages minutieux ainsi que des espaces naturels d’une beauté redoutable.
En ce qui concerne, la mise en son, elle est criante de vérité, de réalisme. Le spectateur, est témoin de ce triste spectacle. Il ne peut pas décoller son attention de l’écran. Néanmoins, le film pêche par un détail : aucune trace d’une version originale norvégienne. Le film ayant été réalisé entièrement en anglais. Ce facteur n’aurait pas été de trop face à une œuvre voulant plonger son spectateur dans une expérience immersive de la société norvégienne.
Un 22 juillet est une petite réussite, qui aura su creuser juste sur une affaire difficile, marquant l’histoire entière d’un pays. Un film saisissant qui en questionnera plus d’un sur les mécanismes étatiques, les liens familiaux ou encore l’attachement national.
En la sortie du film de Erik Poppe, Utoya, 22 juillet, qui sortira dans les salles obscures françaises en décembre 2018. Ce film se concentrera, quant à lui, essentiellement sur Utoya durant l’attentat d’Anders Breivik. Vous pouvez cependant dès à présent trouver la critique Cinéalliance de ce film à l’adresse suivante : Utoya 22 juillet.
Ce binôme cinématographique permettra aux spectateurs du monde entier de saisir réellement et complètement la problématique des attentats d’Oslo et Utoya.