Cela fait maintenant trois ans que les dinosaures se sont échappés de leurs enclos et ont détruit le parc à thème et complexe de luxe Jurassic World. Isla Nublar a été abandonnée par les humains alors que les dinosaures survivants sont livrés à eux-mêmes dans la jungle. Lorsque le volcan inactif de l’île commence à rugir, Owen et Claire s’organisent pour sauver les dinosaures restants de l’extinction. Owen se fait un devoir de retrouver Blue, son principal raptor qui a disparu dans la nature, alors que Claire, qui a maintenant un véritable respect pour ces créatures, s’en fait une mission. Arrivant sur l’île instable alors que la lave commence à pleuvoir, leur expédition découvre une conspiration qui pourrait ramener toute notre planète à un ordre périlleux jamais vu depuis la préhistoire.
L’avis de Manu :
J.A Bayona rentre dans la cours des (grands ?) réalisateurs demandés par Hollywood pour leur grammaire cinématographique clairement marquée par le statut d’auteur. Après L’orphelinat, The Impossible et le magnifique et récent Quelques minutes après minuit, le réalisateur espagnol tente d’imprégner (pression des studios inclus) sa patte sur ce blockbuster.
Si l’histoire écrite à quatre mains par Derek Connolly et Colin Trevorrow (réalisateur du précédent opus, prod exécutif ici, aïe!) souffre parfois d’un manque d’ambition et de cohérence, la mise en scène de J.A. Bayona tente de sortir le meilleur de ce spectacle. On passera d’entrée sur certaines incohérences, détails mêmes, mais qui rendent certaines séquences risibles, par exemple la puissance des dinosaures jamais retranscrite avec logique, le tout numérique permettant tout et n’importe quoi dans la mise en scène de scènes d’action, du plus ou moins logique dans une dynamique exagérée. Les masses ne sont jamais filmées pour qu’on y croit, ce qui dénature l’intérêt et la crédibilité de certaines scènes. Passé cet argument assez problématique, Jurassic World : Fallen Kingdom garde tout de même les belles intentions que J.A. Bayona a voulu insuffler au film.
La noirceur et la dureté réaliste qui ont fait la qualité des précédents films du réalisateur sont bien présentes, tout comme le tutoiement régulier qu’il tente de porter à l’enfance, écho de ce que Spielberg avait introduit dans la franchise. Il tente alors de mixer le neuf et le vieux (fan service oblige), séquences humoristiques et noires qui donne au film un certain ADN original qui finit par séduire après coup. Jurassic World : Fallen Kingdom acquiert pour le coup un certain charme une fois sorti de la salle, charme qu’on ne sentait pas forcément pendant le film. Sous l’ambivalence de tenter d’imposer sa patte comme de contenter les producteurs exécutifs, J.A Bayona livre un épisode transgenre entre séquences purement dingues dans les idées comme dans la mise en scène et d’autres un peu foutraques presque guignolesques. Un certain patchwork qui au final fonctionne dans sa maîtrise totale de surprendre le spectateur par le rythme imposé.
Sorte de rollercoster ou rien ne semble s’arrêter et où on retrouve des bribes d’un certain cinéma spectacle proche de ce qu’on pouvait découvrir dans les films du même genre dans les années 80, dénotent les scènes d’expositions, d’introduction très intéressantes. Pour le reste, sur une fin qui le confirme, dommage que cet épisode ne soit que celui d’une transition vers le suivant, en ça Jurassic World : Fallen Kingdom en perd un peu de son âme.
L’avis de Quentin :
3 ans après le succès planétaire de Jurassic World par Colin Trevorrow, tous les regards se tournaient vers sa suite, connue, désormais, sous le nom de Jurassic World : The Fallen Kingdom. Beaucoup d’interrogations, d’inquiétudes se sont dressées pour un des plus gros succès box office de ces dix dernières années n’appartenant pas à l’écurie Disney.
Tout d’abord de nombreuses questions se sont posées quant au choix du réalisateur. Les studios Universal et le producteur exécutif, Steven Spielberg allaient-ils renouveler la formule Trevorrow ou bien iront-ils chercher un cinéaste pouvant offrir de nouveaux horizons, de nouvelles perspectives ?
La réponse ne s’est pas faite longtemps attendre dévoilant ainsi comme futur réalisateur : J. A. Bayona. Le réalisateur était entré par la grande porte il y a quelques années de cela avec l’ambitieux L’orphelinat, sous la coupe d’un producteur et réalisateur aujourd’hui adulé : Guillermo Del Toro. De plus, Bayona ne s’est pas arrêté à cet unique coup de maître. Il a su nous proposer l’an dernier le fantastique et émouvant Quelques minutes après minuit. A travers ces deux œuvres, Bayona a su montrer qu’il pouvait être maître et concepteur d’univers singuliers, de mythologies nouvelles.
On pouvait donc se demander comment allait-il parvenir à la fois à introduire son univers, ambiance si spécifique au cœur de la licence de Spielberg, mais également comment en tant que réalisateur, aux mises en scènes gothiques, parviendrait-il à se mesurer au cinéma de monstres ? Quel virage prendra la série pour cette nouvelle trilogie ? La question perturbait grand nombre de fans se rappelant des suites de la première trilogie. Enfin de quelle manière Jurassic World The Fallen Kingdom arrivera-t-il à réunir les aficionados de la première heure et la nouvelle génération Jurassic World en tant que premier film de la saga ?
Dans un premier temps, rassurez-vous, amateurs de dinosaures, vous n’en aurez jamais autant vu dans un seul et même film. Bayona a ainsi réussi à mettre ces créatures d’un autre temps au premier plan et cela bien avant les acteurs principaux eux-mêmes, ces derniers remplissant presque la tâche de personnages secondaires.
Le réalisateur avait d’ailleurs beaucoup communiqué sur cet aspect au point de proposer une affiche promotionnelle uniquement constituée par des dinosaures comme protagonistes. De surcroit, ce n’est pas seulement la multitude de dinosaures proposés qui est impressionnante mais également leur diversité. Nous ne nous arrêterons pas seulement cette fois au quatuor gagnant Diplodocus, Tricératops, Vélociraptor et Tyrannosaure. Le film nous propose d’élargir le champ des possibilités en y insérant de réelles nouveautés avec des espèces telles que le Carnotaure, l’Allosaure ou encore le Stygimoloch. Cependant Bayona ne s’arrête pas à cette diversité d’espèces mais explore même les variantes entre dinosaures de même famille avec par exemple le tricératops et le Sinoceratops ou bien même avec l’Apatosaurus et le Brachiosaurus. Au demeurant, le film reprend la proposition de son prédécesseur, en suivant les pas de dinosaures génétiquement modifiés, en apportant une nouvelle espèce à sa collection l’Indoraptor.
Ces nouvelles créatures dressent alors un véritable questionnement éthique sur les expériences en laboratoire, sur les limites de l’humanité, mais également sur le parallèle que se fait l’homme de sa propre image en tant que créateur divin. C’est alors sur cette approche que le film remplit le pari judicieux de nous interroger sur de véritables questions d’actualités.
Dans le premier Jurassic World, la question gravitait autour des parcs animaliers, de la légitimité que l’homme peut avoir à enfermer d’autres espèces sous couvert de différence ainsi que la monétisation, rentabilité des espèces. La question de l’éthique sur les expériences en laboratoire était également abordée mais restait encore trop en surface. Désormais Fallen Kingdom, nous propose de nouvelles approches, de nouvelles problématiques, relatives au clonage, à la maltraitance animale, au commerce d’animaux, à la recherche constante d’armement. Toutes ces questions sont amenées de manière particulièrement habile et justifiée.
Jurassic World : The Fallen Kingdom est également l’opus le effrayant de la saga depuis Jurassic Park premier du nom. Cela n’est en cela pas un hasard avec Bayona aux commandes nous offrant quelques véritables scènes de terreurs mais également des clins d’oeils au cinéma d’horreur de manière plus générale. L’Indoraptor représentant bien plus qu’un dinosaure, il s’agit du croquemitaine en personne et il est bien décidé à vous traquer par tous les moyens.
La caméra du réalisateur est également très audacieuse. On assiste à une véritable refonte architecturale dans la manière de filmer les bêtes, les hommes, les créatures, l’inconnu. Bayona n’hésite pas à piocher certains plans dans le catalogue de films de monstres Universal des années 30, tout en mettant en avant des propositions nouvelles de mise en scène pour la saga.
Ce nouvel épisode est en cela l’opus de la transition architecturale pour la saga. On y retrouve de nombreuses références aux anciens films, afin de justifier une base stable et sereine à l’avenir de la saga mais également de nouvelles racines tendant vers un univers encore trop peu explorer qu’est la rencontre entre l’homme et le dinosaure en terres « civilisées », humaines.
Cependant, malgré toutes ces propositions, ces possibilités, le film souffre de difficultés scénaristiques, faute de vouloir trop en faire, le film perd parfois en crédibilité ainsi qu’en logique de manière relative aux décisions prises par les différents protagonistes. Nous ne comprenons pas toujours leurs choix, leurs décisions. De plus, le fantôme de Jurassic Park : Le Monde Perdu plane autour du film sur la ligne narrative étant très similaire à quelques nuances près que sont la conclusion du film et la présence de dinosaures génétiquement modifiées. Enfin le fait d’apporter une fin ouverte ne pouvant être complétée que par un troisième épisode fait entrer le film dans cette spirale de nouvelles réalisations ne sachant se suffire d’elles-mêmes et voulant mêler le format série et cinéma. Cette approche étant de plus en plus dangereuse dénigrant ainsi des productions entières, les faisant passer, pour de simples transitions obligatoires et non pas de film en soit.
En cela, Jurassic World : Fallen Kingdom perd en efficacité dû à une scénarisation parfois trop légère se faisant néanmoins pardonner par une mise en scène nerveuse et radicale. Bayona parvient à faire entrer définitivement la saga dans l’ère de la modernité. Il ne nous reste plus qu’à espérer que l’attente ne soit pas trop longue pour le troisième volet de la saga…
Technique
Universal Pictures nous propose un blu-ray monstrueux sur le plan technique avec une définition au top pour les plans sur les humains comme les dinosaures, une lisibilité pointue pour les scènes diurnes, nocturnes mais aussi aquatiques. En terme sonore c’est aussi grandiose avec une VO DTS : X tonitruante : festival de basses puissantes et d’environnements très travaillés sur les différents canaux. L’incroyable sound design de chaque dinosaure et les différents effets sans oublier la musique enlevé de Michael Giacchino offrent une expérience acoustique mémorable.
Bonus
Cette édition blu-ray steelbook propose comme suppléments de nombreux modules plutôt sympathiques où est marquante la bonne humeur sur le set ambiancé par Chris Pratt : visite sur le plateau avec Chris Pratt et Bryce Dallas Howard (3′); making-of chapitré (40′) où sont passés au crible l’évolution de la franchise, le tournage à Hawaï et dans les studios anglais de Pinewood, la scène de l’Indoraptor dans la chambre d’enfant pour laquelle Bayona s’est inspiré du Dracula de John Badham, le mélange bluffant d’animatronique et de numérique pour la création du raptor Blue ou de l’iconique T-Rex, le retour de Ian Malcom; discussion en toute décontraction entre les acteurs, le réalisateur Juan Antonio Bayona et le producteur Colin Trevorrow (10′) sans oublier les journaux de Chris Pratt (12′).