Après avoir su capter l’attention des joueurs lors de son annonce l’an dernier, A Way Out est enfin disponible. L’occasion de se plonger dans cette histoire d’évasion jouable uniquement en coopération avec un ami. Prêt à vous faire la malle ?
A l’heure où bon nombre de licences abandonnent le multijoueur local et l’écran splitté, voir débarquer un jeu misant l’intégralité de son concept sur cet aspect avait de quoi surprendre. Prise de risque, mais aussi véritable déclaration d’amour des créateurs à une époque aujourd’hui oubliée des plus jeunes, où les jeux vidéo multijoueurs ne s’envisageaient pas autrement que réunis dans la même pièce entre amis. En ce sens, A Way Out devrait rappeler des souvenirs aux joueurs ayant grandi avec les consoles démunies de mode online, même si le titre se permet évidemment de tordre un peu le concept pour rameuter davantage de joueurs à sa cause. Ainsi, si le mode local est évidemment présent, il reste possible de jouer en ligne avec un ami, même si ce dernier ne possède pas le jeu. Sachant que quel que soit le mode choisi, l’écran splitté demeure présent, obligeant les joueurs à un réel travail d’organisation et surtout un dialogue constant, en direct ou par casques interposés.
C’est d’ailleurs l’importance accordée au travail d’équipe qui permet à A Way Out de remporter une certaine adhésion malgré ses défauts. En effet, que ce soit en local ou en online, le dialogue avec votre équipier est au centre de votre expérience, et vous êtes au centre de la sienne. C’est à travers votre capacité mutuelle à vous organiser, et surtout à vous mettre d’accord, que l’intrigue progresse et que le gameplay dévoile ses multiples facettes tout au long des huit heures qu’il vous faudra pour boucler l’aventure et admirer l’une des deux fins du jeu. En ce sens, A Way Out réussit son pari tant son influence va au-delà de ses personnages, permettant de tisser et/ou solidifier les liens entre les deux joueurs (ou, qui sait, de ruiner une amitié). Un aspect qui nous renverrait presque aux fleurons du multijoueurs tels MarioKart (combien d’amitiés sont nées sur une simple attente avant un lancer d’éclair ou ont été brisées sur une carapace bleue ?). Si l’on reste ici loin du fleuron de Nintendo, inutile de dire que le/la partenaire qui vous accompagnera dans A Way Out revêtira une grande importance qui conditionnera l’ensemble de l’aventure.
De l’aventure, parlons-en. Pour mémoire, A Way Out suit les personnages de Vincent et Leo, deux taulards cherchant à s’évader de prison. Si les premières annonces laissaient augurer d’un titre mettant l’univers carcéral à l’honneur, autant vous décevoir tout de suite : A Way Out est un peu chiche à ce niveau, la prison représentant tout juste le premier tiers du jeu, le reste étant dédié à divers aspects comme la fuite, la rencontre avec la famille des héros et leurs objectifs tant respectifs que mutuels. Nous éviterons de spoiler davantage, mais en tout cas, difficile de ne pas être un brin déçu vis-à-vis de la partie « prison ». D’autant que cette dernière est finalement assez bâclée, ne s’attardant jamais sur ses aspects les plus intéressants. Alors oui, on décèle ici et là la présence des gangs, de la contrebande ou de la corruption des matons, mais à aucun moment cela n’est développé. Ne vous attendez donc pas à une ambiance sombre façon Oz, ni à devoir échafauder un plan complexe façon Michael Scofield tant l’évasion de A Way Out se résumerait presque à chaparder un outil, se planquer dans du linge sale et grimper un mur façon Kuzco l’Empereur Mégalo. Cela n’enlève rien au plaisir de l’évasion, mais il faut bien reconnaitre qu’on est finalement plus proche de celle de Tango & Cash que de Prison Break, et plus proche du gameplay dirigiste d’un Heavy Rain que d’une liberté d’action façon The Witcher.
Heureusement, à l’extérieur des murs, les situations gagnent en variété, mais sont quasiment toujours contrebalancées par des défauts divers, à commencer par une mise en scène et un gameplay alternant constamment entre le sympathique et le décevant. Pour imager : ici, une jolie séquence de poursuite/combat à pied empruntant autant à Old Boy qu’à Bad Boys 2. Là, des phases de conduite en voiture/moto à la physique improbable qui feraient passer The Crew ou Watch Dogs pour des fleurons de la simulation… Ici, une amusante séquence de chute libre renvoyant directement à Point Break. Là, des phases de tir franchement bâclées… Le tout enrobé d’une écriture qui cumule tant les incohérences et invraisemblances qu’on se demande si le côté nanar qui s’en dégage par moments n’est pas totalement assumé. C’est ça ou alors le Mexique est soudain devenu un pays plus petit que le Vatican et les rivières sont désormais situées dans un monde parallèle à l’abri des balles. Des éléments à mettre au crédit du côté nanar du jeu – on ne citait pas Tango & Cash par hasard – et qui, à défaut de maintenir la crédibilité et la tension de l’intrigue, devrait facilement vous décrocher quelques sourires. Difficile de savoir si c’était là le but premier, mais en tout cas, ça fonctionne. D’autant que cet aspect est renforcé par des références cinématographiques et vidéoludiques à la pelle, depuis un remake de Pong avec une grenade jusqu’à des séquences empruntant énormément à la saga Uncharted, en passant par un méchant sorti tout droit de Scarface.
Vous l’aurez compris, A Way Out est un jeu assez bancal. Toutefois, n’allez pas croire que les défauts l’emportent sur le titre de Hazelight Studios. Au contraire. Visuellement déjà, sans être une vitrine technique, l’ensemble du jeu est agréable à l’œil, bien aidé par une esthétique et un univers empruntant beaucoup aux films des années 70-80. On se surprendra même parfois à s’arrêter pour simplement observer le paysage. De même, si leurs animations sont un peu rigides, les performances des comédiens principaux sont plutôt réussies et soulignent bien leurs caractères opposés jusque dans le gameplay (vous devrez parfois choisir entre les méthodes de Vincent et Leo, ou la méthode douce et la méthode forte). Quant aux variétés de gameplay dont nous parlions plus haut, quand bien même elles ratent parfois le coche, il convient tout de même de saluer la volonté du studio de proposer une expérience sans cesse renouvelée.
A Way Out nourrissait beaucoup d’espoirs depuis son annonce et avait dans sa manche beaucoup d’atouts. Malheureusement, le titre de Hazelight Studios, peut-être trop ambitieux, est finalement très bancal, autant dans son écriture que son gameplay ou sa mise en scène. Il parvient toutefois à offrir une agréable expérience grâce à quelques moments touchants, de sympathiques influences cinématographiques secondées par un côté nanar amusant, et surtout grâce à la coopération au centre du titre. En nous renvoyant directement à une époque où le online n’avait pas encore pris le pas sur le plaisir de se réunir autour de la même console, A Way Out remporte l’adhésion en rejoignant le rang de ces jeux dont, malgré leurs imperfections, on reparle avec amusement et nostalgie des années plus tard avec celui/celle avec qui l’on aura partagé l’aventure.