Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.
L’avis de Manu
Avec le trop méconnu Bon baisers de Bruges, Martin McDonagh avait fait son petit (sinon grand effet) suivi du brouillon et foutraque 7 Psychopathes qui mélangeait trop les genres.
Peu importe, le charme de son premier long-métrage, le pitch et le casting de 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance amenait à une certaine curiosité, auréolée des avis public et presse Outre-Atlantique. Son succès aux derniers Golden Globes ne faisant que confirmer tout ça.
On peut tout de suite admettre la réussite indéniable de ce premier grand film de 2018. Réussite proche des grands films mélodramatiques populaires des années 80 où un scénario béton évoluait au son de dialogues parfaits. Et c’est bien sur ce point que 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance tire sa force majeure. Cela fait bien longtemps que la rencontre d’un script et de tels dialogues n’avaient pas eu lieu au cinéma. Chaque réplique semble être écrite avec une attention majeure, une intelligence et une brillance fulgurantes. Le traitement singulier qu’apporte Martin McDonagh (scénariste et réalisateur du film) est remarquable, jonglant constamment entre tragédie et humour noir, sans jamais rendre ses personnages caricaturaux et surtout en apportant constamment un équilibre entre chacun des protagonistes de l’histoire sans en favoriser certains plus que d’autres. C’est donc à travers sa qualité d’écriture, comme de metteur en scène, qu’il dirige ce film choral, drame humain tout en lui permettant à travers une histoire sans temps mort de parler tolérance, du vivre ensemble et du pardon dans une Amérique raciste. Et si tout semble respirer l’Amérique profonde tendance americana (superbe score de Carter Burwell et autres titres en ajouts) Martin McDonagh évite et surpasse le piège des clichés que son sujet pouvait laisser présager.
D’une virtuosité remarquable, 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance prend le spectateur de la première à la dernière image, et emmène ses personnages encore une fois là où on ne les attend pas ; réactions, résonances entre chacun d’eux, tout est étonnamment surprenant et réaliste à la fois. Là où certains verront un simili de cinéma des frères Coen, McDonagh échappe justement à ça par sa grammaire cinématographique et le ton employé pour définir un cinéma qui lui est propre. Violent et doux à la fois, drôle et profondément dramatique, 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance, est un peu de tout ça, pluriel comme cette petite ville US qu’il tente de faire vivre où chaque personnage serait une métaphore d’un problème social actuel aux Etats-Unis. C’est fort, brillant, original et superbement interprété. A ce titre saluons la prestation magistrale de Frances McDormand en tête, Woody Harrelson et Sam Rockwell qui brillent tous dans leur registre, tant il est bien difficile de ne pas saluer l’ensemble du casting.
McDonagh franchit un cap réel avec ce film et on espère que sa fréquence de réalisation passera vite en-dessous des 4 ans comme précédemment. En outre, on prend les paris qu’un minium de deux statuettes dorées sera délivré dans un mois (meilleure actrice et meilleure scénario) et une troisième serait bienvenue pour Sam Rockwell.
Première surprise de l’année, de haute volée, 3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance qui en plus de s’afficher comme le film du moment, procure à nouveau ces sensations cinématographiques qu’on ressent de plus en plus rarement, celles qui touchent, font réfléchir et ce à travers un discours loin d’être manichéen où émerge un film subtilement touchant.
Test blu-ray
Technique
Ce blu-ray délivre une image remarquable, très détaillée, avec des contrastes solides et une belle colorimétrie. La piste VO, plus riche en ambiances et bruitages que la VF, est à recommander.
Bonus
Cette belle édition blu-ray Fox propose tout d’abord 5 bonnes scènes coupées (7′) où Dixon, interprété par le trop rare Sam Rockwell, est mis en avant.
Suit un bon making-of « Crucifiez-les : la création de 3billboards » (30′) : sont détaillés l’écriture (un ton singulier, mélange d’humour noir, mordant et de désespoir, tristesse profonds), les comédiens (entre autres talents les géniaux Frances McDormand et Sam Rockwell tous 2 récompensés aux Oscars), les décors, la photographie, le tournage d’un plan séquence.
Enfin l’éditeur a une eu la bonne idée d’ajouter un très bon court-métrage de Martin McDonagh, Six coups (27′), Oscar du meilleur court métrage en 2006 avec Brendan Gleeson que le réalisateur retrouvera 2 ans après pour In Bruges.