Un meurtre se produit au cours du concert d’un groupe punk donné dans l’Oregon. Cet événement oblige les artistes à rester sur place, assiégés par une bande de skinheads prêts à tout pour éliminer tout témoin gênant.
Avis de Quentin
Mai 2015, Green Room de Jeremy Saulnier est sélectionné au sein du programme de la Quinzaine des réalisateurs. Ce n’est pas la première fois que le jeune homme se fait remarquer au sein de la Quinzaine. Il avait déjà sévi en 2013 avec le sublime thriller qu’est Blue Ruin.
C’est ainsi qu’à la différence d’un Blue Ruin, le film ne se déroule non pas en monde ouvert mais bel et bien en huit clos. Nous nous éloignons alors du thriller ultra violent qu’était Blue Ruin pour se diriger vers un cinéma de genre à mi chemin entre le cinéma gore, le survival et le teen movie.
L’histoire prend place dans un univers underground qu’est celui du milieu punk. L’histoire étant alors la découverte par un jeune groupe punk (anti fasciste) d’un assassinat brutal au sein d’une salle de concert tenu par des néo nazis. Ces derniers vont alors essayer de dissimuler toutes les preuves mais également les témoins étant dans le cas présent ce jeune groupe de punk.
Le film aborde alors une thématique assez peu emprunté par le cinéma actuel . Tout d’abord le fait que le film prenne place au sein du milieu punk hardcore/ metal est presque une situation inédite ! La bande son s’en ressentira alors et quel plaisir d’entendre du Dead Kennedy’s, Slayer ou encore du Jello Biafra dans un long métrage. Cette bande son servant également à merveille l’ambiance et le cadre du film.
L’ambiance du film est ainsi étouffante, on se retrouve dans cette salle de concert jonchée de tags et autres drapeaux étant en faveur du nazisme et toutes autres formes d’extrémisme raciste. Le film est ainsi plongé dans ce milieu musical underground avec des groupes tous plus lourd et violent les uns que les autres qu’il s’agisse de simples apparitions de logo de Nile, Obituary, Toxic Holocaust ou encore Dilinger Escape Plan ou alors même de chansons complètes comme avec War Ensemble de Slayer lors de la découverte de l’assassinat dont les paroles du refrain scande ce qui va alors se passer durant le film :
The final swing is not a drill
It’s how many people I can kill
Venons en à nos nazis. Ces derniers se disent ouvertement n’appartenir à aucun parti mais à un mouvement directement hérité du 3° Reich. Ils ont alors comme toutes organisations une hiérarchie très stricte. On verra à leur tête un certain Patrick Stewart (connu pour son rôle dans X-men), qui commande ses « légions » du noms des lacets rouges (tout comme les ss dans l’Allemagne nazie) et les membres devant faire leurs preuves.
Le film va alors prendre forme autour de cette traque acharnée. Comme le dit l’expression » La fin justifie les moyens « .
Les scènes gore font alors leur entrée avec un plateau pour le moins bien fourni. Jeremy Saulnier donne ici libre court à ses pulsions de cinéaste.
Le film malgré la présence de scènes gores ne vire jamais dans le vulgaire et c’est en ce point qu’il se distingue de ses congénères comme I spit on your grave ou encore La dernière Maison sur la gauche. Le film contient de façon continue des scènes comiques permettant à la fois de profiter de ce jeu de massacre et de jubiler face à des situations inattendues.
Jeremy Saulnier ne va ici pas révolutionner les codes du genre mais se les attribuer afin d’en faire ressortir la quintessence du genre. Green Room serait ainsi une sorte de réincarnation de Eden Lake mené de manière beaucoup plus aboutie. Cette rencontre du cinéma d’horreur face au cinéma indépendant nous offre une véritable petite bombe qui avec un doigt d’originalité en plus serait devenu un véritable bijou.
Cependant ne boudons pas notre plaisir face à un film qui risque de marquer toute une génération de cinéphiles !
Comme l’aura indiqué le réalisateur au cours de la séance : » There is no message ! This is an experience ! »
Avis de Manu
Avec Blue Ruin Jérémy Saulnier s’était octroyé une solide réputation; le film, aussi simple qu’efficace, démontrait déjà le talent du jeune réalisateur dont la grammaire cinématographique semblait s’affirmer comme originale et personnelle. Il était donc attendu avec son film suivant et ce Green Room s’avère d’une percussion indéniable. C’est simple, le thriller horrifique reprend des lettres nobles avec ce film.
Jérémy Saulnier déjoue les codes, assène coup sur coup, surprise après surprise. A force de trop respecter un genre on peut flirter avec les stéréotypes, Saulnier lui préfère détourner les codes et appliquer une mise en scène coup de poing. Par exemple là où un plan classique viendrait conclure une séquence, lui préfère monter son film autrement, quitte à éclipser un plan conventionnel qu’on attendait forcément. Le travail sur le hors-champ est impressionnant, tant au niveau du son que de l’image, et cette marque de fabrique le réalisateur l’applique à l’ensemble de son film. Dans les mouvements de ses personnages, dans la logique (si il y en a une) des avancées de l’intrigue, Saulnier démonte et remonte tout, c’est malin, plutôt bien vu et donne à son film une réelle identité. Mêler à tout ça, un univers poisseux, une ambiance punk néo-nazi installe définitivement son film dans la cours des réalisateurs confirmés, voire des grands. Encore plus malin, le gore tutoie ici la part humaine des deux camps, et de manière habile porte un regard critique et habile sur la légion de personnage qu’il filme.
Patrick Stewart en chef de file, leader de cette « famille », s’avère indéniablement comme un acteur magnétique et la direction d’acteur de Jérémy Saulnier vient suppléer tout ça sur l’ensemble d’un casting où personne ne tombe dans la facilité des clichés de personnages ordinaires jetés dans des situations extraordinaires (une habitude chez le réalisateur).
La maîtrise de l’espace et des lieux filmés est également à mettre au tableau de la réussite de Saulnier quand ce dernier parvient par d’astucieux allers et retours dans les différents lieux, intérieurs et extérieurs, à mettre tout la malice à l’élaboration de son histoire qui d’un rien verse dans la folie douce.
Le film est dur, sans détour, rugueux et sale. Sa violence graphique n’est alors pas déversée comme un torrent gratuit de gore sans calcul mais parsemée de manière habile à chaque instant important du film lui apportant un réalisme certain. Le cocktail nécessaire à l’explosion de son histoire qui convoque les survival crasseux des années 70, ou comment se réapproprier un cinéma et s’inscrire de manière personnelle dans ce dernier.
A une époque où le cinéma indépendant peine à garder le cap dans une industrie où l’ogre financier gangrène souvent les studios, des réalisateurs comme Jérémy Saulnier fait figure de résistant. Voire de metteur en scène à suivre aveuglément, pour autant il faut apprécier le genre, qui pour le coup, prend un sacré coup de jeune ici.