A la mort de sa mère, la jeune Mary Yellard part en Cornouailles retrouver la seule famille qui lui reste : sa tante Patience et son mari Joss. Ce dernier est le tenancier de la taverne de la Jamaïque, un lieu à la réputation des plus sordides, repaire des brigands du coin. Le soir de son arrivée, Mary sauve la vie d’un des malfrats, Jem Trehearne, accusé d’avoir volé une part de leur dernier butin. Tous deux parviennent à s’échapper de la taverne et trouvent refuge chez l’excentrique juge Pengallan. Mais ils ignorent que ce dernier est en réalité le chef des bandits, à la tête de toutes les opérations de pillage…
Avis de Fabien
Dernier film de la période anglaise du maître du suspense avant les chefs d’oeuvre américains et la consécration internationale (Sueurs froides, La mort aux trousses, Fenêtre sur cour, Les oiseaux…), La Taverne de la Jamaïque est un film à part dans la carrière d’Alfred Hitchcock : un film d’aventures avec des pirates.
Adapté d’un roman de Daphné du Mourier de 1936, ce récit d’aventures, rocambolesque et divertissant, comporte tous les ingrédients indispensables à ce genre d’histoire rappelant L’île au trésor de Robert Louis Stevenson ou Les contrebandiers de Moonfleet : des pirates patibulaires, une jeune femme orpheline, un sir dérangé et plein de péripéties (des naufrages de galions, des révélations…).
Esthétiquement ce film de genre offre des contrastes appuyés du plus bel effet, des décors réussis comme cet auberge à l’architecture rappelant l’expressionnisme allemand, des trucages d’époque probants lors de naufrages en pleine tempête.
La sublime Maureen O’Hara brille dans la peau de la jeune Mary Yellard face aux accès de folie du schizo juge interprété par Charles Laughton, en roue libre. La prestation souvent outrancière de l’acteur/producteur dont la relation de travail avec son réalisateur fut très compliquée est un cas à part dans la galerie des méchants de la filmo d’Hitchcock, adepte du contrôle et de la précision.
La Taverne de la Jamaïque n’est certes pas un grand Hitchcock mais s’avère être un film d’aventures très plaisant. Juste après Alfred Hitchcock s’envolera pour les Etats-Unis pour tourner Rebecca puis de grands films inscrits au panthéon de l’histoire du cinéma.
Test blu-ray
Carlotta nous propose une superbe version restaurée en 4K en 2014 pour célébrer les 75 ans du film. Le piqué est bluffant, le grain quasi inexistant, bref une (re)découverte exceptionnelle! La piste DTS VO est plus riche en terme d’ambiances et met en avant des dialogues clairs.
Bonus
Unique bonus de cette édition blu-ray Carlotta, Naufragés en studio (13′) donne la parole à Donald Spoto, auteur de La Face cachée d’un génie : La vraie vie d’Alfred Hitchcock, pour retracer l’histoire du tournage du film. La Taverne de la Jamaïque fut tourné en studio; le décor de l’auberge est très travaillé avec trappes, escaliers en colimaçon et éclairages gothiques. Hitchcock qui était fasciné par les personnages à double personnalité (L’ombre d’un doute, L’inconnu du Nord Express, Psycho, Frenzy) déclara à propos du personnage du juge joué par Charles Laughton : « Je suis fasciné par son côté Jekyll et Hyde ». En fait Hitchcock et Laughton ne s’entendaient pas, Laughton producteur exigeant la réécriture de son personnage et de nombreuses prises au tournage. Spoto précise également que Daphné Du Mourier s’est plaint que le film desservait son roman mais Rebecca (40) puis Les oiseaux (62), signés également par le maître du suspense, ont plu à la romancière. Mais en 1939 La Taverne de la Jamaïque connut un gros succès en Grande-Bretagne puis Alfred Hitchcock s’envola pour les USA et aligna les chefs d’oeuvre que l’on connaît.