Jack, jeune comédien au chômage souffrant de claustrophobie, occupe pendant quelque temps l’appartement d’un ami. Profitant de la vue panoramique, il observe sa charmante voisine, Gloria, dont il ne tarde pas à devenir fou amoureux. A force de l’épier, il assiste un jour à l’assassinat de la jeune femme…
Avis de Fabien
Un an après son remake de Scarface devenu culte, Brian De Palma revient avec Body double, au milieu des années 80, au thriller hitchcockien qu’il affectionne (Obsession, Pulsions) pour mieux lui dire aurevoir et aller vers des films plus classiques (Les incorruptibles, Outrages…).
Grand admirateur d’Hitchcock, Brian de Palma n’aura de cesse d’aborder au cours de sa carrière les pulsions humaines, dans des films comme Obsession (sa version de Vertigo réalisée en 1976) et ce Body double (1984), caractérisés par une esthétique manipulatrice où la multiplicité des regards, le découpage au cordeau avec notamment l’utilisation de l’écran partagé sont déployés pour susciter la fascination du spectateur pour l’action à l’écran.
Dans un de ses célèbres entretiens avec François Truffaut, Alfred Hitchcock évoque ainsi le dispositif visuel et narratif au cœur de Fenêtre sur cour (1954) bâti sur une alternance de plans avec le personnage de James Stewart que nous voyons épier ses voisins, de plans subjectifs où le spectateur est mis en situation de voyeur à l’instar de Stewart et de réactions de ce dernier à ce qu’il voit : « Vous avez l’homme immobile qui regarde au-dehors. C’est un premier morceau de film. Le deuxième morceau fait apparaître ce qu’il voit et le troisième montre sa réaction. Cela représente ce que nous connaissons comme la plus pure expression cinématographique ».
On retrouve dans Body double où comme dans beaucoup de films de De Palma le spectateur observe un sujet lui-même observant quelqu’un les thèmes fétiches du maître anglais comme le voyeurisme, le double, les faux-semblants. Body double s’inspire de Vertigo avec un personnage principal atteint de phobie et Fenêtre sur cour où le voyeurisme de son (anti)héros le conduit dans des situations dangereuses.
De Palma enrobe ces totems hitchcockiens dans un thriller érotique sophistiqué, maniériste volontiers outrancier. L’intrigue policière a en effet pour cadre la cité des anges, Hollywood, le milieu du cinéma et de l’industrie pornographique, ses simulacres et ses extravagances. Body double a un côté rétro clinquant, assez amusant, avec ses effets signatures 80’s : les coiffures, Frankie goes to Hollywood, Mélanie Griffith d’une troublante sensualité. De Palma flirte allègrement avec le kitsch avec des effets pompiers comme ce célèbre travelling circulaire saisissant un baiser langoureux.
Mais la mise en scène De palmienne fait des merveilles quand elle exploite l’architecture d’un lieu pour créer une tension dramatique : la séquence de la filature dans le centre commercial filmé comme un labyrinthe est à placer dans les morceaux de bravoure de sa filmo, aux côtés de la fusillade dans la gare Union Station de Chicago des Incorruptibles et la course-poursuite à Grand Central de l’Impasse. La caméra toujours en mouvement suit Scully dans cette quête amoureuse (retrouver l’objet de son affection) qui est aussi identitaire (se débarrasser de ses peurs et devenir un homme).
Excessif, sensuel, intrigant, Body double est un des films cultes de De Palma à re(voir) avec délectation.
Test blu-ray
Technique
Fruit d’une restauration 4K, les images sont d’une grande précision, avec un piqué acéré. La VO 5.1 est d’une plus grande ampleur que son homologue française avec une belle présence de la BO signée Pino Donaggio.
Technique
Body double inaugure une nouvelle collection prestigieuse de Carlotta intitulée Coffret Ultra collector avec blu-ray, double DVD et livre.
Le film remasterisé en 4K est inséré dans un superbe étui au visuel original de Jay Shaw. Sont proposés en accompagnement un livre de 200 pages inclus 50 photos inédites et de nombreux bonus.
Pour débuter direction la préface du biographe de De Palma l’excellent Samuel Blumfeld. Puis dans Pure cinema (38′), Joe Napolitano, le premier assistant et bras droit du réalisateur sur plusieurs de ses films des années 80, livre des informations, anecdotes sur le tournage du film et la méthode De Palma. Enfin un passionnant making-of chapitré (52′), réalisé par Laurent Bouzereau, revient sur toutes les étapes du film avec de nombreuses interviews du cast et du réalisateur.
Cet excellent travail éditorial de Carlotta avec packaging et contenu de grande qualité devraient combler les cinéphiles.