Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…
Avis de Manu
Il y a parfois des cinéastes émergents qui assènent un joli uppercut visuel et sonore. Damien Chazelle fait parti de cette catégorie. Après un premier film bien mais perfectible, Guy and Madeline on Park Bench, déjà porté par le jazz, il revient avec la double casquette de scénariste-réalisateur de Whiplash. Et c’est une déflagration continuelle qui va déferler devant les yeux et les oreilles du spectateur.
On va débuter par un petit clin d’œil en direction des petits grincheux de la presse bien pensante qui en fin d’année dernière relevaient le côté répétitif du film, en toute mauvaise foi ! Les mêmes qui, lors d’autres critiques, se mettent à genoux devant les boucles incessantes et sans aucune idée, d’autres réalisateurs (proches du «tirage de peau»). Roulement de tambour, cymbales en activité, faites entrer Georges-André Gaillard ! Quand Le Monde tourne en rond, les pages des Cahiers restent décidément blanches, de sens, d’esprit et d’objectivité !
Car la force de Whiplash est justement de se calquer sur la force de son sujet. Des répétitions (dans les deux sens) pour atteindre l’absolue perfection. Les «ré-percussions» sont nécessaires à l’aboutissement de tout chef d’œuvre et c’est ici le seul chemin emprunté par Damien Chazelle. Mixer dans un élan acoustique et visuel la force de la musique, où comment filmer le son et lui donner un relief imagé.
Le film est magistral. Tout d’abord parce qu’il emploie un minimalisme de mise en scène précis et percutant (simplicité et unité des décors, homogénéité de la photo dans les tons chauds et monochromes) tout comme par un sens aigu du cadre et du tempo. Les travellings par exemple, rares, font un effet maximum quand ils sont mis en scène lors des représentations des lives. L’ingéniosité du metteur en scène à saisir les regards est également une empreinte marquée du film. Il capte avec une force émotionnelle cette lutte entre maître et élève qui se transforme petit à petit et de manière sinueuse en une des plus intenses confrontations à ascendance despotique du 7ème art. Si un cinéaste naît par la mise en place de sa propre grammaire cinématographique, en y mêlant intelligence et force, alors Damien Chazelle vient de voir le jour.
Maîtrisé d’un bout à l’autre Whiplash est autant une ode au jazz et à la quintessence même du genre musical qu’un duel filmé avec maestria entre J.K Simmons et Miles Teller, majestueux dans leur interprétation. A la poursuite de la perfection, le jeune comédien pousse jusqu’à l’épuisement et la fascination son art.
Sous couverture d’un faux thriller musical Whiplash ne laisse aucun répit au spectateur, pris dans une cadence infernale, un tempo hypnotique, c’est un véritable tourbillon de sensations et d’émotions. Répercussions fascinantes de se donner corps et âmes à un art, jusqu’à la forme plurielle de gouttes de sang et de sueur. Claque magistrale d’un film dont la tension permanente explose dans un final éblouissant qui bouscule le spectateur dans tous les sens du terme. Difficile dans les dernières minutes de rester simplement assis et figé à son fauteuil quand, dans une apocalypse visuelle et symphonique, Damien Chazelle offre une conclusion qui, en plus d’être surprenante, clôt ce petit chef d’œuvre de la plus belle des manières, un hommage au jazz et une révérence au cinéma. Assurément un film majeur de cette année.