Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte.
Lorsque le médaillé d’or olympique Mark Schultz est invité par le riche héritier John du Pont à emménager dans sa magnifique propriété familiale pour aider à mettre en place un camp d’entraînement haut de gamme, dans l’optique des JO de Séoul de 1988, Schultz saute sur l’occasion : il espère pouvoir concentrer toute son attention sur son entraînement et ne plus souffrir d’être constamment éclipsé par son frère, Dave. Obnubilé par d’obscurs besoins, du Pont entend bien profiter de son soutien à Schultz et de son opportunité de « coacher » des lutteurs de réputation mondiale pour obtenir – enfin – le respect de ses pairs et, surtout, de sa mère qui le juge très durement.
Flatté d’être l’objet de tant d’attentions de la part de du Pont, et ébloui par l’opulence de son monde, Mark voit chez son bienfaiteur un père de substitution, dont il recherche constamment l’approbation. S’il se montre d’abord encourageant, du Pont, profondément cyclothymique, change d’attitude et pousse Mark à adopter des habitudes malsaines qui risquent de nuire à son entraînement. Le comportement excentrique du milliardaire et son goût pour la manipulation ne tardent pas à entamer la confiance en soi du sportif, déjà fragile. Entretemps, du Pont s’intéresse de plus en plus à Dave, qui dégage une assurance dont manquent lui et Mark, et il est bien conscient qu’il s’agit d’une qualité que même sa fortune ne saurait acheter.
Entre la paranoïa croissante de du Pont et son éloignement des deux frères, les trois hommes semblent se précipiter vers une fin tragique que personne n’aurait pu prévoir…
Film en compétition au 67ème festival de Cannes
Avis de Fabien
Après le base-ball dans Le stratège en 2011, le réalisateur Bennett Miller met au centre d’un de ses long-métrages un autre sport typiquement américain, la lutte. Mais dans Foxcatcher il n’est pas question d’une success story mais d’un drame basé sur une histoire vraie, à savoir la relation étrange entre un milliardaire mystérieux et deux frères champions de lutte.
Comme dans Truman Capote qui a révélé Miller en 2005 il est question du portrait au scalpel d’un manipulateur en souffrance, un homme tout puissant qui vampirise une proie perdue avant de la rejeter et de commettre un acte sacrificiel sur un de ses semblables inférieurs. Ainsi la propriété familiale du milliardaire John du Pont où il a fait construire un camp d’entraînement dernier cri est un nid d’aigle (du Pont, patriote convaincu, aime se faire appeler l’Aigle doré dans ses délires égotistes) dont les deux frères ne sortiront pas indemnes.
Steve Carell est impressionnant dans la peau de ce milliardaire secret, tourmenté par un passé envahissant (un héritage lourd à porter, une mère difficile à impressionner) et sujet à des sautes d’humeur imprévisibles; le roi de la comédie us livre une prestation mémorable avec une remarquable économie de gestes et de mots. Face à lui Channing Tatum et Mark Ruffalo tiennent la distance en jouant deux frères à la relation complexe.
Bennett Miller dessine par petites touches, alternance de scènes dialoguées et de séquences sportives, le portrait redoutable et fort d’un être malade, de jalousie, de désir, de reconnaissance qui entraîne in fine avec lui un innocent dans une fin tragique. L’interprétation magistrale de Carell est pour beaucoup dans la réussite de ce grand film dramatique.
MAJ : Foxcatcher a remporté le Prix de la mise en scène au 67ème festival de Cannes
Avis de Manu :
Trois ans après Le stratège (Moneyball titre V.O) Benneth Miller imprègne encore plus fermement sa filmographie jusqu’ici sans faute avec Foxcatcher. Incarnation même de ce que le 7ème art fût il y a quelques années, à savoir une œuvre pleine de sens, magnifiée par une maîtrise esthétique indéniable. Il sait donner à ses films cette note, plutôt rare ces derniers temps, d’une aura intemporelle des oeuvres qui se démarquent d’un ensemble, de plus en plus commercial, au dépend de la création et surtout, de l’émotion. Orné de plans et d’une direction d’acteurs parfaitement dirigée, Foxcatcher fait partie de ces films ayant autant une âme et qu’une fluidité narrative. Cette dernière, simple ici, met en relief la psychologie d’hommes plus que de simples personnages. Parfumé à l’odeur des eighties le film est constamment reflet d’une (probable) passion ; le sport, encore une fois invoqué ici, qui reste le vecteur de l’histoire, là où l’angle du biopic s’efface judicieusement au profit de la psyché. Mais loin d’être pompeux, sinon élitiste par sa lenteur identifiée, le film prend son temps pour encore plus fermement s’employer à délivrer une déflagration dans sa dernière partie. Les silences résonnent alors comme de vraies luttes, des rapports de force.
Pour incarner John Du Pont, il a bien sûr Steve Carell dont le travail et l’interprétation sont troublants. Totalement méconnaissable, physiquement, tout comme innovant dans le drama proche du trauma ; lui, habitué au comédie. Plus qu’un énième essai de passer d’un extrême à l’autre, challenge courant chez les comédiens, l’acteur livre une prestation magnétique dans sa perversité.
Thriller qui fouille au plus profond de l’âme, des trois principales têtes d’affiche, Benneth Miller en capitaine, propose une lecture de ce fait divers qui fait la part belle aux rapports familiaux, d’abord paternels, par projection, fraternels mais aussi maternels. Orné d’une opacité de non-dits, le film confère un aspect mystérieux, captivant et magistral par sa mise en scène.
Ainsi sous la beauté photographique eighties du film se cache une œuvre étrangement attirante pour qui prend le temps de lutter contre un tempo résolument lent.
Magistral sous bien des aspects Foxcatcher s’avère une des plus belles réussites de ce début d’année et un des films les plus intéressants dans la course aux Oscars. Fascinant.