2013, année du pointage médiatique. Or, cela fait quelques années que le processus est amorcé, les blockbusters sans saveur inondent les écrans, voire polluent l’espace des salles obscures quand ce n’est le cerveau du spectateur. Ce dernier commence à force à se rebeller, simplement (en boycottant la salle de cinéma), et affirme ainsi ne pas être une vache à lait tendance moutons de Panurge.
Nul procès sur le genre même, le blockbuster qui fêtera bientôt ses 40 ans, la première offensive jetée en pleine mer était Jaws (Les Dents de la mer) en 1975, est nécessaire dans un paysage cinématographique éclectique. Suivra deux ans plus tard la machine Star Wars et rien ne pourra arrêter le processus « gagnant » instauré par Hollywood.
Il est plus juste de pointer du doigt la transformation d’un genre absorbé et presque détruit par l’élément qui l’a vu naître, l’attrait mercantile des studios.
Les budgets de ces « monstres » estivaux sont pourtant de plus en plus disproportionnés. En dépit de la qualité, au dépend de l’outil promotion. Les sommes allouées au budget marketing (merchandising, bandes annonces TV, affichage de masse, produits dérivés) représentent parfois 1/3 du budget du film, voire plus parfois.
En gros, les méandres de vide scénaristique sont compensés par du bourrage de crâne, surtout chez les plus jeunes. La génération 2.0 et les réseaux sociaux contribuent toujours plus à la dynamique de ce fonctionnement.
Jusqu’à maintenant nul n’avait vraiment à redire sur la manière mais les dernières années écoulées ont abaissé la qualité des films jusqu’à un point de non retour.
Point qui, four après four, comprendre que les résultats escomptés, même si parfois pharaoniques, restent bien en deçà de ce que les studios comptaient empocher, commence à prendre une conjonction finale. Plus flagrant exemple, The Lone Ranger, 200 millions de dollars de budget (hors promo) et rien à l’écran. Le public ne s’y est pas trompé. Quant aux scores de White House Down, After Earth, en plus du fond et de la forme, ont suivi le même parcours. Pacific Rim ? presque un échec. Si nous ne pouvons juger en toute objectivité la qualité de ces films, les chiffres parlent, on ne prend plus aussi facilement le public au piège.
Total éclatement d’un système en prévision (se référer à la récente interview de George Lucas et Steven Spielberg), implosion de l’exploitation du 7ème art par ceux qui se sont goinfrés des années sur le dos des spectateurs.
De spectacles divertissants nous sommes passés à une version cachée où les financiers aux dents longues courent après les plus gros profits. Où quand Inside Job rencontre The Wolf of Wall Street (bientôt en salle par ailleurs).
On ne dirige plus les grosses sociétés de production cinématographiques avec de l’artistique mais une bonne poignée de « fric ». On ne met pas des responsables qualifiés à la tête de ses « holdings », on place des financiers de grandes écoles (ou pas !), qui peuvent vendre en masse aussi bien des boissons gazeuses que du cinéma, quelle différence après tout.
Heureusement survivent encore dans une autre économie certains films « à risque » ( ?) qu’on aime découvrir, loin de l’odeur du pop-corn, toujours dans la même obscurité, également assis dans un fauteuil mais en d’autres lieux avec d’autres intentions. Jusqu’à quand ? on arrive à se poser la question.
La notion de résistance est parfois la manne principale de tout art, de là à en employer trop souvent le terme, il n’y avait qu’une frontière qui vient d’être franchie.
Manu Yvernault, rédacteur permanent au Canada.