L’officier de police Dave Brown est connu depuis toujours pour ses méthodes expéditives et sa tendance à franchir toutes les lignes. Lorsque la vidéo d’une raclée qu’il administre à un suspect se retrouve sur toutes les chaînes de télé, tout le monde se décide à lui faire payer l’addition. Face au scandale qui pourrait mettre en lumière les pratiques douteuses de la police, ce spécialiste des excès en tous genres fera un magnifique exemple… Coincé entre sa hiérarchie, ses ex-femmes, ses filles et ses peurs qu’il cache comme il peut, Brown va être écrasé, broyé, poussé à bout pour n’être plus que lui-même, loin de son arrogance et de ses méthodes de cow-boy. Cela suffira-t-il à le racheter ?
L’avis de Manu Yvernault :
Ayant uniquement droit à une sortie vidéo en tout discrétion en France, The Messenger, sortie seulement en 2012, permettait à Oren Moverman d’exposer une maitrise d’écriture et de mise en scène.
Il dirigeait pour la première fois Woody Harrelson qui dans une interprétation délicate mais toujours juste, portait un regard intéressant et inédit sur la guerre en Irak.
A partir d’un scénario écrit à quatre mains avec James Ellroy, Rampart ne s’avère pas d’une originalité profonde mais se veut pour le moins imprégné d’une vision presque documentée de certains membres de la police de Los Angeles, avec l’affaire Rodney King en toile de fond.
Des premières aux dernières minutes il sera difficile de chercher une fibre émotionnelle dans le fond du récit ou ne serait-ce même de l’originalité dans le scénario. L’intérêt du film se trouve ailleurs. Tout est bâti autour du personnage principal, David Douglas Brown et du regard porté à son égard. Névrosé, véritable ordure, raciste, le personnage interprété par Woody Harrelson, sublime dans ce rôle, n’apporte cependant aucune possibilité de compassion. Le spectateur se retrouve confronté à une noirceur, propre aux romans de Ellroy de toutes façons mais tellement poussée que D.D Brow se retrouve comme étant « le résumé » d’un système totalement dysfonctionnel.
A ce titre on retrouve une touche de David Ayer (Training Day, Street Kings) pour l’ambiance et le sujet traité.
Afin d’accéder à cet univers, il faudra cependant passer l’étape de la mise en scène, étrange, âpre, presque anachronique et focaliser son intérêt sur la composition de Woody Harrelson. Poussé jusque dans le noir le plus profond, défiant toute morale, le réalisateur réussit pourtant par sa direction d’acteur et le talent de son comédien à nous attirer dans son monde, monde plus reflet d’une chronique de vie que d’un réel effort scénaristique. En outre, une fois cette barrière passée, la prestation tout simplement grandiose de Woody Harrelson nous prend comme pour nous figer devant cette « dé-monstration » humaine, comme attiré vers ce personnage pour les mauvaises raisons. Comme si les clichés poussés à leur maximum procuraient une attraction propre aux anti-héros. C’est simple, le personnage ne possède aucune qualité: macho, violent, odieux, presque une métaphore du système qu’il représente. Un résumé de toutes les facettes négatives de la police de Los Angeles.
Pour naviguer plus sereinement près de lui, un casting prestigieux émerge : Ben Foster qu’on aimerait décidément voir plus souvent, Sigourney Weaver, Steve Buscemi et Robin Wright font des apparitions courtes mais marquantes.
Rampart, s’il ne changera pas la donne par la faiblesse de son récit et une mise en scène qui ne convaincra pas tout le monde, maniérée, brouillonne pour les uns et quasi expérimentale, détaillée et organique par rapport à son sujet pour d’autres, s’avère finalement être un film percutant. La cause principale, un Woody Harrelson en état de grâce démoniaque. On attend donc un troisième essai avec ce même duo réalisateur-comédien sur un sujet plus fouillé et ambitieux.
L’avis de Fabien
Co-écrit par le réalisateur Oren Moverman et l’écrivain James Ellroy, Rampart est, dans la lignée de Dark blue signé David Ayer d’après une histoire d’Ellroy, le portait sans concessions d’un flic à la dérive : violent, arrogant, auto-centré, Dave Brown est persuadé de faire du bon boulot (la fin justifie les moyens), d’être intouchable vis à vis de sa hiérarchie comme d’être un bon mari (envahissant, il vit avec ses deux ex-femmes) et père. Mais ses méfaits vont le rattraper et il va perdre petit à petit tout ce qu’il avait.
Centré sur un homme qui part à la dérive lentement, se consume inexorablement car il refuse de changer, Rampart tient de l’étude de personnalité plus que du polar sec et noir; le récit refuse en effet les péripéties dramatiques au profit d’une accumulation de tranches de vie où l’entourage de Brown (collègues, famille, maîtresses) le lâche peu à peu, ce dernier creusant chaque jour un peu plus sa propre tombe. Dans le rôle de ce flic tourmenté, fissuré, Woody Harrelson excelle, partageant de bonnes scènes avec Robin Wright, Anne Heche ou encore Ben Foster. Si l’interprétation est remarquable y compris dans les seconds rôles, il est dommage que la mise en scène se perde dans des effets stylisés, pas raccords avec la recherche de réalisme dictée par le sujet, le quotidien d’un flic usé, excessif, en voie de carbonisation.
Rampart s’avère un bon petit film, un portrait de flic sans compromis, très bien interprété mais pour lequel on attendait davantage, une écriture plus rigoureuse, une intensité dramatique plus présente,vu la somme des talents réunis dans ce projet.
Le master est très satisfaisant avec une définition au rasoir dans les nombreux gros plans, extérieurs ensoleillés ou autres plans nocturnes composés avec soin par le directeur de la photo Bobby Bukowski. Les deux pistes audios révèlent une ambiance acoustique assez riche, naturaliste, des bruits variés des rues de LA à une virée désespérée en boîte de nuit.
Bonus
Les bonus de cette édition hd Metropolitan comprennent un commentaire audio du réalisateur et du directeur de la photo ainsi qu’un making-of chapitré (30′).
Co-auteur avec Oren Moverman, James Ellroy, fier du film, y décrit le personnage principal, Dave Brown: »un type violent et arrogant, il donne l’impression que la vie n’est qu’une partie de rigolade et qu’il est le dindon de la farce. Il a l’opportunité de s’effondrer, de craquer et de se débarrasser de cette carapace machiste ».
La parole est également donnée à l’ensemble du casting notamment Sigourney Weaver et Ben Foster qui retrouve son partenaire, Woody Harrelson et son réalisateur de The messenger, Oren Moverman. De plus ce dernier révèle sa méthode travail, improvisation encouragée, utilisation de lumières naturelles. Très intéressant, le directeur de la photo Bobby Bukowski explique son utilisation de l’éclairage ambiant pour accompagner l’évolution du personnage de Woody Harrelson.