Le 8e Pingyao Crouching Tiger, Hidden Dragon International Film Festival s’est déroulé du 24 – 30 septembre 2024.
LES LIEUX :
Le Festival de Pingyao a été fondé par le grand réalisateur Jia Zhang ke dans la cité chinoise mythique de Pingyao, vieille de 2800 ans. La ville ancienne, classée au patrimoine mondiale de l’UNESCO, a gardé ses murailles ancestrales protectrices.
En son sein se trouve une ancienne usine désaffectée, transformée en palais du festival. L’originalité de ce palais est d’avoir su conserver les anciens bâtiments de briques en les adaptant à la nécessité d’avoir des lieux en adéquation avec l’organisation d’un festival international de cinéma.
Cette originalité est renforcée par l’attribution, à certains bâtiments du site, d’un nom ayant un rapport avec l’histoire du cinéma chinois.
La grande salle de cinéma couverte de 550 sièges est dénommée « Spring in a small town » du nom du film culte de Fei Mu, père du cinéma d’auteur chinois dans les années trente à Shanghai. Le grand théâtre en plein air de 1500 places s’intitule « Platform », clin d’œil au film de Jia Zhang ke.
La pièce reliant le bâtiment où sont à retirer les accréditations et les tickets de cinéma, les VIP lounge, où se reposent les invités du festival, et le foyer, où a lieu des débats, s’appelle « The Show Must Go On ». Cette pièce est un carrefour où se croisent et se rencontrent les professionnels du cinéma, les nombreux étudiants en cinéma et les cent quatre vingts bénévoles du Festival. Chaque soir est organisée dans ce lieu une soirée « Filmmaker’s night ».
Au delà du foyer, un grand escalier dessert un grand hall d’exposition mettant en valeur des affiches de films. Les grandes lignes de la programmation sont affichées sur le mur droit. Du côté gauche se trouve la salle des conférences de presse.
Passé cet espace, se trouve un immense hall, l’Atrium, où public et invités du festival peuvent se restaurer auprès d’une des échoppes de street food, faire l’achat de souvenir, acheter des tickets de cinéma à des bornes automatiques, prendre un verre entre deux séances de cinéma, ou se rendre dans l’un des restaurants.
Sur le côté droit de cet immense hall se situe le marché du film et quatre salles de cinéma : hall 1, hall 2, hall 3 et hall 4. Ces salles sont équipées chacune d’environ 140 fauteuils inclinables confortables et d’écran de cinéma de qualité.
Au delà de cet immense hall, se trouve un grand bâtiment accueillant les conférences.
Les commodités ne sont pas oubliées. Elles sont disséminées dans chaque lieu du festival.
Tout autour de ce bloc central de bâtiments décrits ci-dessus se trouvent d’autres édifices, celui des bureaux administratifs du festival, de cafés, de bars à bière, de restaurations rapides, …
LA PROGRAMMATION :
Cette 8e édition est composée de sections :
Hidden Dragons : 12 films chinois : Hello Spring de MA Lanhua, Village Music de Lina WONG, A Song River de ZHU, Karst de YANG Suiyi, Chinatown cha-cha de Luka Yuanyuan YANG, Floating Clouds Obscure the Sun de SHEN Tao, A River Without Tears de LIU Juan, True love, Force once in my live de SIU Koon Ho, Reflections in the Lake de ZHAI Yixiang, Betwixt and Between de ZHOU Quan, Stars and the Moon de TANG Yongkang, Green Wave de XU Lei,
Crouching Tigers : 12 films venus de pays non asiatiques : Savanna and the Mountain de Paulo Carneiro (Portugal), Universal Language de Matthew Rankin (Canada), Good one d’India Donaldson (USA), Something Old, Something New, Something Borrowed de Hernán Rosselli (Argentine), Christmas Eve In Miller’s Point de Taylor Taormina (USA), The Girl With The Needle de Magnus Von Horn ( Danemark), Sujo d’Astrid Londero (Mexique), The Story Of Souleymane de Boris Lojkine (France), I Saw Three Black Lights de Santiago Lozano Alvarez (Colombie), My Summer With Irène de Carlo Sironi (Italie), The Sparrow In the Chimney de Ramon Zürcher (Suisse), Happy End de Sora Oo (USA).
Galas : 7 films venus de France (La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy), d’Italie (The Damned de Roberto Minervini), d’Espagne (The Other Way Around de Jonás Trueba), de Hong Kong ( Crossing Years de Yonfan), du Japon (Black Box Diaries de Ito Shiori), d’Italie (There’s Still Tomorrow de Paula Cortellesi), du Japon (My Sunshine de Hiroshi Okayama).
Made in Shanxi : 6 films présentés en première mondiale tournés dans la province du Shanxi : Fen River Flowing de Hao Yun, Tiger In Cages de Wang Chuwei, Wen Rou de Li Jiaxi, The Silver Coin Villa de Guo Dongsheng, Hidden Landscapes de Guo Xufeng, My Taxi Dad de Geng Lei.
Retrospective : Earth. Cette section thématique intitulée cette année Earth est composée de 3 courts métrages filmés par des pionniers du cinéma entre 1901-1904 et 1912 et de 9 longs métrages du répertoire réalisés entre 1930 et 1992 parmi lesquels Pather Panchali de Satyajit Ray, L’île nue de Kaneto Shindo, Et la vie continue … d’Abbas Kiarostami, La Terre jaune de Chen Kaige, en copie restaurée en cette année du 40e anniversaire de sa réalisation, …
/
Un vibrant hommage est rendu à Chen Kaige, en sa présence, lors de la cérémonie d’ouverture du 8e Festival de Pingyao.
Cette sélection est complétée par 13 courts métrages dans une section intitulée : Hidden Dragons – Shorts, et par des projections surprises de films dans la section « Pingyao surprise » comme I’m still here de Walter Salles, Grand Retour de Miguel Gomes, En attendant l’automne de Francois Ozon, …
Au Marché du film 16 projets de films sont soutenus par 16 réalisateurs.
Une animation autour de Literary Picturized Project permet à 17 scénaristes de présenter leurs projets d’adaptation à l’écran de romans.
Le programme des activités mises en place lors de cette édition du festival est complété par Cultivation et Pingyao Corner. Ce dernier offre une tribune aux projets de 10 académies de cinéma de Chine.
LA JOURNÉE D’OUVERTURE :
La journée d’ouverture (24 septembre 2024) débute à 16h par le rituel de l’accueil des membres des différents jurys et des équipes de films sur le tapis rouge avec passage, pour certains, au Photocall, et parfois, pour quelques uns, sujets d’une brève interview.
Après le tapis rouge, invités et public se rendent au Théâtre de plein air « Platform » pour la cérémonie d’ouverture composée des discours stéréotypés des représentants officiels des institutions, de spectacles de musique, de chants et de danses, de la remise d’un prix d’honneur à l’immense Chen Kaige, de la présentation des membres des différents jurys.
Cette cérémonie est finalisée de manière festive par un inattendu show où les différents réalisateurs présents sont invités à monter sur scène pour chanter en duo avec Jia Zhang ke « Don’t worry, be happy » du célèbre chanteur et vocaliste américain Bobby McFerrin.
L’équipe du film d’ouverture A river without Tears de LIU Juan monte sur scène et le présente.
La projection commence pour le nombreux public.
Les invités se rendent au dîner de bienvenue suivi de la Filmmaker’s Welcome Party.
LES FILMS :
Dans tous festivals, il est impossible hélas de tout voir. Les séances s’enchaînent de 10h à 22h au rythme soutenu de 4 à 5 séances par jour.
Les films jugés par le jury Netpac :
China Town Cha-cha de la documentariste YANG Luka Yuanyuan ouvre le bal des festivités cinématographiques. Ce film très sensible fait tout à la fois le portrait de danseuses asiatiques de cabaret de 1940 à 2020, et de l’Amérique ségrégationniste se libérant peu à peu de ses a-priori sur les asio-américains. C’est aussi un film sur la vieillesse, le déracinement, l’amitié entre femmes, la diaspora chinoise dans le monde. La réalisatrice montre des corps usés et flétris habités toujours par une formidable envie de vivre.
Black Box Diaries, documentaire autobiographique glaçant de la documentariste et journaliste japonaise Ito Shiori. Elle décrit son combat de huit ans pour faire condamner son violeur, un journaliste connu biographe du premier ministre Shinzo Abe. Ce n’est qu’après l’assassinat de ce dernier qu’elle parvient à obtenir justice. Ce film est tout à la fois universel et japonais. La loi japonaise est moins protectrice des victimes de viol que la loi française.
Karst de Yang Suiyi brosse le portrait d’une femme du sud de la Chine, en souci pour ses vaches qui ne mangent plus. Elle va à la rencontre de sa meilleure amie, de son amoureux, va visiter des grottes karstiques, d’où le nom du film.
Tiger in cages de Wang Chuwei met en scène une jeune femme entrant dans l’appartement de sa meilleure amie absente. Elle découvre que celle-ci la trompe avec son mari. Elle cherche à éviter la caméra de surveillance de l’appartement. Le film se veut être une parabole sur la confiance et la trahison.
Hello Spring de Ma Lanhua aborde le sujet de l’éducation trop rigide en Chine où les élèves ont beaucoup de travail en plus des cours. Un enseignant finit par comprendre qu’il vaut mieux susciter l’envie d’apprendre et donner le goût de la culture que d’imposer un savoir. Le traitement du film est très original mêlant images réelles et images d’animation
True Love for once in my life de Siu Koon Ho a pour héroïne Sabrina interprétée par la grande actrice Hong Kongaise Cecilia Yip. Celle-ci pense qu’on a qu’un seul amour dans sa vie. Découvrant que son mari a une double vie, elle divorce mais quand son ex-mari tombe malade elle l’accompagne jusqu’au bout. Ce film est plein d’humour, parfois un peu trop appuyé.
Hidden Landscapes de GUI Xufeng est un documentaire sur l’immense musicien chinois francophone Chen Qigang. Les images des concerts donnés en France ou en Australie, sont léchées. Elles soulignent l’universalité de la musique. Les dialogues sont souvent des réflexions intéressantes sur la création artistique.
Betwixt and Between de Zhou Quan est un film déroutant dans sa construction mélangeant la littérature et la réalité pour aborder le problème du harcèlement à l’école, de la violence dans les prisons.
Towering Land de Li Yuxing commence par une introduction insupportablement longue pour mettre en place les différents personnages de ce film. Le réalisateur conte trois histoires de personnes entre deux âges qui ont des problèmes les rendant malheureuses. Elles songent à en finir avec la vie, mais finalement renoncent à leur projet de suicide.
Floating Clouds Obscure the Sun, premier film de fiction de Tao Shen, peint le portrait d’une femme vivant seule dans son village après la mort de son beau-père. Son mari est absent, probablement parti travailler dans une contrée lointaine. Elle a eu deux enfants partis eux aussi du foyer familial depuis leur âge d’adulte. Cette fiction est une belle réflexion sur la solitude, la vieillesse, le poids que représentent les aînés pour les plus jeunes.
La profondeur, la sensibilité et la qualité photographique de cette première œuvre a retenu l’attention du jury Netpac, composé de Martine Thérouanne, présidente (France), de Shannon King (Australie) et Pan Zhixin (Chine). Il lui a décerné son prix lors de la cérémonie de remise des prix par les différents jurys le samedi 28 septembre 2024, dans la grande salle Spring in a Small Town.
Le festival s’est poursuivi le dimanche 29 septembre et s’est achevé le lundi 30 septembre 2024, par la closing Red carpet mettant à l’honneur les 180 bénévoles, suivie de la Filmmaker’s party au Foyer, mettant un point final à ce merveilleux 8e Festival International du Film Crouching Tiger, Hidden Dragon de Pingyao caractérisé par le professionnalisme, la jeunesse enthousiaste de son public, la convivialité, la grande qualité de la programmation et des événements mis en place.
Le Festival de Pingyao, c’est le cinéma au service de la culture de la fraternité.
Texte écrit le 18 octobre 2024 par Jean-Marc Thérouanne. Photos FICA