Il était une fois une jeune fille qui croyait au grand amour, aux signes, et au destin ; une femme qui rêvait d’être comédienne et désespérait d’y arriver un jour ; un jeune homme qui croyait en son talent de compositeur mais ne croyait pas beaucoup en lui.
Il était une fois une petite fille qui croyait en Dieu.
Il était une fois un homme qui ne croyait en rien jusqu’au jour où une voyante lui donna la date de sa mort et que, à son corps défendant, il se mit à y croire.
L’avis de Manu Yvernault :
Agnès Jaoui aime prendre son temps, 4 ans (en moyenne) sépare ses réalisations. Quatre ans à peaufiner un scénario, construire un univers, choisir un casting. Quatre ans pour faire ce que le cinéma français ne sait plus vraiment faire, nous raconter une histoire, porter un regard, critique parfois, cynique, transmettre des émotions.
Au bout du conte, joli titre au sens figuré comme à chaque fois, remplit parfaitement ce rôle.
L’intelligence et la finesse du scénario font écho au travail de la réalisatrice sur son premier film, Le goût des autres. Le duo de scénaristes, Jaoui-Bacri retrouve cette verve et la dynamique qui avait fait leur succès, ce regard social et humain si juste porté sur les comportements, émotions et réactions de leurs personnages. Personnages symboles, reflets du spectateur qui pourra se retrouver dans des traits de caractère vu la teneur chorale du film.
Si Au bout du conte parle évidemment d’amour, le film badine du côté des croyances sous plusieurs de ses formes, superstition, rumeur, mensonge…Ensemble qui permet au scénario de prendre de l’ampleur par la pluralité des rapports que le film tend à créer entre chaque personnage. Si une fois devant nos yeux le résultat semble évident et linéaire, un travail appuyé en amont est nécessaire afin de mettre en forme un tel kaléidoscope de rencontres et de chemins croisés. Bien sûr, l’humour propre aux deux co-scénaristes est présent et marque de son empreinte le film d’un bout à l’autre.
Et puisque tout est dans le titre, une autre magie opère forcément, celle de la métaphore du conte où la majeure partie des personnages trouvent leurs échos dans les héros de livres d’enfants.
Si la force principale du film est sa narration, la mise en scène d’Agnès Jaoui a pris une certaine ampleur. Tout du moins son film s’orne de beaucoup plus d’effets de mise en scène que ses précédents films. Le sujet, bien sûr, est propice à cela. Régulièrement baigné d’un onirisme séduisant, le film ose des envolés rêveuses, presque fantastique qui rappelleraient même lors d’une certaine séquence L’année dernière à Marienbad d’Alain Resnais (séquence du bal). Toujours aussi simple et maîtrisée, la mise en scène d’Agnès Jaoui séduit dans ce savoir faire du découpage (de plans et montage) afin de donner l’espace nécessaire à ses comédiens tout en leur imposant une direction très juste.
Ensemble d’un casting donc où tout le monde trouve sa place, bien sûr, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri en tête, un Benjamin Biolay dans un rôle savoureux et parfait de ton, quand le rôle du prince charmant reste de façon surprenante bien appliqué par Arthur Dupont et ce sans contre-mesure. On restera plus pondéré quant à la composition d’Agathe Bonitzer. Les seconds rôles, Dominique Valadié, Didier Sandre, Valérie Crouzet, entres autres, remplissent savoureusement leur rôle et s’inscrivent parfaitement dans l’ « univers » d’Agnès Jaoui.
Derrière tous ces personnages un autre plus discret semble faire partie inhérente du décor de ce conte, la musique qui tout au long du film parsème le film de notes et d’intentions subtiles.
Agnès Jaoui réussit à trouver dans le conte la forme même de son récit, dans son déroulement comme dans la démystification du mythe du prince charmant. La métaphore perpétuelle permet de nombreuses envolées légères et réjouissantes qui donne à Au bout du conte, ce charme si rare, voire abandonné d’un cinéma français qu’on ne sait plus faire. La recette d’une comédie subtile qui sans en être ouvertement une donne des bouffées d’air frais autant au spectateur qu’au cinéma français. Si le film n’est pas parfait il est en tous points ce qu’on aimerait voir plus souvent dans les productions made in France. Comme quoi on peut faire du cinéma populaire, juste, intelligent, drôle et subtil sans tomber dans la facilité clownesque de ces dernières années. Encore une réussite.