Urbain Grandier, le diable de Loudun est un long métrage en préparation de Franck Allera. Ce dernier traitera du premier cas de secte diabolique connu en France… Nous vous laissons découvrir la note d’intention du réalisateur qui vous permettrons de comprendre pourquoi il a voulu réaliser ce film.. Nous vous tiendrons informé de l’avancement du projet.
Si l’opportunité de réaliser un seul long métrage m’est offerte, j’aimerais que se soit celui-ci. Une fois mon quatrième court-métrage terminé, j’ai ressenti comme un déclic, un sentiment profond, une confiance en soi que l’on a dans des grands moments d’euphorie personnelle, je me sens prêt à m’attaquer à mon rêve d’enfant… faire un long-métrage.
Cette conviction, toute subjective, acquise il fallait me focaliser, me passionner, m’enflammer pour un sujet. J’ai alors parcouru les bibliothèques, passer des heures sur le net, réfléchis à mes envies, revus les films qui m’ont donné envie de faire du cinéma, à la recherche du sujet qui pourrait me hanter pendant des années sans jamais me faire perdre foi en lui. Une certitude à ce moment m’inspirer d’un écrit ou d’un fait réel. J’avais lu que Kubrick trouvait cela plus pratique de partir d’une histoire déjà existante, et comme tout fan(atique), j’ai suivi à la lettre les mots du « maître ». J’avais également en tête un début de piste, je cherchais un mystère de l’histoire de France lié à la religion. En effet depuis le décès et l’enterrement d’un être cher dans mon enfance, j’avais définitivement placé la religion au cœur de mes réflexions d’enfant, d’adolescent et désormais d’adulte. Si les gens que l’on aime meurent, alors à quoi sert Dieu ? Est-ce là la plus grande utopie de l’humanité ? Le religieux me fascine, les croyants me fascinent, les édifices religieux… quel immense mystère pour moi. Sans distinction de religions, tout ce qui touche au sacré et que font les hommes en rapport avec la religion m’interpelle. Je dévore tous les films qui touchent de loin ou de prêt au sujet tels « La Passion du Christ« , « Kingdom of Heaven« , « Dorothy » pour ne citer que des exemples récents.
L’évènement déclencheur de mes préoccupations religieuses est également, j’en suis certain désormais, à l’origine d’un monde imaginaire dont j’ai eu et dont j’ai toujours besoin pour m’évader du monde réel. Ce monde parallèle qui a pris, au fil des années, la forme du langage cinématographique (finalement une mise en scène personnelle de la réalité). Le cinéma est sans aucun doute mon refuge, que se soit en tant que cinéphile ou comme réalisateur.
C’est ainsi que, après quelques mois de recherches, j’ai découvert l’histoire d’Urbain Grandier et des Ursulines de Loudun. Un véritable choc. Tous mes sens étaient en éveil. Tout ce que j’adore au cinéma, notamment le fantastique et l’histoire, mais surtout ces deux éléments réunis en un seul et même sujet. La multitude des thèmes abordés (religion, politique, sexualité), les personnalités impliquées (Louis XIII, Richelieu) et la nature insolite du récit (folie, exorcisme, torture…) m’offraient une matière unique pour réussir un film où l’histoire et le fantastique formeraient un alliage parfait. Je me suis dit que je pourrais désormais vivre avec un tel sujet des années et mobiliser toute l’énergie nécessaire à faire ce film, à convaincre les gens de me suivre dans cette aventure cinématographique. Voilà je tiens mon sujet !
A la suite de quoi j’ai commencé une première mouture du script. Après une discussion entre amis, on m’a présenté l’homme qui est devenu le co-scénariste du film. Je voulais être aidé pour l’écriture, avoir un regard extérieur sur le sujet, confronter mes idées. Nous avons donc travaillé ensemble avec Dominique sur le texte avec l’idée fixe qui serait pour nous la marque de la réussite du film, réussir l’alchimie parfaite entre « Le nom de la Rose » et « L’Exorciste« . Réaliser un film où les sources d’inspirations sont « La Reine Margot« , « Le Bâtard de Dieu« , « Martin Guerre » mais aussi « Rosemary’s Baby« , « Possession« , « Repulsion« , « Sleepy Hollow« , « Sweeney Todd« , « The Crow » ou encore « Dracula« . Je voudrais que le film trouve sa place et soit reconnu dans la nouvelle énergie du cinéma français de genre actuel (« Martyrs« , « Eden Log« , « Haute-Tension« , « Vertige« , « Mutants« , « Frontières« ). Que le film plaise au plus grand nombre par une forme moderne, un rythme, un esthétisme mais aussi avec l’élégance d’un cinéma à la James Ivory. Je suis touché dans son cinéma par la grâce de chaque plan et de l’élégance qui s’en dégage. Je voudrais réaliser ce film en gardant à l’esprit cette magie des plans d’Ivory et ceux, de manière plus générale, du cinéma britannique traitant des sujets historiques (« Elizabeth« , « Orgueil et préjugés« , « the Duchess« , « Les liaisons Dangeureuses« ). Chaque plan doit être élégant et unique. L’autre cinéaste référent pour ce film est Tim Burton. Son cinéma m’ensorcelle et m’emporte loin. Je suis un fervent admirateur de son travail. A l’instar de ses films, je voudrais faire un film d’inspiration gothique. Avec le style, les décors, la lumière, la forme et l’ambiance du film de genre. Un film riche d’images contrastées, de lumières stylisées et d’un étalonnage moderne.
Les thématiques complexes du film ne m’empêchent pas de vouloir faire de manière assumée un divertissement, un spectacle grand public. L’histoire, le mystique, les mystères font le succès des salles (Harry Potter, Twilight). C’est à ce titre que j’ai la ferme conviction que ce film trouvera son public dans notre époque.
Il faut faire un film qui « embarque » le spectateur d’un bout à l’autre de son déroulement, sans lui laisser une minute de répit. Un film essoufflant qui retrace la vie d’un homme défilant devant nous à toute vitesse. Il est désigné coupable il doit mourir, rien n’arrêtera sa chute. Je voudrais que cela commence par un long plan séquence de nuit. Un plan subjectif d’une présence, d’une ombre, d’une forme, quelque chose qui traverse tout le couvent, passant à travers grille et portes jusqu’à pénétrer l’intimité de la propre chambre de la mère supérieure. Celle-ci se réveille en hurlant face à la caméra d’un cri qui devra résonner dans la tête du spectateur pendant tout le film. Ce premier plan résume pour moi toute l’histoire qui va suivre. Qui vient d’entrer dans cette chambre ? Est-ce un être humain ? Le diable ? Un fantasme de la mère supérieure ? J’ai en tête pour la seconde partie du film l’esthétisme et le stylisme utilisé par Mel Gibson dans « La passion du Christ ». Je voudrais réussir comme lui à faire éprouver la douleur de Grandier au spectateur. Les coups reçus, les tortures infligées. Il ne respire quasiment plus, nous non plus.
Pour les exorcismes, je n’ai pas envie de religieuses qui décollent de quinze mètres au dessus du lit, à grands renforts d’effets spéciaux, pour faire « impressionnant ». Ce que je souhaite, au contraire, c’est travailler sur le crédible, le réaliste, le plausible. Je voudrais rester dans les limites de ce que peut faire le corps humain. Je crois que c’est ainsi que cela impressionnera et fera peur. Je veux faire un film effrayant, qui glace le sang mais pas un film d’horreur. Il faudra des contorsions, des yeux révulsés, de la bave, des hurlements. Une transe absolue mais la plus authentique possible. Il faudra des performances d’actrices hors normes qui devront renvoyer chacun de nous face à ses craintes et à ses phobies.
Cette histoire, comme ses personnages, me fascine par sa complexité historique, politique et religieuse. D’où le désir de comprendre cet événement de l’Histoire et ses protagonistes. Je voudrais raconter Urbain Grandier en gardant à l’esprit que, à cette époque, la population est convaincue que le diable existe, que des religieuses peuvent être possédés, qu’un prêtre peut avoir passé un pacte avec le diable. D’autant plus que Loudun (comme toute la France d’ailleurs) venait d’être récemment touchée par une épidémie de peste qui plongea toute la ville dans un climat chargé d’angoisses mystiques. Il me semble donc essentiel de plonger le spectateur dans ce récit en lui transmettant la mentalité et les croyances de l’époque. De garder un maximum de distance avec notre époque contemporaine qui, sans le moindre doute, classerait ce fait divers comme un cas d’hystérie collective. Quelle réussite, si les spectateurs pouvaient ressortir de la salle avec un doute sur l’existence d’une véritable possession démoniaque…
La sexualité est également l’un des thèmes du film. La frustration, le fantasme, l’abstinence doivent hanter le récit d’un bout à l’autre. Il n’y aura pas de pornographie, il n’y aura pas d’obscénité mais des personnages qui s’attirent, se repoussent, se désirent. Il y aura des regards qui auront la valeur d’actes. Des sœurs cloîtrées, qui ont fait vœu de chasteté, ont reporté tous leurs fantasmes sur un séduisant prêtre de la ville, Urbain Grandier. Est-ce là une des explications de cette histoire ?
Mais qui est cet homme sur lequel se sont portées les accusations ? Un orgueilleux, un beau parleur, un provocateur ? Un personnage qui fascine, qui me fascine. Qui est cet homme que tout condamne. Un prêtre charismatique, séducteur, dont les prêches transportent ses paroissiennes jusque dans son lit. Qui serait même marié dit la rumeur. Et s’il avait réellement passé un pacte avec le diable… Comment savoir ? Et Jeanne des Anges ! A-t-elle tout manigancé avec l’aide de ses confesseurs ? Est-ce tout simplement une vengeance ? Qui est véritablement le diable dans cette histoire ? Certainement pas celui qu’on croit…. J’aime que ces deux personnages qui portent toute l’histoire ne se croisent qu’une fois, lors de l’ultime jugement. J’aime que leurs vies, leurs destins soient liés sans qu’ils ne se soient jamais rencontrés. J’aime l’opposition de leurs personnalités.
L’histoire de Grandier et des Ursulines fait partie de notre Histoire de France (le pacte qu’aurait signé Grandier avec le diable se trouve dans les archives de la bibliothèque nationale). Je voudrais faire connaître cette histoire au plus grand nombre. Cette histoire vraie, qui mobilisa en son temps l’attention de tous, n’a encore jamais été adaptée au cinéma par une production française.
Il me tient également à cœur de réunir un casting de seconds rôles très solide, très fort à l’image avec des hommes et des femmes de théâtre. Je suis fasciné par la force des seconds rôles dans des films britanniques. Quel casting fabuleux derrière les premiers rôles pour leur donner la réplique. L’histoire de Grandier est remplie de personnages secondaires déterminants pour lesquels il faudra des acteurs de grand talent.
Bien sûr, ce projet relève d’une grande ambition pour un premier long-métrage… Certes, un tel projet est extrêmement lourd à porter mais c’est bien là ce qui m’excite et me motive tant.
Une question revient souvent lorsque je parle du projet « mais vous savez que Ken Russell a fait The Devils en 1971 sur ce sujet ? » Bien sûr, c’est un film extraordinaire, culte et adulé des cinéphiles. Une seule réponse est la mienne : il s’agit du point de vue d’un réalisateur britannique, il y a 40 ans.
Franck ALLERA
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