Alors que l’avenir de Hideo Kojima et surtout de son prochain jeu reste assez mystérieux à l’heure où nous écrivons ces lignes, Third Editions nous gratifie d’un retour sur son dernier titre à travers l’ouvrage « Entre les mondes de Death Stranding : Créer le lien par le jeu » de Antony Fournier. L’occasion de se replonger par l’écrit dans l’une des meilleures expériences interactives de 2019.
Si bon nombre de jeux vidéo ont su montrer au fil de l’évolution de ce médium combien il suffisait de gratter leur surface pour découvrir une réelle profondeur (narrative, artistique, ludique…), rares sont les jeux à avoir su se hisser au niveau de ceux de Hideo Kojima. En effet, plutôt que de surface, ce serait davantage l’image d’un iceberg et de ses parties émergée et immergée qui viendrait davantage en tête tant, depuis ses débuts, le créateur de la saga Metal Gear a su distiller dans ses œuvres une profondeur insoupçonnée, notamment dans les thèmes abordés, généralement très adultes et matures, voire philosophiques, et qui valent à la licence d’innombrables analyses de la part de la communauté depuis des décennies. Evidemment, après l’éviction du créateur par son studio de toujours Konami, on se doutait bien que son prochain jeu, Death Stranding, si il ne serait pas un Metal Gear, en garderait en tout cas les caractéristiques susmentionnées. Si vous n’avez pas eu l’occasion d’y jouer, on vous invite à lire notre test pour abattre les derniers murs de votre hésitation, idéalement avant de vous plonger dans cet ouvrage.
Car oui, Entre les mondes de Death Stranding ne se contente pas d’analyser les thèmes de Death Stranding en les faisant résonner notamment avec le parcours de Hideo Kojima (en remontant jusqu’à ses premiers pas chez Konami, voire ses premiers pas tout court). En effet, le premier chapitre du livre, qui justifierait presque à lui seul l’achat par son exhaustivité, est l’occasion pour l’auteur de revenir sur l’histoire du créateur de la saga Metal Gear, depuis son enfance marquée entre autres par son rapport au cinéma, en passant par ses débuts parfois difficiles chez Konami, jusqu’à la consécration Metal Gear Solid (et l’envers de la création de ses suites) et surtout l’après-Konami. Loin de se cantonner à une biographie lambda, l’auteur ne manque pas de faire résonner ce parcours avec les créations et influences de Kojima, apportant un regard très intéressant à la fois sur l’humain et sur l’artiste.
Un regard contrebalancé par une seconde partie qui risque de diviser un peu plus puisque s’axant principalement sur le contenu du jeu, depuis la présentation des personnages jusqu’aux événements qu’est amené à vivre le joueur durant l’aventure. Autant dire qu’en termes de spoilers, ce chapitre est un feu d’artifice qui, si il permettra aux joueurs ayant fini le jeu de se remémorer chaque élément majeur de l’histoire, ne manquera évidemment pas de gâcher dès ses premières pages la surprise de la découverte aux néophytes. Certes, les ouvrages Third ont souvent tendance à révéler bon nombre d’éléments de l’histoire du jeu qu’ils abordent, mais de mémoire de lecteur, on avait rarement atteint ce niveau d’une histoire racontée du début à la fin. Toutefois, il ne s’agit aucunement d’un reproche puisque, on le rappelle, les jeux de Kojima reposent énormément sur leur histoire, peut-être même encore plus dans le cas de Death Stranding dont bon nombre de thèmes n’ont pas manqué de résonner avec l’actualité pandémique seulement quelques mois après sa sortie. Dès lors, comment analyser un tel jeu, son histoire et ses thèmes dans son troisième chapitre sans en présenter les principaux aspects dans le deuxième ?
Une analyse qui, là aussi bien consciente de la singularité de son matériau, ne manque pas d’en aborder le moindre aspect. Gameplay, univers, thèmes, jusqu’aux nombreux caméos parsemant l’aventure… Chaque élément se voit abordé avec justesse, venant apporter sa pierre à l’édifice et permettant de mieux cerner la complexité de Death Stranding, un jeu qui, comme nous l’écrivions déjà à l’époque, va bien au-delà d’un simple Rando-Fedex Simulator, comme évoqué encore aujourd’hui par les trolls.
Au final, difficile de ne pas recommander Entre les mondes de Death Stranding, un ouvrage qui, à l’image du jeu dont il s’inspire, n’hésite pas à prendre le temps de présenter les moindres ramifications de son univers au lecteur, pour mieux l’y embarquer sans crier gare dans sa seconde moitié.