Après A Way Out, le studio Hazelight persiste et signe dans l’expérience en coopération à deux joueurs avec It Takes Two. Exit le milieu carcéral, place à un univers à la fois enfantin et totalement déjanté. Mais est-ce suffisant pour offrir un bon jeu ? Verdict dans la suite.
Si le studio Hazelight aura su se faire une place dans l’esprit des joueurs ces dernières années, c’est en grande partie grâce au nom de Josef Fares. Créateur de l’acclamé Brothers : A tale of two sons, le succès de ce dernier aura amené Fares à créer son propre studio en 2014, Hazelight donc, et à lancer dans la foulée la production de A Way Out. Bien qu’imparfait (vous pouvez retrouver notre test ici), cette première production témoignait d’une réelle volonté de placer à la fois l’histoire et l’expérience coopérative au centre du gameplay. Les qualités du jeu ayant su prendre le pas sur ses quelques défauts, on attendait le prochain jeu du studio avec une certaine curiosité. Mais, autant être honnête, on ne s’attendait réellement pas à une telle baffe !
Soyons clairs dès maintenant : It Takes Two est l’une des meilleures expériences vidéoludiques de ces dernières années. Qu’il s’agisse de l’histoire, de l’univers visuel, du gameplay coopératif ou même du gameplay en général, absolument tout dans It Takes Two respire l’amour et la passion du jeu vidéo !
Et même l’amour et la passion en général, pourrait-on ajouter. En effet, It Takes Two nous met dans la peau de May et Cody, un couple actuellement sur le déclin, que leur toute jeune fille surprend même à causer divorce. Il n’en faut pas plus pour que l’enfant se réfugie vers ses poupées et le « Livre de l’Amour » du Dr Hakim, en souhaitant que ses parents retrouvent leurs liens d’antan. Et hop, voilà nos deux parents propulsés dans le corps de deux poupées à leur effigie, obligés se plier aux conseils du Livre de l’Amour, désormais doué de parole et d’un bagout à toute épreuve, si ils espèrent retrouver un jour forme humaine. Bien entendu, point de formule magique ici, c’est par la coopération, le dialogue et la traversée de toute leur maison (fichtrement grande quand on ne mesure que quelques centimètres !) que notre couple devra passer. Et comme on peut s’y attendre, le chemin sera semé de bien des embûches, sans compter des rencontres fichtrement allumées !
On touche ici à la première des qualités de It Takes Two : son univers. Si son pitch de départ pouvait laisser craindre une intrigue matinée d’eau de rose et de poncifs, il n’en est absolument rien, et si l’on appréciera les nuances joliment matures dans le traitement de la relation de May et Cody (encore plus appréciables si vous jouez avec votre moitié), c’est surtout l’approche complètement déjantée qui emportera la mise ! C’est bien simple, entre personnages totalement azimutés (mention aux écureuils), décors complètement fous (la chambre d’enfant est un festival !) et rebondissements gentiment barrés, on avait rarement vu un univers narratif à la fois aussi enfantin et aussi perché depuis le génial Puppeteer (par ici pour le test/rappel de cette pépite). Pour aller plus loin, on pourrait même considérer It Takes Two comme un savant mélange entre Toy Story, Chérie j’ai rétréci les gosses et donc Puppeteer. On a vu pires influences !
La multiplicité des influences se retrouve également dans le gameplay, qui se partagera aussi bien en local qu’en ligne (via un système de pass donnant accès au jeu, même si l’autre joueur ne le possède pas !). Si vous craigniez d’avoir affaire à un simple jeu de plates-formes, autant casser immédiatement le suspense : It Takes Two est un véritable melting-pot de ce que le jeu vidéo a pu nous offrir depuis sa création. Plates-formes 2D ou 3D, jeu de tir, puzzle-game, pilotage de bateau ou d’avion, jeu d’action, combat aérien, jeu de sport… Absolument tout ou presque se retrouve à un moment ou un autre dans It Takes Two, que ce soit dans la quête principale ou les mini-jeux, si bien qu’au fil des niveaux, il sera difficile de ne pas avoir l’impression de voir défiler devant soi toute l’histoire du jeu vidéo, depuis les premiers jeux d’arcade en passant par des clins d’oeil à Mario Bros, jusqu’aux effondrements et « crap » d’Uncharted ! En prime, l’ensemble est non seulement incroyablement intuitif, mais également très facile d’accès, si bien que It Takes Two plaira aisément aux joueurs néophytes. Et si vous êtes un joueur aguerri, pas de panique : derrière son accessibilité, le jeu renferme suffisamment de challenge pour vous tenir en haleine, sans compter les mini-jeux farfelus. De même, difficile de passer sous silence la dimension coopérative qui se retrouve jusque dans la complémentarité du gameplay où chaque personnage aura un rôle différent à jouer, imposant ainsi de savoir collaborer pour espérer voir le bout de l’aventure.
Une aventure qui, vous l’aurez compris, ne laissera aucun joueur insensible pendant la bonne douzaine d’heures qu’elle vous demandera au bas mot. D’autant que, outre son univers et son gameplay aux petits oignons, It Takes Two peut également compter sur une mise en scène de haute volée, avec d’innombrables scènes – cinématiques ou jouables – tenant la dragée haute aux meilleurs films d’animation (avec un petit côté Zack Snyder pour l’affection pour les ralentis). Une impression renforcée par les indéniables qualités techniques du jeu, depuis la modélisation des personnages (excepté peut-être les rares humains) jusqu’aux décors et effets de lumières tous très soignés (mention à la tour de l’horloge et ses mécanismes), sans compter certains passages franchement aptes à vous décoller la rétine.
Les oreilles ne seront pas en reste avec des doublages très bien campés (VOST uniquement, avec d’excellents sous-titres français n’ayant pas peur d’adapter certains dialogues au public hexagonal – mention aux répliques de Rasta Rocket !) et laissant clairement transparaitre les caractères des personnages (May rationnelle, Cody rêveur, Hakim totalement perché…), très bien secondés par des bruitages aussi réalistes que cartoonesques, sans oublier des thèmes musicaux finissant de sublimer l’ensemble. Une vraie réussite !
« Réussite » semblerait d’ailleurs presque un bien maigre qualificatif pour It Takes Two tant le jeu de Hazelight fait montre d’amour et de passion : pour son histoire, pour ses personnages, pour son gameplay, pour son univers visuel, pour le jeu vidéo dans son ensemble… Rares sont les jeux à réussir à un tel point à retranscrire la flamme qui anime leurs créateurs, et surtout à la partager à un public aussi large, du néophyte au joueur aguerri, tout en réussissant à offrir une expérience aussi variée et mémorable aux couples ou amis qui se lanceront dans l’aventure. En ligne ou idéalement sur le même canapé, It Takes Two est de ceux-là. Une pépite, tout simplement !