Au 24e Festival International du Film de Busan comme si vous y étiez :
Le 24e Festival International du Film de Busan s’est déroulé du 3 au 12 octobre 2019 avec en ouverture le très beau film Kazkh « The Horse Thieves, Roads Of Time » de Yerlan Nurmukhambetov. Ce dernier avait obtenu le prix du public au 22e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul 2016 avec son premier film « Walnut Tree ».
Cette 24e édition du BIFF s’achève avec « Moonlit Winter » du réalisateur coréen Lim Darhyung. Celui-ci s’était fait remarquer par son premier film « Merry Christmas Mr Mo » sélectionné au 22e BIFF en compétition New Currents en 2016 et avait remporté le prix NETPAC.
Deux cent quatre-vingt quatre films ont été présentés dans les différentes sections :
1- Quatre en « Gala présentation » :
Parmi les quatre sélectionnés, « The Truth » de Kore-eda Hirokazu, premier film du réalisateur japonais tourné en France avec Juliette Binoche et Catherine Deneuve. Kore-eda Hirokazu avait reçu la palme d’or à Cannes en 2018 pour « une affaire de famille » et le Cyclo d’or d’honneur à Vesoul en 2012, où l’intégrale de son œuvre avait été présentée pour la première fois en France ;
2- Dix-neuf en « Icons » :
Dans cette section sont présentés les derniers films de 2019 de tous les grands du cinéma mondial : Costa Gavras, Atom Egoyan, Werner Herzog, Arturo Ripstein, Bruno Dumont, Xavier Dolan, Agnieska Holland, Ken Loach, Bong Joon-ho, Kurosawa Kiyoshi, Marco Bellocchio, Gabriele Salvatires, Bertrand Bonello, Pedro Costa, Olivier Assayas,…
Le film fleuve « The Halt » du réalisateur philippin Lav Diaz, d’une durée de 4h38, moitié plus court qu’à son habitude ;
L’excellent « Mindanao » de Brillante Mendoza, autre géant du cinéma philippin et mondial. En 2h03, celui-ci conte le combat d’une mère musulmane de la grande île du sud des Philippines, Mindanao, pour sauver sa fille atteinte du cancer, pendant que son mari médecin militaire musulman combat au sein de l’armée des Philippines la rébellion des radicaux islamistes indépendantistes infiltrés par Daech. La population de l’ile de Mindanao s’est toujours sentie plus proche des indonésiens que des philippins.
Brillante Mendoza fut président du Jury International et reçu un Cyclo d’or d’honneur pour l’ensemble de son œuvre au 20e FICA Vesoul en 2014.
« Marghe And Her Mother » de Moshen Makhmalbaf, réalisateur iranien en exil, ce dernier signe une œuvre tournée en Italie, dans laquelle il brosse le portrait d’une jeune mère célibataire de 22 ans et de sa fille de 6 ans. L’ensemble de la famille Makhmalbaf reçu un Cyclo d’or d’honneur au 15e FICA Vesoul.
« It Must Be Heaven » d’Elia Suleiman, mention spéciale au festival de Cannes 2019, dans ce film le réalisateur arabe israélien accentue son personnage de Buster Keaton ou de Monsieur Hulot palestinien, pour dénoncer l’absurdité dramatique de la situation dans laquelle a se trouve le peuple palestinien, tant en Israël que dans les Territoires palestiniens ou en exil. Élia Suleiman vint en 1997 à Vesoul présenter son tout premier long métrage « Chronique d’une disparition » film révélant tout le talent d’un jeune prodige du cinéma.
3- *Cinquante cinq en A Window on Asia Cinema :
le film indien « Bitter Chestnut » de Gurvinder Singh, film de montagne proche du docu-fiction, fait songer à un film type conférence « Connaissance du monde ».
« African Violet » de la réalisatrice iranienne Mona Zandi Haghighi avait remporté le prix du public au 25e FICA Vesoul 2019, la magistrale interprétation en femme courage de la grande actrice iranienne Fatemed Motamed Arya, donne une tonalité universelle à ce film sur la fin de vie.
« Balloon », du réalisateur tibétain de nationalité chinoise Pema Tseden, apparaît comme plus « ethnique » que ses deux précédents films « Tharlo » ou « Jinpa », mais la « patte » du père du cinéma tibétain, qui n’appartient qu’à lui, prouve, une fois de plus, qu’il est un vrai auteur.
« Bombay Rose » film d’animation indien de Gitanjali Rao, s’avère décevant, beaucoup de clichés sur l’Inde dans cette coproduction franco-anglo-quatari-indienne au graphisme inégal.
« Children Of The Sun » du chef de file du cinéma sri lankais Prasanna Vithanage, plusieurs fois en compétition et primé au FICA Vesoul, démontre une nouvelle fois avec ce film historique que son réalisateur est au mieux de son talent de metteur en scène et dans sa maîtrise de l’art cinématographique.
« Changfeng Town » de la réalisatrice chinoise Wang Jing, apporte une bouffée de fraîcheur en brossant les portraits savoureux de jeunes chinois dans une ville de province.
« À Dark-Dark Man » d’Adilkhan Yerzhnov (Kazakhstan) signe un nouveau film brillant sur fond de crime crapuleux.
« Dwelling In The Fuchun Moutains » du chinois Gu Xiaogang filme à la manière des grands maîtres picturaux chinois lorsque ces derniers peignaient la vie et la nature, sur de grands rouleaux presque sans fin et sans cadre. Ce premier film fut en sélection à la Semaine de la Critique, Cannes 2019, il sera distribué en France par ARP.
« Heavy Craving » film taiwanais de Hsieh Pei-ju, aborde le sujet de l’obésité avec justesse dans sa première heure avant de sombrer dans le grotesque dans sa dernière demi-heure, dommage.
« Fagara » de Heiward Mak (Hong Kong) est une comédie formatée, proche des séries télévisées Hong Kongaises.
« Hava, Maryam, Ayesha » de la réalisatrice afghane Sahraa Karimi, également directrice de l’afghan film, dépeint la condition féminine dans son pays au travers de trois histoires de femmes de conditions sociales différentes. Ces trois portraits s’entremêlent formant un cercle à la manière du célèbre film de Jafar Panahi.
« The Long Walk » de la réalisatrice laotienne Mattie Do, appréciée du public vésulien, pour son précédent film, poursuit sa carrière dans le film de genre entre horreur et fantastique. Au-delà du thriller mettant en scène un serial killer chamaniste, Mattie Do propose une réflexion sur le cycle de la vie fortement imprégnée de culture bouddhiste. Ce film vient de remporter le prix le plus important du festival du film fantastique de Sitges.
« Maadathy, An Unfairy Tale » de Leena Manimekakai (Inde) montre l’extrême violence sexuelle dont peuvent être victime les femmes indiennes.
« Jallikatu » de Lijo Jose Pellissery (Inde) est un long clip d’une heure trente et une, parabole sur la violence, montrant la régression néandertalienne de l’humanité quand elle est prise de folie collective comparable à l’animal, en l’occurrence le buffle pris « d’amok ».
« Lunana : A Yak In The Classroom » est une belle histoire humaniste venant du Bhoutan. Pawo Choyning Dorji, plonge le spectateur dans l’univers des hautes cimes himalayennes où un instituteur venu d’une mégalopole australienne part enseigner dans le village le plus reculée du pays du Produit National du Bonheur.
« Mariam » de la réalisatrice kazakh Sharipa Urazbayeva, accomplit l’un des films les plus beaux de la sélection de ce 24e BIFF. En une heure quinze elle réalise avec un sens de l’ellipse une œuvre forte sur le Destin d’une femme confrontée à la disparition soudaine de son mari, devant faire face à l’adversité de la réalité du quotidien.
« Nina Wu » de Midi Z (Taiwan-Myanmar) réalise un film sur l’univers malsain du monde du cinéma où une actrice est confrontée au harcèlement sexuel d’un producteur obsédé.
« The Orphanage » de la réalisatrice afghane Shahrbanoo décrit l’univers et les rêves d’un orphelin dans la société afghane du temps du communisme bientôt menacée par les Talibans.
« The Promise Land » du Japonais Zeze Takahisa, analyse la montée de la tension dans un village où deux fillettes, à douze ans d’intervalle, sont kidnappées par un sérial Keller.
« Saturday Afternoon » de Mostafa Sarwar Farooki (Bangladesh) réalise le film le plus glaçant vu à Busan cette année. Farooki retrace l’attaque terroriste qui eut lieu quelques années plus tôt dans un restaurant de Dhaka, en plein ramadan, par des membres de Daech. L’intérêt de ce film réside dans la confrontation entre les otages musulmans et les terroristes radicaux islamistes. Farooki avait habitué le spectateur à des sujets infiniment plus léger avec « Télévision » présenté en film de clôture au BIFF plusieurs années auparavant.
Le très pudique « Suk suk » de Ray Young (Hong Kong) décrit l’itinéraire d’un chauffeur de taxi qui découvre (ou fini par assumer) son homosexualité. Beaucoup de tact dans ce film qui ira à Berlin. Teresa Kwong, habituée du FICA Vesoul, en est la productrice.
« Verdict » de Raymund Ribay Gutierrez, élève de Brillante Mendoza, aborde, caméra à l’épaule et en plan serré, la violence conjugale aux Philippines. Le combat d’une femme et de son enfant victimes de l’insupportable passe par les arcanes des procédures judiciaires et débouche sur une injustice confirmant que droit et moral sont deux choses différentes.
« They Say Nothing Stays The Same » d’Odagiri Joe, plonge le spectateur dans un univers de beauté méditative. Ce film japonais allie lenteur, cheminement intérieur et symbolique zen.
« The Wayfarers » du grand réalisateur indien bengali, Goutam Ghose, héritier de Satyajit Ray, dénonce l’exploitation de l’homme par l’homme dans la société indienne contemporaine où la situation des indiens de basses castes ne profitent en rien des efforts de modernisation du pays qui serait, paraît-il la plus grande démocratie du monde.
« Where We Belong » de Kongdej Jaturanrasmee (Thailande) s’éparpille en abordant trop de sujets à la fois. La première partie du film décrivant la jeunesse thaïlandaise de la classe moyenne émergente est assez réussie.
4- *Quatorze en New Currents, la compétition officielle :
« Among The Hill » de Mohammad Reza Keivangar, sur le dernier scénario d’Abbas Kiarostami, filme un jeune instituteur qui lors de son service militaire, est envoyé enseigner dans une région reculée d’Iran. La « patte » du maître du cinéma iranien imprègne ce film aux paysages surprenants.
« John Denver Trending » d’Arden Rod Condez (Philippines), traite d’un sujet, hélas universel, celui du harcèlement d’un tout jeune adolescent, via les réseaux sociaux, le conduisant au suicide.
« Just Like That » du réalisateur indien Kislay Kidlay, conte l’histoire d’une veuve qui s’émancipe sur fond de montée de l’intégrisme hindouiste. Ce film adopte un ton juste et convainquant.
Le film de la Japonaise Suzuki Sae « My Identity » semble autobiographique. Une toute jeune fille d’origine taïwanaise est victime du racisme de certains camarades de classe japonais, en réaction elle se tourne vers ses racines chinoises.
« Over The Sea » de Sun Aoqian (Chine) s’attache à décrire la vie d’un enfant de onze ans ayant perdu ses parents dans un naufrage et vivant depuis avec son oncle. Le garçonnet cherche par le rêve à retrouver ses parents. Ses rêves sont peuplés d’êtres étranges.
« Rom » de Tran Thanh Huy, réalisateur vietnamien, propose un film hypervitaminé sur la vie de jeunes marginaux qui survivent en vendant au noir des paris illégaux. Le traitement du sujet est un mélange de la manière de faire des réalisateurs philippins et hong-kongais. L’œil n’a pas le temps de se poser. Le scénario est tenu. Les scènes d’action sont répétitives.
« An Old Lady » de la réalisatrice coréenne Lim Sun-ae, a tourné l’un des films les plus émouvants de la section New Currents, en brisant le tabou du viol des personnes âgées par du personnel hospitalier. La lumière crue de l’actualité rappelle, hélas, que ce phénomène des prédateurs sexuels abusant du troisième, voir quatrième âge, est malheureusement trop répandu.
« Running To The Sky » est le second long métrage de Mirlan Abdykalykov, fils du maître du cinéma kirghize contemporain Aktan Arym Kubat. Le thème du rapport père-Fils est une constante dans l’œuvre du fils comme celle du père.
5- *Seize en Korean Cinema Today – Panorama :
« Birthday » de la réalisatrice LEE Jong-un analyse les conséquences psychologiques de la perte d’êtres chers dans le drame du naufrage du Sewol en 2014.
Cette jeune réalisatrice a obtenu le soutien de l’immense LEE Chang-dong.
« Gang » de Jo Bareun signe un film de genre qui plait à la jeunesse coréenne. Il fallait entendre les réactions du public pour s’en convaincre. Ce film parodique de gangsters est filmé selon les codes du genre en multipliant les effets comiques, succès garanti au box office !
« Hôtel By The River » d’Hong Sang-soo, tourné en noir et blanc met en scène un poète qui rencontre différents personnages dont une jeune femme. Les dialogues ont toujours une grande importance dans les films de celui que la critique considère être le Rohmer du cinéma coréen. Le comique des situations se complète par l’humour sous-jacent des quiproquos.
Ce film est distribué en France par les Acacias.
6- *Dix en Korean Cinema Today – Vision (Compétition) :
« The Prégnant Tree And The Gobelin » de Kim Dongryung aborde le douloureux fait historique des femmes de confort pour les soldats américains pendant et longtemps après la guerre de Corée (1950-1953). La forme stylistique du film est original et déroutant. Commencé comme un film documentaire, il se poursuit sous la forme du théâtre filmé.
« We Gon’Be Alright » de Park Minkook est une comédie sans prétention très drôle sur l’envie d’une femme et de six hommes de réaliser un film qui ambitionne de révolutionner le cinéma coréen. Le plaisir pris par les acteurs à réaliser ce film est communicatif.
7- *Sept en Korean Cinema Retrospective (Grands classiques du cinéma coréen) :
« Son Of A Man » de YU Hyun-mok est un film important dans l’histoire du cinéma coréen tant par le sujet abordé, qu’est-ce que vivre sa foi ? Que par la manière dont ce film a été réalisé : belle leçon de cinéma !
8- *Soixante huit en World Cinema : films d’Europe, d’Amérique, d’Océanie, d’Afrique et de deux pays d’Asie du Proche-Orient (Israël et Turquie) :
« A Tale Of Three Sisters » d’Emin Alper est une adaptation très libre des « Trois Soeurs » transposée dans l’univers turc.
9- *Treize en Flash Forward, (Compétition) :
« Chronology » d’Ali Aydin en dit long sur le machisme régnant dans la société turque y compris dans les milieux les plus éduqués.
10- *Vingt-six courts-métrages en Wide Angle, (Compétition) :
11- *Dix en Documentary competition :
« The Unseen » de l’iranien Behzad Nalbandi, réalise un documentaire sur les fléaux sociaux de la violence conjugale, du viol, de la prostitution et de la drogue, qui rongent la société iranienne.
12-*Vingt deux en Documentary Showcase :
« President’s 7 Hours » de LEE Sang-ho revient sur le drame du naufrage du Sewol et la personnalité sous influence d’un gourou de l’ancienne présidente de la République de Corée.
13-*Six en Open Cinema :
C’est dans cette section que fut présenté « les misérables » de Ladj Ly, cinéaste franco-malien, prix du jury Cannes 2019, film qui représentera la France aux Oscars du meilleur film étranger.
14-* Dix en Special Program In Focus 1 dans le cadre de la célébration des cent ans de l’histoire du cinéma coréen :
Section composée de grands classiques du cinéma coréen comme « The Housemaid » de Kim Ki-Young ou « Seopyeonje » ( la chanteuse de Pansori) d’Im Kwon-taek.
15-*Huit en Spécial Program In Focus 2 « Asia’s Leading Women Filmmakers’ » : présentait des œuvres de la réalisatrice indienne Deepa Mehta, de la réalisatrice malaisienne Yasmin Ahmad, toutes deux bien connues du public vensulien, et de la réalisatrice vietnamienne Trinh T.Minh-ha,
16-*Six en Midnight Passion, dont le dernier film du réalisateur japonais MIIKE Takashi « First Love » que va distribuer, en France, Haut et Court,
17-*Cinq en Busan Classics : permettant de voir ou de revoir, entre autre, le premier long métrage d’Eric Khoo, « Mee Pok Man ».
Ainsi s’achève le panorama des films vus à Busan lors de cette 24e édition riche de films et de rencontres.
Jean-Marc Thérouanne
Texte écrit le 13 octobre 2019.