Lors de la 21ème édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul (70), une table ronde autour du thème des difficultés à réaliser un film en Asie était organisée. Bien entendu, CINEAlliance était présent sur place pour couvrir cet évènement unique ! En Chine, on ouvre 20 salles par jour paraît-il, ce qui prouve l’engouement du public pour le cinéma. Malgré cela, la censure reste omniprésente en Chine. Comme tous les ans, c’est l’exceptionnel Bastian Meiresonne qui a organisé et orienté le débat.
Luisa Prudentino a fait l’introduction de ce débat, en commençant par nous parler des difficultés rencontrées en Chine. Ce pays qui a un chemin cinématographique tout tracé, a vu naitre les premières coproductions en 1957 avec Le cerf-volant du bout du monde. Depuis, il y a eu des accords spéciaux entre la France et la Chine, et ce jusqu’en 1989. A l’époque, la production des films appartient à l’Etat. Les conséquences des évènements de 89 (tout le monde garde à l’esprit ce qui s’est passé place Tiananmen à cette époque) ont été représenté par des interdictions de tournage, des censures, des projections de certains films toujours interdites et beaucoup d’autres problèmes en découlant. La parole fut ensuite donné aux intervenants afin qu’ils nous donnent leur point de vue sur la question.
Wang Chao : J’ai découvert une sélection de films chinois au FICA qui m’a permis de revoir certains. De mon point de vue, j’ai pu voir l’évolution du cinéma chinois des années 50 à maintenant. Des années 1990 à 2000, de nombreux films indépendants chinois ont vu le jour. Au 21ème siècle les films privés indépendants remplacent les films produits par le gouvernement, on entre dans un système commercial privé. Tout le monde commence à produire dans le ciné, que ce soit les industriels, les hommes d’affaire… le marché est florissant. Il y a également de nombreuses coproductions franco-chinoises en cours. Pour avoir travaillé sur ces co-productions, j’apprécie beaucoup le professionnalisme des producteurs français.
Jin Huaqing : En Chine, je produis surtout des documentaires et peu de fictions. De mon point de vue, la plupart des jeunes réalisateurs préfèrent faire des films commerciaux. A cause des finances, ils font leurs propres films et ils ont peu de rentrées d’argent extérieures. Ils ont beaucoup de difficultés à produire les films. Avant, je travaillais pour la télévision, et la plupart du temps je devais avoir des accords de l’Etat qui m’imposait les films à réaliser. Pour l’instant, en Chine, il y a beaucoup de jeunes réalisateurs qui font de tout car il y a beaucoup de sujets à aborder. Comme ils n’ont pas beaucoup de moyens, ils espèrent en trouver par le biais des festivals de cinéma.
Philippe Muyl : Je ne crois pas avoir une vie antérieure chinoise. J’ai réalisé Le papillon avec Michel Serrault en 2002. Il a été piraté massivement et est maintenant en VOD payante en Chine. Le film est très connu là-bas et lors d’un festival en 2009, j’ai rencontré des jeunes producteurs qui avaient envie de faire un film avec moi. Je me suis mis au mandarin et j’ai commencé à voyager. J’ai consacré 4 ans du reste de ma vie à ce film. Casting chinois, langue chinoise, seule la post production a été faite en France. Je ne peux pas dire que j’aie eu de grosses difficultés, il faut être souple et on y arrive. La seule difficulté a été l’argent, mais on y est arrivé. Le film est sorti en France en Mai et dans beaucoup de pays dont la Chine. Le problème de la Chine est en fait celui du monde entier, il n’y a qu’un mot qui compte : l’ARGENT. Les producteurs préfèrent donc miser sur les grosses productions. On ne voit que ça et moins de films de qualité malheureusement. Il n’y a que cette sorte de film qui trouve à être distribué en Chine, les grosses productions et les blockbusters américains.
Mohammad Rasoulof : Bien sûr, je ne peux pas dire que les conditions de tournages soient différentes en Iran. La différence est dans la censure car en Iran, c’est le régime islamique qui impose sa conformité et pas le régime communiste qui dirige la Chine. A par ces généralités, je ne peux qu’évoquer mon cas car je suis mon chemin et je ne peux qu’évoquer ma propre expérience. Mon essentiel problème est la censure. Pas uniquement sous forme religieuse, mais généralisée à cause notamment de la politique de mon pays. Lors de l’un de mes interrogatoires, j’ai dit que le problème c’est que mon cœur est partout. Mon souci principal n’est pas de trouver de l’argent car j’ai appris à travailler avec peu de choses (petites caméras bon marché,…), et je ne recherche que des possibilités de travailler convenablement. Le régime a réussi à donner une certaine manière d’agir aux réalisateurs qui ne cherchent pas à se compliquer la vie et d’un autre côté, les gens sous tensions ne cherchent pas à voir leurs propres problèmes à l’écran. Contrairement à ce que l’on croit, dans les films iraniens, il y a du sexe et de la violence comme partout. Le régime incite à faire des films hollywoodiens en Iran, uniquement pour le divertissement. J’aimerais que le CNC donne le remède miracle à notre gouvernement pour pouvoir faire des films tranquillement et facilement.
Somchith Pholsena : Bastian est le sauveur de films. Ça fait 40 ans que la république populaire de Laos dirige le cinéma. J’ai réalisé le tout premier film de fiction en 1983, Le son des coups de fusils dans la vallée des jarres, que je préfère appeler Tonnerre dans la vallée des jarres. Avant cela, j’avais fait des études audiovisuelles à l’ORTF. Je démarrais l’école de cinéma et on recherchait des jeunes réalisateurs pour faire des films laotiens. J’ai réalisé La vallée des jarres en coopération avec le Vietnam.
Anousone Sirisackda : Actuellement, la production de film au Laos, je pense qu’on doit relier avec l’histoire du pays. On peut maintenant dire que notre société est au début de la production privée. C’est le recommencement. On a fait beaucoup de fictions avant 75. Après la révolution, le gouvernement à établi le département de cinéma mais il y a seulement 2 films réalisés. Je faisais mes études en union soviétique, et quand je suis retourné au Laos, le département avait déjà disparu. En 2008, on a recommencé la production. J’en suis à mon troisième film. Et le département a été rétabli. Le problème est que nous n’avons pas assez de salles de cinémas au Laos. Les grandes salles ont toutes disparues dans les années 90. Tout le monde utilise le pay-per-view, Internet et la vidéo. Les salles disparaissent malheureusement.
Tous nos remerciements aux différents intervenants pour nous avoir donné leur avis sur la question. Cette rencontre a malheureusement été écourtée par le temps imparti. Dommage, avec ce plateau d’invités et un tel sujet, on aurait pu tenir tout l’après-midi… Remerciements également aux organisateurs de cette 21ème édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul pour nous avoir concocté cette séance et de nous y avoir invités. Merci Martine, Jean-Marc et Bastian. Et comme toujours, la galerie complète des photos est disponible ici et elle ne cesse de grandir !